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Éditorial du nº 1698

Le jeudi 7 mars 2013.

GRATUIT, GRATUIT, la peste soit des pubs racoleuses et de leurs titatas obscènes. Le site de « Là-bas si j’y suis » s’en émeut et pose la question qui fâche : « C’est vrai ça, qui paie quand c’est gratuit ? Google c’est gratuit, le journal c’est gratuit, rouler sur une route c’est gratuit, mais qui paie les routes, le journal, Google ? »

Gratuites, les routes ? Nos impôts les casquent. Gratuit, le Web ? Encore une entourloupe : gabegie de métaux rares, recyclage hors de prix, milliards de kWh brûlés par les serveurs et les ordinateurs, drôle de gratuité ! Le Littré en ligne définit ainsi le mot gratuit : « Qu’on donne pour rien [・c] école gratuite, école où l’enseignement est gratuit. » Même le Littré se plante car si l’on peut à la rigueur parler de méchanceté gratuite, voire de crime gratuit, rien n’est moins « donné pour rien » que l・éducation, un des budgets les plus lourds dans la plupart des pays riches ou émergents.

Faudrait pas confondre le droit à certains services nécessaires comme l’éducation, la santé, la justice, financés à grand peine par les impôts, et certaines libéralités intéressées uniquement destinées à « libérer des parts de cerveau » des gogos et à les gaver sous hypnose de gadgets nullissimes. Dans les deux cas, pas plus de gratuit que de beurre en branche !

Économie de marché et appât du gain s’y entendent pour masquer aux foules crédules que le travail et le prix de toute chose sont incontournables (même en société anarchiste) et s’échinent à imposer par des flatteries mercantiles, par la « pédagogie » ou la force, les idées clés du capitalisme mondialisé : baisse des salaires, délocalisations, suppression du Code du travail, casse du service public, ce « ringard » et insupportable garant d・une vie moins indécente en démocratie représentative. La richesse aux riches et les mirages de la gratuité aux autres. Ça ferait rire si ce n’était tragique, « le rire n’est jamais gratuit, l’homme donne à pleurer, mais il prête à rire », comme disait Pierre Desproges.