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éditorial du nº 1708

Le jeudi 30 mai 2013.

Le 21 mai, Dominique Venner, figure de l’extrême droite radicale, se donne la mort devant l’autel de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. « Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines », écrit-il quelques heures avant de se tirer une balle dans la bouche. Macabre esthétisation de la politique qui est propre au fascisme. Les tentatives de récupération politique ne se font pas attendre. La présidente du Front national a réagi sur son compte Twitter en exprimant son « respect » et en estimant que son geste « éminemment politique » était une tentative de « réveiller le peuple de France ». Cet hommage permet à Marine Le Pen de se repositionner aux yeux des médias comme leader de toute l’extrême droite, alors que des dynamiques complexes sont à l’œuvre dans cette sinistre nébuleuse. Dominique Venner dénonçait le projet de loi sur le mariage pour tous, contre lequel il se battait depuis plusieurs semaines. Or, cette question est prétexte à l’agitation de l’extrême droite radicale qui a ainsi le vent médiatique en poupe. De petits fachos, caricaturaux à souhait, se donnent fièrement en spectacle dans les « manifs pour tous ». Alexandre Gabriac en est l’exemple type. En 2011, il s’était fait connaître en faisant le salut nazi. Cette incartade lui avait valu une exclusion immédiate du Front national. Suffisamment virulent pour faire parler de lui mais trop grotesque pour être crédible aux yeux du plus grand nombre, il multipliait les frasques, permettant à Marine Le Pen de se « dédiaboliser » et d’offrir au Front national une image respectable. Mais Marine Le Pen ne peut se permettre de passer au second plan alors que la situation sociale est propice à la montée des extrêmes. Elle fait donc un petit pas de côté et n’hésite pas à renouer, au travers de Dominique Venner, avec l’héritage d’une vieille extrême droite principalement structurée par une conception esthétique de la vie et du combat, plutôt que par un discours politique cohérent. Le culte du martyr politique, de l’héroïsme et du don de soi tient lieu de programme fédérateur.