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éditorial du nº 1695

Le jeudi 31 janvier 2013.

DÉJÀ UN MOIS de guerre, et on peut supposer, si l’on a quelque confiance dans la vaillance des troupes engagées et dans la qualité de leur équipement made in France (qui fait la fierté de nos exportateurs et le bonheur des assassins) que la viande humaine s’est accumulée de façon satisfaisante dans les charniers. Seulement voilà, impossible de dire si les munitions tricolores ont coupé plus de mains et de pieds que les bouchers de la charia, impossible de savoir le nombre de fanatiques terroristes qui ont rejoint le Walhalla islamique, combien de simples passants pulvérisés au bénéfice du doute, d’enfants rôtis dans leur maison incendiée. Seul bilan, côté troupes coloniales : un pilote d’hélico le premier jour, et trois pioupious morts à cause de la neige.

En guise d’information, on n’a que ce que l’armée française veut bien nous donner : rien. Cochons de civils, vous n’avez rien à voir dans les affaires sérieuses de vos généraux. Et ne comptez pas sur le chef des armées, le président de la République, pour vous défendre, car il est pire que complice de ce silence, il en est l’organisateur. On veut une guerre, pour cimenter la nation dans la haine de l’étranger et planquer une politique intérieure définitivement antisociale. On ne veut pas que le doute s’installe, que l’infâme « bonne conscience de gauche » instille son poison dans l’union sacrée. La France doit bombarder près de Tamanrasset pour fermer les usines à Dunkerque.

Voilà donc en train de se dérouler, en notre nom à tous, une campagne meurtrière dont nous ne saurons rien. Les principaux médias, télévisés en particulier, nous donnent le spectacle affligeant auquel ils nous ont habitués. Léchage de godillots, communiqués cocardiers, foules en liesse acclamant les libérateurs, glorification de l’armée, fascination pour la boucherie. D’information, point. Jamais. Le prétendu « quatrième pouvoir » est toujours le valet du premier, l’État.

L’armée et les industriels de l’armement trouvent toujours des raisons de justifier, même en période de crise aiguë comme maintenant, le poids monstrueux dont ils pèsent sur la population, les crédits gigantesques qu’ils consomment sans produire rien d’utile, en détruisant, même. Si l’ennemi n’existe pas, ils le fabriquent bien effrayant. Dans les faits, avec cette poignée de fanatiques religieux qu’on excite continuellement en guerroyant un peu partout et en semant l’injustice ; dans les têtes, avec la propagande incessante qui paralyse le jugement critique. Nous vous disons, nous : l’ennemi est dans notre propre pays, et il gouverne sans avoir jamais été élu.