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articles du ML1221

du 16 au 22 novembre 2000
Le jeudi 16 novembre 2000.

https://web.archive.org/web/20031025125639/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1221/index.html

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Scandale des farines animales : Mort aux vaches !

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Pour que personne ne décide à notre place

Gestion directe de nos communes

L’alternance politicienne entre la droite et la gauche, avec leurs alliés de tout le spectre de la « démocratie » parlementaire, nous a clairement démontré combien les politicards font preuve d’efficacité, lorsqu’il s’agit de favoriser les profiteurs qui s’engraissent sur notre dos.

Au nom d’une gestion réaliste de notre vie commune, ils nous imposent une économie de plus en plus libérale où la société est cogérée par les « décideurs » : représentants des multinationales, du patronat, leaders d’opinions, responsables des partis dit politiques et de certains syndicats. Ceux-ci tiennent bien serrées dans leurs mains les rênes de l’économie, gèrent le capital, et cherchent à travers la « politique » à contrôler totalement notre existence. On veut nous faire croire que ce mode de gestion est le seul possible et qu’à défaut de pouvoir lutter contre le capitalisme, il faut se contenter de le gérer le mieux possible.

Attention !
La globalisation croissante de l’économie est en train de dissoudre les intérêts des populations locales dans ceux des cartels financiers internationaux. Cette concentration du pouvoir économique mondial s’accompagne d’une centralisation du pouvoir politique qui amène de fait une nouvelle forme de totalitarisme qui, si nous n’y prenons garde, risque de balayer à terme toute forme de démocratie !
Oublier l’histoire, c’est se condamner à la revivre. Devrons-nous attendre en moutons résignés l’avènement d’une dictature souhaitée par certains aujourd’hui, ou choisirons-nous la voie de la responsabilité et de l’égalité ?

La lutte pour la gestion directe

Que personne ne décide à notre place ! Organisons la solidarité et l’entraide entre les habitants de nos communes contre les affairistes.
Préparons-nous à remplacer l’État, institution parasite et étouffante, par une organisation fédéraliste des différents secteurs de la société.
Demain, gérons nous-mêmes, directement, nos cités et notre travail. Supprimons les inégalités sociales et économiques.
Après l’échec à l’Ouest, à l’Est, au Sud et au Nord de toutes les doctrines autoritaires (coloniales, démocratiques, dictatoriales ou théocratiques), luttons pour une société libertaire ; débarrassons-nous des gouvernants et des patrons.

Les principes
Les principes de gestion directe communale telle que les libertaires la conçoivent sont clairs.
Ils supposent :
• Le fédéralisme, agent de coordination en remplacement de l’État, qui est un agent de coercition du système capitaliste.
• Des assemblées générales souveraines.
• Le mandatement impératif des délégués.
• La révocabilité des délégués élus.
• Des Comités de quartier et par thèmes transversaux (culture, éducation, transports…)
• Une socialisation des services avec des décisions prises par un collège comprenant :
 Les usagers de ce service.
 Les citoyens de la commune.
 Les personnes travaillant à faire fonctionner ce service.
Nous nous démarquons de cette démocratie participative mise à la mode ­ comme par hasard ­ à la veille des élections. Chrétiens progressistes, marxistes modernistes, et certains écologistes, ne vous proposent que d’améliorer l’information et la consultation des citoyens sur des décisions qu’ils auront déjà prises. L’utilisation du terme “gestion directe” indique clairement qu’il faut inverser complètement le processus d’élaboration des décisions afin que NOUS restions maîtres de notre avenir.

La gestion directe… Pour quoi faire ?
La participation à la gestion d’une commune n’a d’intérêt pour un citoyen que si elle transforme ses conditions d’existence. Gérer en commun une municipalité, alors que celle-ci conserve ses structures étatiques et les inégalités économiques, consisterait pour les citoyens à gérer eux-mêmes leur propre asservissement, leur propre misère. Ce qui caractérise les structures étatiques ce sont :
• La hiérarchisation des responsabilités et des décisions.
• L’assujettissement de tous à quelques-uns.
• Les inégalités sociales et économiques.
• L’existence d’une classe dirigeante privilégiée.
Demain, si dans la commune gérée directement, il reste des différences économiques ou sociales, il se reconstituera une nouvelle classe dirigeante, qui défendra par tous les moyens ses privilèges. Les anarchistes pensent contrairement aux marxistes avec leur période de transition, qu’il faut supprimer immédiatement tous les privilèges de classe sans exception.

Les citoyens se demandent ce qu’ils peuvent gagner à la gestion directe de leur commune. Ils pèsent les avantages et les inconvénients qui en résulteront pour eux et dont le principal est la responsabilité : c’est celui qui les fait le plus réfléchir car celle qu’ils assureront dans leur commune engagera celle de leurs conditions de vie. Nous touchons ici au problème humain, celui des hommes et des femmes devant la responsabilité, celui de la quiétude qui résulte d’une certaine servilité, surtout lorsqu’elle s’assortit de conditions d’existence, morales et économiques, acceptables.

Il est possible d’avancer des raisons solides qui peuvent nous convaincre que les citoyens auraient intérêt à gérer eux-mêmes directement leur commune. Il y a la maîtrise de leur cadre de vie, de leur environnement ; une meilleure gestion des services au public, qui plutôt que d’être gérés en fonction de leur rentabilité financière ou électorale, le seraient réellement en fonction de leur utilité sociale déterminée par tous…

Agir au lieu d’élire

Nous ne pouvons pas nous contenter de dénoncer, de critiquer et d’émettre des principes, sans proposer des moyens concrets de mettre ces principes en œuvre. Au niveau communal, il est possible d’organiser des contre-pouvoirs, en mettant en place des assemblées parallèles de citoyens élaborant des contre-propositions à la gestion municipale. Dès aujourd’hui nous nous battons pour :
• Les transports gratuits pour tous ;
• La gratuité de la santé de proximité ;
• Un accès libre et gratuit à tous les espaces et services culturels (bibliothèque, salles de réunion, de répétition…) ;
• La réquisition des logements vides et leur gestion directe par des représentants des habitants révocables ;
• Le contrôle de tous les projets d’urbanisme par des comités transversaux et de quartiers révocables ;
• Etc.
Nous pouvons aussi investir les réunions publiques des conseils municipaux issus du système électoral par des délégués révocables avec mandats impératifs, faisant valoir la volonté des habitants. Mais nous ne voulons pas reproduire l’erreur qui consisterait à se présenter sur les listes électorales pour se faire élire sans mandats impératifs et sans révocabilité, se serait essayer d’imposer nos principes par le haut. Anarchistes, nous pensons que le seul pouvoir possible est celui de la base, et l’expérience nous a démontré que même les meilleurs d’entre nous ne peuvent exercer un pouvoir sur les autres sans se faire ronger et anéantir par celui-ci. Le pouvoir est maudit, c’est pourquoi nous sommes anarchistes !

Innover dans la continuité

Déjà les communes révolutionnaires qui nous ont précédées : Paris 1793 et 1871, Goulaï Polie 1917, Kronstadt 1921, Espagne 1936… se basant sur la gestion directe de la commune par ses citoyens, permirent l’éclosion d’idées d’organisation, que se soit sur le ravitaillement, la santé, l’éducation ou l’organisation du travail qui, si elles ont été pour la plupart reprises et accommodées par les dirigeants centralistes, n’ont pu dans le contexte étatiste, atteindre le degré d’efficacité qu’elles avaient dans ces communes. Ne citons entre autres que l’école publique laïque pour tous (Paris 1871), la réquisition et répartition des logements vacants (Kronstadt 1921), les systèmes de santé socialisés accessibles à tous (Espagne 1936)… Tout cela nous montre que la gestion directe d’une commune, si ce n’est pas une idée nouvelle, c’est le moyen le plus efficace d’une politique dynamique portée vers l’avenir car conçue et appliquée par tous.

groupe Louise Michel


Communalisme par le haut, fédéralisme par le bas ou gestion directe communale ?

Avant chaque élections municipale le mouvement libertaire se pose la question de la participation des habitants à la gestion de leur commune. Dans les années post 68 il y eu plusieurs initiatives de « municipalités autogestionnaires » mais bien vite on s’aperçut que les élus s’y plaignait de la résistance des populations à l’autogestion. « On les consulte sans cesse, mais ils ont du mal à s’investir dans les dynamiques impulsées par la mairie. » Au bout du compte la dynamique reposait sur un volontarisme forcené des élus et sur les relais associatifs téléguidés en sous-main par la mairie. Ces autogestionnaires ont tous été balayé lors d’élections suivantes. Personne ne peut mettre en doute l’honnêteté de ces militants, il faut chercher ailleurs la cause de leurs échecs. Tous ces élus ont mis en œuvre une autogestion par le haut, ils consultent, ils impulsent, ils provoquent… mais a aucun moment ils n’ont inversé le processus de discussion et de décision communal, ils ne sont pas sortis des structures imposées par l’État et l’auraient-ils voulus ils se seraient mis dans l’illégalité et l’État les aurait mis sous tutelle comme il s’en réserve le droit. Après le départ des leaders autogestionnaires il n’est resté aucune pratique libertaire dans les populations dans la mesure où ces citoyens n’ont jamais autogéré leur communes.

Aujourd’hui, on tente de nous resservir la même soupe sous les termes de « démocratie participative » ou autres variantes. Pour notre part nous pensons qu’il faut d’abord mettre en place des pratiques réellement libertaires et qu’elles soient adoptées par la population avant de pouvoir envisager de « prendre » une mairie (petite ou grande) et de mettre en place le fédéralisme communal — par le bas. Nous ne nous faisons pas d’illusion, en dehors d’une période révolutionnaire, nous nous heurteront alors à l’État et au peu d’autonomie qu’il laisse aux communes.

Groupe libertaire Louise Michel


Europe et immigration : le durcissement

La France occupe la présidence de l’Union européenne et cela jusqu’au sommet de Nice les 6, 7 et 8 décembre prochain. Or, ce passage à la présidence de l’Union Européenne ne laissera pas un souvenir impérissable pour la construction européenne, du fait de la division des États européens sur les dossiers de l’élargissement de l’Union, sur la question sociale et de l’emploi, sur la politique étrangère (voir l’incapacité de l’Europe à peser sur le conflit israélo-palestinien) et sur la défense commune européenne (où l’OTAN continue à faire la pluie et le sale temps).

Les dossiers politiques les plus importants n’ont donc pas avancé durant la présidence européenne de la France. Et ce n’est pas la charte européenne des droits fondamentaux qui va constituer une avancée sociale, tant celle-ci n’est qu’un catalogue de bons sentiments.

La construction de l’Europe du repli sur soi

De sa «  première priorité » qui est « l’adoption d’un agenda social » et « la mise en place d’une Europe plus proche des citoyens », il ne reste pas grand-chose (voir la charte citée plus haut), si ce n’est la continuité de la politique de « maîtrise de l’immigration et du droit d’asile [qui] intéresse légitimement nos concitoyens ». De fait, il n’est plus question de titre de long séjour européen et l’État français met en application les dispositions prévues lors du sommet européen de l’an passé à Tampere, à savoir harmonisation des politiques de répression de l’immigration illégale et de coopération judiciaire et policière. Au demeurant, la mise en place d’un titre de séjour européen pourrait faire courir le risque d’un nivellement par le bas, à savoir de diminuer la période de validité des titres de séjour des résident-e-s, qui est en France de 10 ans, acquis suite aux luttes des « beurs » dans le début des années 80.

La direction prise par le gouvernement dans sa politique de zones d’attente (le sas d’entrée) et de centres de rétention (le sas de sortie) est dans le droit fil de ce qui a été défini au niveau européen. Des scandales récents viennent illustrer ce que signifie cette politique, notamment dans les zones d’attente. En juillet dernier, une jeune femme d’origine sierra-léonaise retenue dans la zone d’attente de Roissy a perdu le bébé qu’elle portait : selon elle, les policiers de la police aux frontières (PAF) de Roissy n’ont pas tenu compte de ses appels à l’aide (1). En octobre, une petite fille de 8 ans, a été retenue quatre jours en zone d’attente à Roissy : les policiers doutaient du lien de parenté entre elle et les personnes qui se présentaient comme ses parents. Elle y serait peut-être encore sans l’intervention d’une juge des enfants (2).

Centres de rétention : le tour de vis

On sait qu’un décret est en préparation concernant la réglementation de ces centres (3). Ce décret n’améliore en aucun cas la situation des personnes étrangères, bien au contraire. Tout d’abord, ce décret légalise ce qui se pratiquait depuis longtemps : s’il n’existe officiellement que quinze centres de rétention administrative en France, c’est plus d’une centaine de locaux qui sont aujourd’hui utilisés à cet effet dans des zones aéroportuaires, des commissariats ou des cellules de préfectures. C’est donc ce type de locaux qui se trouverait ainsi officiellement déclaré apte à retenir des étrangers, après un simple arrêté préfectoral. Seul bémol donné par le Conseil d’État (4), le maintien de l’étranger dans ces locaux doit rester provisoire et ne pourra excéder 48 heures (alors que la durée maximale de rétention dans les “vrais” centres est passé de sept à douze jours lors du vote de la loi Chevènement par la gauche plurielle en 1998). Il est clair qu’il sera plus difficile aux associations de porter assistance aux personnes retenues dans ces locaux.

Car au-delà d’une réhabilitation de ces centres maintes fois dénoncés comme inadaptés, voire insalubres, le but principal de cette circulaire est de rendre plus difficile l’intervention des associations au cœur de la filière (utilisons ce mot sciemment) des zones d’attente et centres ou locaux de rétention. Dans un premier temps, l’État évince la Cimade (association d’obédience protestante, qui agit depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans l’accueil des réfugié-e-s). Jusqu’à présent, suite à une convention signée avec l’État, la Cimade avait la charge de dispenser une aide sociale et juridique aux étrangers dans treize centres de rétention. Or, l’État, par la voix du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, reprochait à cette association, pourtant très légaliste, d’outrepasser le champ de ses prérogatives, assurant « un rôle de conseil juridique » au lieu de se contenter de la simple « fonction d’information juridique » prévue dans la convention.

L’État se propose de nommer en lieu et place de la Cimade, des associations humanitaires beaucoup plus intégrées (voire des quasi-administrations) telles que l’OMI (Office des migrations internationales), France Terre d’Asile ou la Croix-Rouge. Ces organismes sont économiquement et politiquement dépendants de l’État. L’OMI est chargée d’un certain nombre de missions par le Ministère des Affaires sociales (sur le regroupement familial, les visites médicales pour obtenir un titre de séjour, etc). France Terre d’Asile est notamment chargée de l’accueil et de l’hébergement de demandeurs d’asile dans les CADA (centres d’accueil pour demandeurs d’asile) et sa Direction applique avec un zèle exemplaire les décisions prises par le Ministère des Affaires sociales, jusqu’à mener une politique extrêmement autoritaire envers son personnel (5).

Comme on le voit, nous sommes ici bien loin des discours de Jospin prétendant promouvoir « une Europe plus proche du citoyen ». La seule citoyenneté qu’accepte le pouvoir, c’est au mieux celle de l’élan humanitaire. Dès qu’il est question d’opposer des contre-pouvoirs efficaces et indépendants, l’État montre son vrai visage, celui de la répression ou, par voie de conventions et de subventions, de l’intégration. Face à ce raidissement de l’État, le mouvement associatif a tout intérêt à se donner les moyens de son autonomie, y compris vis-à-vis de la gauche pro-gouvernementale.

Plus que le « contrôle citoyen » des centres de rétention et des zones d’attente, c’est leur fermeture qui doit être à l’ordre du jour. En attendant, il n’est pas inutile d’y mettre son nez, ne serait-ce que pour témoigner de ce qui s’y passe.

Hervé. — groupe FA de Nantes

(1) Le Monde du 6 octobre 2000
(2) Le Monde du 13 octobre 2000
(3) Le Monde du 27 septembre 2000
(4) Le Monde du 15 octobre 2000
(5) Courant Alternatif nº 98 et 101
Livres : à propos des centres de rétention, lire La rétention de Jean-Pierre Perrin, aux éditions l’Harmattan.


Sans-papiers de Rouen

Pendant le mouvement la répression continue

Sur Rouen, la mobilisation ne faiblit pas autour du Collectif des sans-papiers qui occupe toujours un local paroissial à Saint-Étienne-du-Rouvray (banlieue rouennaise) : manifestations, débats, assemblées générales, fêtes… Devant ce mouvement, la préfecture a reçu 45 sans-papiers pour des entretiens (sur Rouen, le Collectif regroupe 165 sans-papiers), mais refuse toujours de recevoir le Collectif pour régler globalement la question, tout comme elle ne veut pas accroître le nombre d’entretiens alors que de nouveaux sans-papiers se sont fait connaître.

La répression

Malgré la promesse faite par la préfecture qu’il n’y aurait aucune expulsion de son fait pendant la période de négociation, plusieurs rafles ont eu lieu ces jours-ci. Des perquisitions ont eu lieu chez différents sans-papiers en lutte et certains même ont été emprisonnés par la Police de l’air et des frontières avant d’être expulsés. Face à cette nouvelle répression, peu ou pas de riposte. Le collectif se trouve d’ailleurs en difficulté notamment par le statut de ses membres qui risquent aussi l’expulsion.

Une nouvelle manifestation est pourtant appelée par le Collectif, en soutien à Moussa. Originaire de Sierra Leone, il a quitté son pays en 1996 à cause de graves menaces qui pesaient sur sa vie. Il a été grièvement blessé en août 1996 par des milices incontrôlées à cause de son origine ethnique. Ses parents et près de l’ensemble de sa famille, ainsi que de nombreux habitants de son village ont été massacrés. Moussa a réussi à fuir et a trouvé refuge à la frontière guinéenne auprès de la Croix rouge.

Relaxe pour Moussa Sakho

Arrivé en France en 1998, Moussa a vécu plusieurs mois à Paris, mais, ne connaissant pas les procédures, il ne s’est pas fait connaître auprès des autorités françaises.

Arrêté lors d’un contrôle de police à Rouen, il a été mis en examen et placé en détention provisoire du 23 août au 26 novembre 1999. De la maison d’arrêt il a sollicité auprès de l’OFPRA le statut de réfugié politique mais sa demande a été rejetée parce que « l’intéressé ne peut être regardé comme pouvant craindre avec raison être l’objet de persécutions de la part des autorités de son pays ».

Moussa est membre du Collectif de Rouen, une demande de régularisation à titre humanitaire a été déposée à la préfecture, appuyée par l’ASTI et la Cimade. Pourtant, Moussa, pour être entré sans visa sur le territoire, risque un an de prison, une amende pouvant aller jusqu’à 25 000 FF et l’interdiction du territoire. Un rassemblement doit avoir lieu le 21 novembre à 12 h 30 devant le Palais de justice de Rouen.

Jean-Pierre Levaray. — groupe de Rouen


Fait d’hiver : Vive l’armée ! (1)

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Act-up, libertaires : tous solidaires !

On a raison de préférer les prisons vides

Le samedi 4 novembre, Act-Up appelait à manifester, à Paris, un soutien à tous les prisonniers. C’était la première manifestation organisée sur ce thème depuis trente ans ! Associations, individus et libertaires étaient présents. Cinq cents personnes, déterminées jusqu’à braver les forces répressives. Bilan : quatre blessés, dont deux graves. Dans un pays qui se dit démocratique, quand on touche aux sujets sensibles de répression, prison ou police, on s’attend à de sérieux retours de bâton.

Act-Up avait lancé l’initiative sur le thème : « Ils construisent des prisons neuves, nous manifestons pour les prisonniers ! » Pour dire au gouvernement que « nous ne voulons ni de surveillants, ni de prisons neuves : on n’humanise pas une épreuve inhumaine, on la supprime ! Nous soutenons les détenus, parce qu’ils nous sont proches, physiquement : parmi nous, dans la ville derrière ces murs, visibles depuis la rue. Et pour nous-mêmes aussi, parce que nous pourrions être de ceux-là. Et que nous ne le supporterions pas ! »

La prison est un lieu où tout ce qui est vital ­ les soins, l’argent, le plaisir, le mouvement ­ est rare, empêché, transformé en objet de chantage. Un endroit où la seule manière de se faire entendre, c’est de se trancher les veines ou d’avaler une fourchette. Le rétrécissement de l’espace, l’attente interminable, les espoirs sans cesse déçus de libération anticipée ou conditionnelle. La colère et le désespoir, l’envie d’émeute et la tentation du suicide. Ce lieu, c’est la prison. C’est ce que vivent aujourd’hui, près de cinquante mille personnes, en France.

Ce que veulent les parlementaires ? En conclusion de leur rapport, ils préconisent des solutions simples, comme l’abaissement du maximum de jours autorisés au mitard ou la télé gratuite ! Ce n’est pas assez : c’est parler des prisons pour les réformer. Il est temps de dire haut et fort que ce que nous voulons, ce n’est pas une réformette qui améliorerait les conditions de détention.

Suppression de toutes les prisons et de tous les lieux d’enfermement !

Samedi dernier, ce sont cinq cents personnes, dont des militants d’Act-Up, du MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues), du CAE (Comité anti-expulsion) qui brandissent des pancartes pour l’abolition de la double peine. Des militants du Collectif de soutien aux FTP, aux prisonniers turcs, de nombreux militants libertaires, d’AL, CNT, FA, No Pasaran, OCL, défilent entre Sèvres-Babylone et la place Denfert. Au moment de la dissolution, les manifestants se dirigent vers la prison de la Santé, distante d’à peine une centaine de mètres de la place Denfert. Pour montrer que la solidarité est dans la rue ! Les flics, surpris, réussissent malgré tout à bloquer le plus gros du cortège. Réaction très violente : quatre personnes, dont deux militants d’Act-Up sont sérieusement blessés (quatre fois quatre points de suture pour l’un et un genou démis, pour l’autre). Seul un petit groupe d’une trentaine de personnes réussit à forcer le passage et passe devant la prison de la Santé en gueulant nos slogans, salués par tous les prisonniers, aux fenêtres.

Cette démonstration prouve une fois encore que la négociation, c’est zéro. Que la liberté ne se donne pas : qu’elle se prend ! Solidarité avec tous les prisonniers !

Patrick Schindler. — Claaaaaash FA


Mobilisons-nous contre la pénurie de logements

Dans un récent article sur la hausse des loyers et le flicage des locataires, y compris aux HLM (voir ML nº 1214), il avait été signalé qu’il y aurait cinq mille logements HLM construits de moins que l’année précédente, considérée déjà comme creuse. Alors que le ministère du Logement a une ligne budgétaire pour la construction de quatre-vingt mille logements HLM par an, c’est seulement trente-cinq mille logements qui seront construits cette année ! Le congrès des organismes HLM qui vient de se tenir a été l’occasion, via la presse, de lever le voile sur cette inertie incompréhensible et révoltante.

Ainsi, après l’affaire des HLM de Paris qui occupe le devant de la scène depuis des années à intervalles plus ou moins réguliers, voilà maintenant l’affaire (moins médiatisée) des « dodus inactifs », organismes HLM appelés ainsi parce qu’ils ne construisent aucun logement. On est loin de leur mission de développer l’« Habitat à loyer modéré »…

Derrière le mot « HLM », ce n’est pas une seule et même réalité. Ce sont six cents organismes HLM, avec différents statuts (Offices communaux et départementaux, sociétés anonymes et coopératives), qui ont une relative autonomie de gestion et d’objectif et il y a une disparité dans la taille de leurs parcs locatifs respectifs (beaucoup ont moins de mille logements).

Certains d’entre eux s’illustrent par le zèle qu’ils emploient pour ne rien faire, et ce depuis parfois des décennies : cent organismes construisent à titre symbolique et vingt-et-un se dispensent carrément de construire ! En Ile-de-France, par exemple, sur cent cinquante organismes, une vingtaine d’entre eux construisent 80 % des logements.

La longue sieste des « dodus inactifs »

Globalement, les organismes HLM mènent une politique inverse à celle qu’imposerait la satisfaction des besoins nombreux en logements corrects et bon marché. Les crânes d’œuf des HLM ne se démontent pas pour si peu et tentent de se dépatouiller en invoquant des arguments fallacieux : ils estiment à quinze ou vingt mille logements le parc locatif nécessaire pour qu’un organisme HLM fasse le poids avec des outils performants ; dans un marché où les terrains sont en hausse, les financements actuels du logement social ne permettraient pas d’équilibrer financièrement les nouveaux programmes et enfin les appels d’offre se révèlent infructueux car le secteur du BTP « marche trop bien ».

Concernant la hausse des prix des terrains et les appels d’offre infructueux, ça ne tient pas quand on rappelle que de 1993 à 1997 les parcelles étaient bon marché et que le secteur du BTP licenciait à tour de bras car il n’y avait pas assez de boulot, sans que les organismes HLM soient particulièrement fougueux pour leur en fournir…

Concernant l’inadéquation de l’organisation des HLM invoquée, on peut répondre sans scrupules : « Rien à foutre ! » Ce n’est pas à la population de faire les frais d’une trop longue sieste des HLM ! Faut que ça bouge, et vite, car il y en a assez de subir en masse la pénurie de logements corrects à prix décents. Des familles nombreuses mal-logées, et pas qu’elles, attendent parfois depuis dix ou quinze ans sur les listes HLM !

Les anarchistes, avec d’autres, ont un rôle à jouer

Face à ce gâchis épinglé à quelques mois des municipales, la méthode Jospin consiste en la matière à envisager la voie législative pour éviter la dispersion des organismes HLM (rapport Mauroy sur la décentralisation) et à instaurer le « guichet unique » pour les demandes de logement HLM. Publié le 8 novembre, ce décret est l’un des derniers relatifs à la loi de lutte contre les exclusions : le « guichet unique » est la création d’un numéro départemental unique pour chaque demande et la centralisation en un système informatisé unique de toutes les données. Afin d’éviter, nous dit-on, qu’il y ait plusieurs demandes émises par une même personne et « repérer les demandes qui n’auront pas été satisfaites dans un délai raisonnable ». Bref, plus de flicage et pas de garanties sérieuses pour les usagers.

Il devient de plus en plus évident que les anarchistes ont leur rôle à jouer, avec les usagers et d’autres forces collectives, dans la dénonciation de la pénurie de logements et dans la mobilisation légitime qu’il reste à impulser pour exiger des logements corrects à bon marché, sans pour cela être fliqué.

Martial. — groupe Kronstadt (Lyon)


Libérez Éric Minetto

En grève de la faim depuis le 28 septembre, Éric Minetto mène un combat pour qu’enfin lui soit accordée la libération conditionnelle.

Voilà cinq ans qu’il dépose des demandes de libération conditionnelle. Sans succès. Eric est en prison depuis vingt ans ! Il présente toutes les garanties de réinsertion ; une famille qui l’aime et l’attends, un logement, un travail. Vingt ans de prison purgés. Toutes les conditions fixées par la loi remplies. Que faut-il de plus ?

Nous, détenus de la maison centrale d’Arles, apportons notre total soutien à Éric Minetto. Son combat est le nôtre, comme il est celui des milliers de « longues peines », qui croupissent dans les prisons françaises. Avec Éric nous dénonçons la prison, mangeuse d’hommes (hommes et femmes), nous dénonçons la mort lente qui nous est imposée.

Nous exigeons que cesse la politique d’anéantissement des détenus « longues peines ».
Nous exigeons la révision à la baisse de l’échelle des peines en matière pénale.
Nous exigeons la libération des détenus gravement malades.
Nous exigeons la fermeture des quartiers d’isolement.

En solidarité avec Éric, et pour faire entendre sa juste revendication, des actions collectives seront menées à la maison centrale d’Arles (comme c’est déjà le cas à la centrale de Lannemezan). Nous appelons les détenus des maisons centrales de France à prendre des initiatives en ce sens.

Des détenus de la Maison centrale d’Arles

À daté du 24 octobre nous avons engagé une action tournante de « refus de plateau »


Crise de foi

Malbouffe et cul béni !

Après avoir mis le préservatif à l’index, l’Église catholique jètera-t-elle le McDo à la poubelle de l’Église ? Oui si l’on en croit le théologien Massimo Salani. Dans un numéro récent du quotidien des évêques Avvenire, cet éminent spécialiste écrit : « Le fast-food n’est pas catholique ». Pour lui, c’est « l’oubli total de la sacralité de la nourriture… On satisfait rapidement sa faim pour pouvoir se dédier à autre chose, éliminant ainsi la valeur communautaire du partage de la nourriture. » Et pour sa défense, McDonald’s Italie brandit non la bible mais le dictionnaire « Fast-food signifie être servi rapidement, et non manger rapidement », et évoque même sans pudeur l’antiracisme, un antiracisme commercial bien sur : « nous servons des hamburgers pour des clients de n’importe quelle race ou religion, nous nous adaptons à toutes les cultures et aux goûts des consommateurs ». Cruel dilemme peut-être bientôt pour les 600 000 italiens clients journaliers de McDo : Manger ou être excommunié ! Le ridicule ne tuant pas, le chargé de com de McDonald’s Italie et Massimo Salani ont des beaux jours devant eux. Aucune réaction pour l’instant de Quick Italie, ni de José Bové, ni de Jacques Chirac…

Jimma


Vite fait… bien fait

• États-Unis. Une étude menée par l’Institute on Taxation and Economic Policy fait apparaître que Goodyear, Texaco, Colaget-Palmolive, et neuf autres grandes firmes américaines ont engrangé plus de 12,2 milliards de dollars entre 1996 et 1998. Durant la même période, aucune d’entre elles n’a payé d’impôts sur les sociétés. Bien au contraire, elles ont perçu 535 millions de dollars d’aides diverses de la part du gouvernement Clinton. Les États-Unis, c’est un peu comme la France, non ?

• Squatteurs. Le maire de l’Argentière-la-Bessée dans les Hautes-Alpes vient d’écrire au ministre de la Défense … pour se plaindre du non-paiement des loyers dus par les gendarmes de sa commune au titre de l’occupation de la caserne de gendarmerie qui est ici propriété municipale.

• Depuis la reprise de l’Intifada, plus de 190 personnes ? essentiellement palestiniennes ? ont été tuées, dont une quarantaine d’enfants. Il y a des dénombrements dont on se passerait…

• Résistance à la connerie humaine. 4 000 Israéliens et Palestiniens se sont rassemblés à Haïfa le 21 octobre au soir pour la paix, la justice et l’égalité entre Israéliens et Palestiniens.

• Au nom de la lutte contre la toxicomanie, le gouvernement Blair vient de lancer une campagne de presse pour inciter les Britanniques à ne plus donner d’argent aux personnes qui font la manche dans la rue. Cette campagne va coûter le bagatelle de 2,7 millions de francs. Sacré socialiste, va.

• À l’appel de plusieurs associations de chômeurs, de la CGT et de la FSU, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris jeudi 9 novembre pour exiger une renégociation de la convention UNEDIC et l’augmentation générale des salaires. Ce n’est qu’un début…

• Soutien. Les éclusiers de la basse vallée de la Saône se sont mis en grève lundi 6 novembre pour exiger des embauches supplémentaires et la diminution de leur temps de travail.

• Environ 300 ex-salariés de Orflam à Pargny-sur-Saulx dans la Marne vont devoir être suivi
médicalement pour voir, s’ils n’ont pas été intoxiqués au thorium. Des fûts radioactifs ont en effet été découverts sur le site de l’usine quelque temps après sa fermeture.

• Rappel. Mercredi 6 décembre manifestation à Nice à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Europe. Jeudi 7 et vendredi 8, occupation de la ville. Contre les États, l’Union européenne, le capitalisme, pour la révolution sociale et l’égalité économique et sociale, on y va en train, en car, en voiture ou en char à bœufs, mais on y va…

Envoyez vos brèves à monsieur.pol@wanadoo.fr


Présidentielles aux États-Unis

Une seule victoire avérée : celle du consensus mou

Strass et paillettes, les américains ne font pas les choses à moitié mais là, avouons-le, ils se sont surpassés. Après dix-huit mois de campagne électorale plus show biz que jamais, le dépouillement des votes se termine en une apothéose finale où le grotesque le dispute au ridicule. De comptage électronique en dépouillement manuel, on ne sait toujours pas qui de Gore ou de Bush sera le futur président des États-Unis tant l’écart entre eux est faible…, tant les possibilités de tripatouillage des urnes, d’invalidation abusive de vote est également grande.

Juste retour des choses, la première puissance mondiale, qui aime tant à se présenter comme l’unique exemple à suivre, comme le seul modèle démocratique possible se voit aujourd’hui proposer ? non sans malice ? les bons offices de scrutateurs électoraux internationaux. Le Pérou ou encore le Venezuela s’inquiétant des risques certains de fragilisation de la démocratie que cela pourrait engendrer, des troubles sociaux et humanitaires que cela pourrait également entraîner proposent d’envoyer des observateurs pour garantir la sincérité des élections. En Afrique aussi, on s’inquiète de ce désastreux désordre politique, qui pourrait ? qui sait ? ? aller jusqu’à déstabiliser l’équilibre géopolitique de l’ensemble de cette région du globe. Et le peu glorieux Zimbabwe, la peu reluisante République démocratique du Congo de se porter volontaires pour l’envoi d’observateurs indépendants ayant pour mission de ré-organiser les élections, de veiller à leur bonne tenue et de contrôler leur dépouillement.

Las ! Contrairement à nous, les hauts fonctionnaires de Washington semblent peu goûter l’humour de leurs vassaux. Mais ils ont malgré tout cru bon d’y répondre (c’est dire l’ampleur de leur désœuvrement) par un communiqué officiel : « Pareilles suggestions sont tout simplement déplacées et leur étude n’est pas à l’ordre du jour ». Qu’on se le dise. Ce n’est pas parce que le système électoral américain sombre dans le ridicule le plus achevé que les États-Unis toléreront pareille insolence.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Et pourtant, il est peu de dire que ce système électoral est ridicule, tronqué, faussé, qu’il détourne et assassine le principe même de démocratie qu’il prétend pourtant organiser et formaliser. Au plus friqué, la victoire ! Cette campagne aura été la plus chère de l’histoire américaine, comme la précédente avant elle et la précédente encore. Dans cette surenchère qui se chiffre en millions de dollars, la victoire appartient au plus fortuné et surtout au parti le plus subventionné. Les grandes multinationales ? comme Microsoft ? contribuent en effet grassement et parfois même à part égale au financement des campagnes des candidats démocrates et républicains. Elles ne cherchent ici aucunement à s’attirer les bonnes grâces des futurs responsables politiques du pays car elles leurs sont déjà acquises. Leur fric sert en fait bien davantage à circonscrire l’alternative politique à un champ bien précis. Comme par hasard, l’alternance s’effectue à coup sûr aux États-Unis entre démocrates et républicains, comme en France entre démocrates sociaux et socio-démocrates. Le fric sert à donner l’illusion d’un choix démocratique entre des candidats tous acquis aux intérêts et à la logique du capitalisme. Quelle différence sur le fond entre Gore et Bush, sinon l’épaisseur d’un papier à cigarette ?

Au plus médiatique, le pouvoir ! Dans une course effrénée à l’audimat, les candidats américains ont joué des coudes pour passer plus qu’à leur tour dans tous ce que ce pays compte de talk show, d’émissions people plus débilitantes les unes que les autres… Et le débat politique de se résumer à une caricature où chacun des candidats arbore le masque de l’autre pour faire peur, faire rire mais aussi ? involontairement ? pour bien signifier que derrière le masque de Bush, il y a Gore et derrière celui de Gore, Bush. Ainsi tous deux sont pour la peine de mort, quoi qu’on nous fasse croire que l’un est plus sanguinaire que l’autre. Nul doute que sur la table d’exécution, le condamné à mort aura la satisfaction de savoir que s’il est exécuté par Gore ce sera sans méchanceté !

L’apparence fait campagne

Au plus consensuel, l’investiture ! Dans cette course au pouvoir, sans projet politique, ni perspective autre que l’ambition personnelle, l’élection se joue non sur la pertinence des analyses, la maîtrise des problèmes ou l’intérêt des solutions proposées, mais sur l’image et l’apparence. Pour être élu, il faut plaire aux masses et vu que les masses sont loin d’être unanimes quant à leur goût et leur couleur, il faut donc réussir à séduire ou tout du moins ne pas choquer la multitude des identités plus ou moins stéréotypées en catégories sociales, religieuses et ethniques. Dès lors, le candidat ne cherche pas tant à ressembler à l’Amérique dans son ensemble qu’à incarner le plus petit dénominateur commun qui pourrait exister entre tous ceux qui votent dans ce pays. Ce consensus mou, minimaliste et imbécile ne se situe pas de fait sur le plan des idées ou du projet économique et social, puisqu’il n’y en a pas, mais bien plus sur celui du physique et de l’apparence. Riche et glamour, proche des siens, fidèle en amitié, dur au travail, américain de toujours, bien coiffé mais pas trop, bien habillé mais pas voyant et les poils du cul bien peignés sont d’emblée un plus, sinon un avantage décisif qui permettra de départager les candidats.

Pourquoi alors se battre comme des chiffonniers avec chacun sa batterie d’avocats pour quelques voix mal perforées dans une boite mal cadenassée ? Doit-on chercher chez les psychiatres spécialistes de l’ivresse du pouvoir un début d’explication ? Serait-ce plutôt le dernier avatar d’une société gangrenée par la judiciarisation de tout et de rien, chaque jour plus procédurière que la veille ? Ne serait-ce pas aussi ou surtout, la dernière pirouette d’un régime politique en mal de légitimité pour combattre l’abstention, pour revigorer une démocratie représentative en lambeau, en nous faisant croire que chaque voix compte et que chaque voix est véritablement et sincèrement comptée ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire en écoutant la leçon d’instruction civique opportunément tirée de cette histoire par un certain Bill Clinton.

Vincent (Gard) et Monsieur Pôl. — groupe Lucia Saornil (Villeurbanne)


Chronique anarcha-féministe

À chacun sa tempête

Le « Vendée Globe » démarre enfin, chouette ! Une grande aventure humaine et sportive, comme l’a dit ma radio préférée. Quatre mois de course contre la montre et le monde, braver la solitude, dompter les océans déchaînés, se jouer des mers d’huile, vaincre le cap de Bonne Espérance et les Quarantièmes Rugissants, redécouvrir l’Amérique, faire un petit coucou aux pêcheurs en haute mer, voler au secours d’un collègue en difficulté, et puis les yeux inquiets mais fiers de la compagne restée sur le quai, ça fait rêver, non ?

Il y a quelques jours, pourtant, un vieux loup de mer à qui on ne la fait plus parlait d’une « course de gonzesses »… Les organisateurs avaient en effet osé repousser le départ de la grande aventure au motif qu’une vilaine tempête menaçait la sécurité des grands aventuriers et de leur fan club. Que le loup de mer se rassure : en quatre mois, les « gonzesses » auront sûrement l’occasion de montrer qu’elles en ont dans le froc. « Elles » pourront, au mépris du danger, se régaler en solitaire des petits plats mitonnés par les plus grands chefs (parce que sans bobonne, c’est dur de se nourrir convenablement), sabler un champagne bien mérité au passage du cap Horn, ou encore fêter Noël comme il se doit. Il faudra juste qu’« elles » essaient d’éviter les nappes de pollutions diverses laissées au milieu de l’océan par d’autres loups de mer pour lesquels il est moins important de consacrer une fortune à la construction et l’entretien des navires.

Mado


Turquie : un tour d’horizon du mouvement anarchiste

De constitution récente, le mouvement anarchiste turc a été fortement influencé par les courants musicaux rock des ex-pays de l’Est et a subi une poussée de croissance sous l’effet d’ex-marxistes reconvertis à l’idéologie anarchiste. De nombreux groupes sont présents dans diverses villes du pays. « AGF » (Fédération des jeunesses anarchistes) d’Istanbul, fut fondée en avril 1998 ; ils se définissent comme anarchistes, anti-autoritaires, anticapitalistes et antisexistes, et défendent le principe de l’action directe. Ils participent à des luttes dans les universités d’Istanbul et Ankara, et ont récemment été remarqués dans une manifestation antinucléaire contre la construction d’une centrale à Akkuyu. Leur cortège était le plus nombreux après celui d’un syndicat de salariés, le KESK. AGF possède des correspondants et groupes d’affiliés dans quelques villes turques. À Ankara, les anarchistes (40 % de femmes) ont décidé en août 1999 de finaliser un vieux projet : créer une coopérative culturelle d’auto-production.

Ces efforts émanent d’un fort groupe composé d’étudiants mais aussi de travailleurs de tous âges, qui se définit comme anarcho-communiste et qui ont un grand intérêt pour l’anarcho-syndicalisme.
D’autres groupes, plus petits, mènent leurs activités à Mersin, Adana, Izmir, Iskenderun…
Les publications anarchistes, malgré leur grand nombre, n’en sont pas moins lues. D’abord, il faut noter le gros travail de la maison d’édition « Kaos » qui a publié divers ouvrages historiques mais aussi politiques de Boockchin, Durruti, Rocker, Malatesta… La revue Efendisizler (Sans maître) en est à son treizième numéro ; son tout premier fut tiré à cinq mille exemplaires.

Anarxi, proche de AGF, paraît depuis novembre 1999 ; il faudrait aussi citer Atex Harsaz, et Karaxan ou Nisyan, basés à Istanbul. Mais des anarchistes de renom s’expriment aussi dans des journaux importants comme Birikim, Varlak.

De nombreux réseaux libertaires

Les antimilitaristes sont bien organisés. En Turquie, l’armée est obligatoire pour les hommes de vingt ans. L’armée turque s’enorgueillit de son caractère autoritaire. Il y a quelques années, une douzaine d’anarchistes et d’antimilitaristes s’étaient déclarés objecteurs, déchaînant une campagne internationale en leur faveur. Aujourd’hui, la guerre du Kurdistan semble s’atténuer et les militaires proposent aux insoumis d’acheter leur temps d’armée contre de très fortes sommes d’argent.

Les antimilitaristes turcs préparent de nouvelles actions et s’organisent principalement à travers « ISKD » (Association d’opposition à la guerre, Smyrne), « IAMI » (Istanbul Anti-militarist initiative) et « ASKD » (Association d’opposants à la guerre, Ankara).

Dans le champ écologique, à coté de l’investissement de groupes anarchistes spécifiques, on trouve principalement « Kara Topraki » (Terre Noire) dont le projet est de mettre en réseaux les résistances à divers chantiers qui menacent l’environnement et ses habitants. Il faut aussi remarquer que dans ce pays aux fortes traditions patriarcales, le mouvement anarcho-féministe se manifeste parfois, mais a de grandes difficultés à maintenir une présence stable de ses sections.

L’unique journal homosexuel existant en Turquie (Kaos GL), fut initié par des gays et lesbiennes anarchistes en septembre 1994 à Ankara. Ce mensuel, dont l’audience s’est considérablement élargie, n’a pas perdu son caractère libertaire et est incontournable pour le mouvement homosexuel.

La répression

Aujourd’hui, on dénombre dix mille prisonniers politiques, dont la majorité est membre du PKK ; on y trouve aussi des militants de groupes armés d’extrême gauche et, dans une moindre mesure, des islamistes.

Officiellement, pas d’anarchistes. Mais certains détenus, durant leur détention, connaissent une évolution de leurs opinions politiques pour aller jusqu’à l’anarchisme. Ils écrivent alors à des groupes anarchistes et c’est comme cela que l’on apprend leur existence. Ils sont une vingtaine actuellement dans ce cas. Mais la pression devient terrible pour ces personnes qui sont menacées de mort par les anciens groupes dont ils étaient membres, en plus d’avoir à affronter la cruauté de l’administration pénitentiaire. C’est ainsi qu’en 1998, un antimilitariste, ex-membre du groupe maoïste TIKKO, fut assassiné dans la prison de Bursa par ses ex-compagnons au motif de collaboration avec les forces gouvernementales.

Malheureusement, il n’existe pas en Turquie de groupe de soutien du type de l’Anarchist Black Cross, même si divers groupes libertaires organisent des initiatives contre l’enfermement.

Transmis par les Relations Internationales de la FA d’après un article de Batur Ozdinc


Dans le monde, une classe, un combat

Colombie

Les 15 et 16 novembre auront lieu à l’Université nationale de Bogota des journées libertaires. Des débats, ateliers, projections se dérouleront. Les thèmes proposés : du Mai 68 français au printemps de Prague, l’économie du troc : alternative à la crise ? Art et anarchie, l’anarchisme et l’anarchosyndicalisme en Colombie, pédagogie pour la liberté, les brutalités policières, l’objection de conscience… Des concerts clôtureront ces journées.

Madrid

Plus de 700 personnes manifestent contre le régime carcéral du FIES. Le 4 novembre, c’est à la Puerta del sol de Madrid que des manifestants ont défilé en solidarité avec les prisonniers victimes du régime spécial du FIES (cf ML précédents), pour l’arrêt de ce régime et contre le maintien des malades en prison. une prochaine mobilisation est déjà prévue pour le 30 décembre.

Pérou : La grève générale contre l’abus de pouvoir

Confrontés à l’éradication de leur seul mode de subsistance, la coca, des milliers de paysans du Pérou viennent de rejeter l’accord gouvernemental qui visait la fin de leur mouvement. Ce sont des milliers de producteurs qui sont en grève dans la région de Alta Huallaga pour exiger la suspension des actions de destruction de leurs champs. Réunis à Tingo Maria, ils ont déclarés désavouer et révoquer leurs dirigeants syndicaux qui ont acceptés les termes de l’accord gouvernemental sans en référer à la base. Les maires de la région et les représentants de l’Église ont insisté pour que la grève qui dure depuis le 2 novembre prenne fin. Par ailleurs, le département de Loreto a annoncé qu’il entamait une grève générale et illimitée le 15 novembre pour demander la démission du président Fujimori. Des tentatives de coordination avec d’autres foyers d’agitations sont en cours de création pour tenter de généraliser cette forme d’action à tout le pays.

Davos : le sommet du FMI ne doit pas avoir lieu !

Comme déjà signalé dans Le Monde libertaire du 2 novembre, le prochain sommet du FMI de Davos (Suisse) aura lieu à la fin du mois de janvier 2001 avec quelques 2 000 participants et déjà la résistance s’organise. Une manif est prévue le 27 janvier dans le cadre d’une semaine d’action du 25 au 30 janvier. La coordination suisse anti-OMC propose d’élargir l’action à Davos avec l’organisation d’une journée internationale anti-FMI. Rappelons que formellement, la réunion de Davos est le meeting annuel du World Economic Forum (WEF), juridiquement une Fondation dont les membres sont les 1 000 premières firmes globales du monde, celles qui mènent l’économie mondiale. Pour la coordination qui était déjà à l’initiative de la manifestation de l’an dernier, «  il n’y a rien à garder du WEF : fondamentalement, et en raison de l’importance stratégique du WEF dans le redéploiement du capitalisme néolibéral sur tous les espaces géographiques, politiques et sociaux du globe, notre but est de l’anéantir. Notre position face au WEF est confrontative, ce qui exclut tout dialogue, tout travail de lobby avec cette organisation, à laquelle nous n’accordons aucune légitimité. Nous ne voulons pas donner la possibilité au WEF de se donner une image d’organisation ouverte et pacifique par leur propagande de “disposition au dialogue” avec une “société civile” triée sur le volet. Ce prétendu dialogue dicté par les dirigeants de ce monde n’est qu’un paravent pour étouffer toute critique radicale. Notre but est d’organiser une mobilisation forte, large et déterminée, ainsi que de renforcer celles et ceux qui combattent l’idéologie et les institutions néo-libérales ; les liens ainsi tissés devraient permettre de développer, discuter, confronter et concrétiser d’autres modèles de société. » Une première réunion de coordination devait avoir lieu à Lugano (Suisse).

Transmis par les relations internationales de la FA


La poésie est une arme chargée de futur

Serge Utgé-Royo au Trianon (Paris) • lundi 27 novembre à 20 h 30

Il y a des rendez-vous essentiels, des soirées précieuses, des cadeaux de la vie. La soirée à laquelle convie Serge Utgé-Royo au Trianon sera assurément de ces moments. Après une tournée en Belgique, Suisse et France, Serge Utgé-Royo est de retour à Paris avec un nouvel album (1).

L’œil pétillant, les mots justes et sonores, le couplet fraternel ou cinglant à la bouche, Utgé-Royo poursuit sa route en marge du show biz et de la chanson jetable. Allez savoir pourquoi : ça marche !
Le show biz ignore Utgé-Royo qui le lui rend bien et s’en va jouer ici et là… de plus en plus souvent à « guichets fermés ».

À l’avenir, à la mémoire qui fait le présent

Ce lundi 27 novembre au Trianon, il s’agit bien de célébrer la mémoire sociale et la poésie. La poésie ardente, celle qui ne se résigne pas et fait la nique aux puissants. La première partie de la soirée nous entraînera sur la butte Montmartre avec Bruno Daraquy qui viendra interpréter quelques extraits de l’album consacré à Gaston Couté qui vient de paraître (2). Viendront ensuite Jean-Luc Debattice et Annie Papin qui offriront un florilège de textes et chansons de Jules Jouy qui, lui aussi, vient de sortir et auquel les deux artistes ont participé (3).

La soirée se poursuivra avec Serge Utgé-Royo accompagné au piano par Philippe Leygnac qui apporte à l’artiste sa sensibilité subtile et donne de nouvelles nuances, plus d’intimité. Savez-vous qu’on raconte qu’après le passage de Serge Utgé-Royo, les projecteurs éteints, le rideau baissé, pendant quelques instants, si l’on ferme les yeux, on croirait que ça y est ! Ce non de Dieu de vieux monde est tombé !

Jean Castillo

(1) Contrechants de ma mémoire vol. 2. CD 17 titres
(2) Les Absynthes (Gaston Couté). Musiques de Jacques Ivan Duschesne. CD 12 titres.
(3) Du rire aux armes (Jules Jouy). Christophe Bonzon, Jean-Luc Debattice, Annie Papin, Philippe Leygnac.
Spectacle le 27 novembre au Trianon (80, bd Rochechouart, Paris 18e) à 20 h 30. Places : 120 F ; 100 F (auditeurs de Radio libertaire) ; 60 F (chômeurs, étudiants) en vente à la librairie du Monde libertaire.


Dans le fond des poches

Dieu, l’État : un crime contre l’humanité

Des centaines de textes compilés par Max Nettlau, aux archives enrichies par Arthur Lehning, il ne subsiste que de rares ouvrages accessibles en poche. Les deux volumes d’« Œuvres » en Stock + Plus, Socialisme autoritaire ou libertaire et Michel Bakounine et les autres aux éditions 10-18, La Liberté chez Pauvert furent un temps disponibles en petit format… Très fâcheux pour apprécier aujourd’hui sans intermédiaire la pensée de ce colosse libertaire. Il est alors facile aux larbins des pouvoirs de pondre de piteuses imbécillités quand il leur arrive de l’évoquer, à moins qu’ils l’ignorent superbement, dévoilant ainsi l’étendue de leur inculture !

Texte phare, Dieu et l’État, aux fulgurances dans le domaine de l’éducation, semble épuisé. Nous retiendrons donc son ébauche, toujours accessible, publiée sous le titre Fédéralisme, socialisme et antithéologisme. Cette édition est introduite par Max Nettlau qui brosse le portrait d’une pensée anarchiste en devenir…

En route pour la découverte de l’histoire d’une espèce qui tente de s’élever à l’humanité malgré le fardeau des religions et des États. Comment est née l’hypothèse divine ? Il y a fort longtemps, mais l’antiquité d’une idée… doit nous la rendre suspecte. Pourquoi reste-t-elle nécessaire pour l’immense majorité ? L’universalité d’une erreur ne prouve qu’une chose : l’identité de l’humaine nature dans tous les temps et sous tous les climats et tant que la croyance en dieu reste intacte, elle produira toujours des rejetons nouveaux… Et pourtant, dieu n’est rien et ne devient le tout que par la crédulité religieuse. Elle-même entretenue par la crainte, la peur : le fétichisme doit être la première religion. Mais, l’homme pensant forge sa liberté en révoltant au besoin le monde autour de lui. La fantaisie religieuse résiste et travestit la justice après un séjour céleste d’où elle retombe sur terre sous forme d’inégalités consacrées par un droit dit historique ! L’apothéose sera atteinte quand la soumission à l’autorité divine se doublera de la fondation de l’État… les deux faces sinistres d’une même pièce.

L’aspect social n’est jamais oublié : être esclave c’est être forcé de travailler pour autrui, comme être maître c’est vivre du travail d’autrui. D’ailleurs, au Moyen âge, ils prirent le nom de serfs, aujourd’hui on les appelle salariés. Des fadaises fouriéristes semblent ressuscitées par ATTAC : toucher le cœur des riches, au point que ceux-ci finiraient par venir d’eux-mêmes déposer le surplus de leur richesse aux portes de leurs phalanstères !

Au gré de la lecture de nombreux échos à notre quotidien : l’intérêt général ? Un prétendu bien public, qui n’est jamais que celui des classes privilégiées. De braves politiques : lorsque vous entendez dire, au nom d’un peuple entier : « il veut ! », soyez sûr qu’un usurpateur quelconque, homme ou parti, se cache derrière. Et les affaires, chères à Mirbeau : dès la naissance des États, le monde de la politique a toujours été et continue d’être encore le théâtre de la haute coquinerie et du sublime brigandage ! Tant de chemins tortueux dans le flipper des multiples crapuleries et le macabre décompte des massacres perpétrés par les religions et les États depuis la rédaction de ce texte jusqu’à ce jour, témoignent de son étrange actualité.

Michel Bakounine — Fédéralisme, socialisme, antithéologisme — éditions Bélibaste — 222 p. 30 FF

***

* L’Homme-machine — Julien Offray de La Mettrie — éditions Mille et une nuits. nº 275 — 104 p, 10 FF.
Brisant la chaîne des préjugés à la lueur de l’expérience, c’est en matérialiste que le fameux médecin philosophe avec humour. Scrutant la nature, combattant les chimères, il invite l’imagination au banquet de la vie.

* Dialogue entre un prêtre et un moribond — Donatien Alphonse François Sade — éditions Mille et une nuits. nº 3 — 32 p, 10 FF.
Perfectionne ta physique, épure ta raison, bannis tes préjugés et tu n’auras plus besoin de ton dieu ! Tels sont les conseils amicaux d’un mourant à un mystique. Quand la lucidité balaye l’hypocrisie.

* De la religion : dieu est-il immoral ? — Mark Twain — éditions L’Esprit Frappeur. nº 25 — 62 p. 10 FF
Au soir de sa vie, le père de Tom règle son compte à dieu. Avec regret, il constate que celui-ci se divertit à torturer le genre humain et les animaux… Nulle justice divine ! Une faste fumisterie : souffrir pendant quatre-vingts ans ne rapporte pas plus de paradis que mourir à trois ans de la rougeole…

* Contre les dieux et quelques autres — Laurent Tailhade — éditions Paris-Zanzibar — 96 p. 40 FF.
Recueil d’articles toniques et lyriques foudroyant bêtise et poltronnerie. À ne pas manquer le conte « Les mages au berceau » et les friandises glanées au fil des pages :
Ce qui excuse dieu, c’est qu’il n’existe pas (Stendhal). Vous dites que vous croyez à la nécessité de la religion, soyez sincère ! vous croyez à la nécessité de la police (Nietzsche)… La préface à la présente édition rappelle utilement qu’aujourd’hui en Alsace-Moselle l’article 166 du code local prévoit trois ans de prison pour blasphème public contre dieu…

* Rubayat — Omar Khayam (traduction d’Armand Robin) — éditions Gallimard — collection Poésie nº 285 — 112 p. 41 FF.
L’astronome qui ne croyait pas au ciel nous parle à travers les siècles par la voix fraternelle du compagnon Armand Robin… Hymne au bonheur à portée de main :
Dans l’herbe, assieds-toi et fais la fête quelques jours, avant que l’herbe pousse sur ta tombe pour toujours…

* L’Œuvre au Noir — Marguerite Yourcenar — éditions Gallimard — collection Folio nº 798 — 476 p. 40 FF.
Ce roman historique n’est pas un bal costumé : Zénon est de chair et de sang. Il chemine dans un siècle en compagnie de Dolet, Servet, Paré, Bruno… Temps obscurcis par la fumée des bûchers… leurs braises perdurent… Un autre m’attend ailleurs, je vais à lui. Qui ? Hic Zenon, Moi-même. Chacun de nous est son seul maître et son seul adepte.

Jean-Denis. — Liaison Bas-Rhin de la FA

Les ouvrages cités sont disponibles à la librairie du Monde libertaire.


8e congrès de Bonaventure

Les 28 et 29 octobre 2000, s’est tenu le 8e congrès annuel de Bonaventure, cette « république éducative libertaire » sur l’île d’Oléron. Une vingtaine de membres a pu se déplacer cette année afin de prendre part aux travaux du congrès : libertaires (des Pyrénées, de la Méditerranée) de la Fédération anarchiste, de la CNT, parents et amis… Parmi eux, des membres du projet éducatif de La Musette (Hérault). Projet avec lequel Bonaventure compte bien coopérer et mutualiser de l’énergie, du matériel et quelque expérience.

Nouvelle équipe et projets d’enfants

La nouvelle équipe pédagogique s’est présentée (un nouvel instituteur est venu nous aider cette année). Les enfants étaient présents et avaient mandaté deux des leurs pour présenter leurs projets. Parmi ces projets, notons au moins deux déplacements prévus, l’un en montagne en hiver (au Centre des Marmottes en Ariège ou dans les Alpes) et l’autre sur les bords de la Méditerranée avec les enfants et adultes du projet d’éducation de La Musette près de Mèze.

Au quotidien, les enfants et l’équipe pédagogique maintiennent leur organisation collective avec des parents ou des intervenants extérieurs pour réaliser leurs projets : jonglage, journal d’enfant (le journal diabolique), conseil d’enfant hebdomadaire, ateliers, arts plastiques, correspondance… Pour leurs activités quotidiennes, ils auraient besoin d’aquarelles et toujours de livres (documentaires, albums, romans et bandes dessinées).

Réalisations et projets

Comme chaque année, lors du congrès ou des deux réunions nationales annuelles de notre structure éducative, nous avons ensemble dressé le bilan de l’année 1999-2000 : bilan de l’équipe, du collectif des parents, du pôle associatif, de l’équipe du Grain de CEL (le bulletin trimestriel que nous envoyons aux membres de l’association).

Pour l’année qui vient, nous allons concentrer notre énergie sur la communication de notre expérience vers l’extérieur. Dans ce sens, et avec quelques retards, Bonaventure proposera une vidéo (52 minutes) relatant la vie au quotidien pendant une année… Ce film devrait être diffusé par France 3 sous forme de reportage, puis diffusé aussi par l’association Bonaventure.

D’autre part, nous allons mettre en chantier une nouvelle brochure sur Bonaventure. Elle sera prête au cours du printemps 2001. C’est une nécessité puisque les stocks du livre Bonaventure et la brochure Bonaventure, la farine et le son seront bientôt épuisés… Une odyssée à laquelle vous pouvez participer si l’éducation libertaire vous tient à cœur.

Bonaventure, au quotidien, demande un investissement permanent de l’équipe pédagogique, des enfants et membres actifs de l’association ; c’est pourquoi nos liens et démarches vis-à-vis des mouvements pédagogiques, syndicaux, associatifs restent fondamentaux pour garder notre indépendance autogestionnaire, libertaire. Conformément aux décisions prises au congrès extraordinaire de Marseillan en juin 2000 (portant sur le statut de Bonaventure, suite aux diverses pressions de l’inspection académique), nous confirmons notre refus de la soumission à l’Éducation nationale tant que le service public d’éducation ne sera pas une réalité vivante.

Bernard. — Bonaventure


Halte à la répression contre Thomas Meyer-Falk

Thomas Meyer-Falk a été condamné et incarcéré le 2 août 1996 pour avoir braqué une banque dans le but de financer des activités politiques. Normalement, il devrait être libéré en 2010 mais a écopé d’une peine de sûreté qui devrait le garder encore derrière les barreaux après cette date. Du fait qu’il n’a jamais renié ses idées politiques et son militantisme antifasciste et en raison de la résistance qu’il a opposé à sa condamnation, Thomas a subi de multiples mesures spéciales. Des études par correspondance lui ont été refusées « car il pourrait utiliser son savoir contre l’État », obligation de se mettre à nu devant les matons pendant les fouilles, interdiction de transmettre des informations sur ses conditions de détention et de débattre de tout thème politique.

Jeudi 10 novembre, nous (Anarchist Black Cross, Maloka, SCALP, Confédération nationale du travail, Groupe libertaire) nous rassemblons et occupons le consulat d’Allemagne ; nous entendons protester contre l’extrême dureté de la répression dont Thomas fait l’objet depuis le début de son incarcération et qui depuis quelques mois s’en prend également à ses sympathisant-e-s et supporters. En effet, suite à l’occupation de ce même consulat en octobre 1999 car ses conditions de détention n’étaient déjà pas acceptables, la correspondance que nous entretenions avec lui a été interrompue sous le motif que nous sommes « des anarchistes ». Depuis, de nombreux-ses autres individus et organisations internationales se sont vues attribuer la même sanction, ce qui a rendu le soutien global à Thomas presque impossible. Se trouvant déjà incarcéré en quartier d’isolement depuis le début, cette mesure répressive que nous qualifions « d’isolement dans l’isolement » fait de lui une cible privilégiée de l’administration pénitentiaire allemande. Nous ne pouvons accepter cette criminalisation injustifiée de ses sympathisant-e-s qui nous dénie le droit de nous opposer aux actes de cette même administration et de soutenir notre camarade.

De nombreux/ses camarades dans plusieurs pays d’Europe se mobilisent également aujourd’hui à l’occasion de cette journée de protestation en soutien à Thomas. Nous nous unissons pour exiger la fin de l’isolement pour Thomas et le rétablissement immédiat de toutes ses correspondances.

Anarchist Black Cross (Dijon) et Scalp (Dijon)


Ievoli-sun : une catastrophe capitaliste

Dix mois après la catastrophe de l’Erika, le Ievoli-sun rejoint la triste et de plus en plus longue liste des navires transportant des produits dangereux faisant « naufrage » ici et ailleurs. Une fois encore les politiques de tous bords font œuvre de démagogie en condamnant la société du profit, et appellent à une stricte réglementation ; mesures réclamées avec la même fermeté l’an passé… et l’année prochaine sans doute. Nous constatons que ni au niveau national ni au niveau européen, de telles mesures n’ont été prises. Par contre, au cours du mois de septembre le Conseil des ministres européens a freiné une directive visant à réprimer le dégazage en mer (Le Monde, 12 septembre). Force nous est de constater que le ministre des Transports français, Gayssot, était l’un des plus virulents opposants à ce durcissement de la réglementation au nom de la compétitivité des ports (des porcs). Que des représentants des États qui déréglementent les services publics dénoncent la logique de profit, fleure bon l’hypocrisie, le soufre et le styrène ! La fosse des Casquets déjà connue comme dépotoir pour déchets radio-actifs, pesticides, etc., voit étrangement renforcer son utilisation comme poubelle de l’océan. C’est la même société d’autorisation de navigabilité qui a contrôlé l’Erika. Le Ievoli-sun avait été retenu dans des ports hollandais à trois reprises pour déficiences majeures.

Comment pouvoir croire en la sincérité de l’État français qui conserve le pavillon de complaisance des îles Kerguelen, qui exonérait Total en cas d’échec du pompage du fioul de l’Erika, pompage effectué sans contrôle d’organismes indépendants… ? Pour que de telles catastrophes non naturelles mais bien capitalistes ne se répètent plus, il faut effectivement rompre avec toute logique de profit.

Nous luttons pour un service public libertaire des transports : production en fonction des besoins, contrôle et gestion par les salarié-e-s et consommateurs/trices, pour un observatoire des pollutions indépendant de l’État et du patronat… Pour en finir avec la propriété privée des navires et cargaisons : patrimoine économique de l’humanité.

Fédération anarchiste