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éditorial du nº 1079

Le jeudi 10 avril 1997.

Sur la tour Eiffel, un compte à rebours dérisoire : le décompte des jours qui nous séparent de l’an 2000. Le symbole est fort : la vieille tour parisienne, marraine d’un siècle de barbarie, reprends du service pour cocoricoser la fin d’un millénaire qui aura vu la fureur des hommes se déchaîner pour des terres, pour du fric ou — o mores ! — pour la gloire de médiocres tyrans qui bougent encore par nostalgiques interposés.

La mise en route de cette horloge symbolise bien notre ère des starting-blocks. Le temps n’est pas (n’est plus ?) à l’obtention d’un mieux être… le temps n’est d’ailleurs à l’obtention de rien. Seules comptent les secondes climaxiques qui entourent les départs. On planifie, on envisage, on prend ses marques… puis l’on court vers un autre site où d’autres départs vers le néant nous attendent.

L’essentiel n’est même plus de participer, il suffit de prendre son élan et d’attendre que les dernières secondes de la dernière heure de la dernière attente à la mode se soient écoulées.

Nous attendons le métro, la Révolution, un messie, l’heure de la sortie ou le jour de la paie… nous sommes tellement habitué à l’attente que nous sommes surpris de voir arriver notre dernière heure.

Et pendant ce temps là, il y en a qui s’amusent et rient de notre immobilité ; des individus de chair et de sang, comme nous, qui fabriquent des montres, des attentes et des espoirs de carton pâte pour leur plus grand bénéfice. On les appelle les capitalistes, ces gens là. Et ils vivent près de nous.

Et puis, ailleurs, loin, bien loin derrière nos téléviseurs, il y a ceux qui n’attendent même plus… au Zaïre, au Rwanda, partout où le temps se fige en un mouroir d’où l’espoir même est exclu.

Alors, afin de ne plus trop y penser, voilà le gros Kohl qui se met sur la ligne de départ pour un peu plus de pouvoir… un peu plus de temps.