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éditorial du nº 1707

Le jeudi 23 mai 2013.

Ce 14 mai, c’est le « 20 heures » sur France 2. David Pujadas parle aux Français droit dans les yeux ; il évoque l’enlèvement de Fiona, le fitness branchouille venu de Nouvelle-Zélande et les seins envolés d’Angelina Joly, la sainte Agathe sexy du showbiz. Mais, David est consterné : la veille, des méchants ont frappé, pillé et gâché la belle fête du fric du PSG. Valls est en difficulté, pour une fois qu’il veut faire populaire. Pantins de droite et de « gôche » échangent des mots doux convenus à propos de la gabegie… Quoi que David en pense, ça fait bien beaucoup d’importance accordée aux soudards ultrascons du PSG ! Quel chiqué, aussi, de dénoncer les « jeunes des cités ». Pas aussi cons que leurs aînés, ils n’en ont rien à foutre des milliardaires en short rincés par le Qatar. Eux qui sont dans la vraie vie, celle de la ségrégation, du chômage et de la démerde, ils sont venus passer, sans fausse honte, leur rage sur les bagnoles et les boutiques des quartiers de riches ! Tant va la cruche à l’eau…

David sourit finement : justement la caméra s’attarde avec complaisance sur une vague manif où employés et employeurs, main dans la main, exigent de pouvoir travailler le dimanche. Triste sommation de cons pour encore plus de consommation. À quand des manifs pour exiger des salaires alignés sur ceux des Roumains ou le rétablissement du travail des enfants ?

Enfin, David, le matois Aveyronnais, appelle à un peu de dignité : Virgin Megastore va mettre la clé sous la porte et brade le stock. Les licenciés écrasent une larme. Ils ont surtout les boules de voir une nuée de rascals — pas des cailleras, mais des propres-sur-eux — s’arracher, dans un accès de fièvre acheteuse, les iPod, casques et autres falbalas électroniques bradés à 50 % de leur prix initial. N’ont rien à foutre des licenciements, pourvu qu’ils puissent se gaver de gadgets de merde, à la poubelle dans deux mois. C’est décidément trop de nausée. Fort heureusement, Pujadas sonne la fin du journal et on peut reprendre souffle dans un grand bol d’air publicitaire. Sombre soirée. Les politiques, les entreprises et les banques peuvent se pourlécher : à coup de pubs, de téloche et de mensonges putassiers, ils ont la population dont ils rêvent : une troupe aveugle de moutons suicidaires prête à sacrifier des droits acquis à grand peine pour suivre le joueur de flûte de la société néolibérale. Prête – pour en supporter la cruauté – à s’abrutir dans la saumâtre addiction du gavage et des jeux du cirque. Heureusement, les anarchistes ont des solutions et vont mettre bon ordre — sans le Pouvoir — à tout cela.