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éditorial du nº 1080

Le jeudi 17 avril 1997.

« À Versailles ! À Versailles ! ». Peut-être les quelques trois cents manifestants qui investirent l’ancienne cour pensaient-ils à ce peuple qui, poussé par la faim et l’habileté d’une bourgeoisie avide de pouvoir, étaient allé cherché le roi et sa famille en ces mêmes lieux, le 6 octobre 1789.

Les siècles passent mais la misère, elle, se ressemble toujours. Et il se trouve toujours de petits malins pour l’utiliser à fin de pouvoir.

L’idée de créer un « observatoire des richesses », si elle semble a priori sympathique n’en porte pas moins en elle une autre idée, moins sympathique, celle-là : pour observer les richesses, encore faut-il les entretenir. Et qui observera les observateurs ? Et les observateurs des observateurs ? et les observateurs des observateurs des…

Et puis, la richesse, elle commence où ? La misère, c’est clair, c’est facile, ça se laisse gérer, ça se remarque. Mais la richesse ? À quoi la reconnaît-on ? S’il ne s’agissait que de signes extérieurs, il y a beau que le fisc en aurait fait ses choux gras. Depuis l’avènement du jean, la distinction entre riches et pas trop pauvres est délicate à établir. Sans parler de l’enfoncement de la ligne de démarcation réalisée par les établissements de crédits. Car, n’écoutons donc pas toujours les conneries des anciens, on ne prête pas qu’aux riches. Au contraire, pourquoi se passer d’un tel instrument de contrôle ?

Quel que soit l’objet de son observation, un observateur est un flic. En fonction des raisons qui l’animent, il finira à la Gestapo, au Guépéou ou, s’il a de la chance, esclave dans une préfecture avec un contrat de survie à deux mille balles par mois.

Et puis notre but n’est pas d’appauvrir les riches mais d’enrichir les pauvres à moins qu’il existe des individus qui ne veulent pas de la richesse…

Pour finir, ça sent la diversion : pendant qu’on prends des coups de bidule à Versailles, on ne fait pas chier les touristes dans la Capitale. Tout n’est pas perdu pour tout le monde.

Compagnons, les rois ne sont plus à Versailles, c’est partout, à commencer par l’endroit où nous (sur)vivons, qu’il faut nous battre.