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éditorial du Hors-série nº 52

novembre 2013.

Tandis qu’en cette période de grande fête de la consommation, les roms sont déboutés du droit à l’humanité jusque dans les enceintes scolaires, que leurs enfants trop blonds pour être malhonnêtes leur sont enlevés pour réinsertion dans des familles plus conformes à leur aryanisme dérogatoire, que les gamins radiophoniques cherchent la starification dans la propagande de l’agression sexiste, que la gôche se croit adroite de flatter les nationalismes larvés au prétexte de retirer l’électeur de la bouche de la droite qui se croit elle-même pas trop gauche d’aller plus loin encore pour faire de même avec les fachos bas du front National dont tous les médias s’accordent à se dire surpris de la hauteur de scores anticipés sur la base de pronostics qu’ils ont eux-même bâtis, tandis que nos paysages et nos vies sont méthodiquement détruits à coup de projets inutilement nuisibles qui n’ont de grand que l’ego obstiné des politiques en mal d’éternité qui les ont initiés, que de zélées élites s’acharnent à nous faire croire que c’est pour notre bien, que des acteurs comiques souffrant de n’être pris au sérieux s’attaquent à réécrire l’histoire pour servir leurs fantasmes d’une gloire patriotique et couronnée tout droit sortie de films de cape et d’épée — surtout d’épée — dans lesquels ils se rêvent Jeanne d’Arc, que la misère noyée de bleu sous un ciel grec est tentée de remplacer le sirtaki par un heidi heido jovial, que les va-t-en-guerre se drapent dans la laïcité la plus crassement hypocrite pour répandre la liberté sur l’orient par salves de bombes à l’uranium, tandis qu’au large des côtes de Lampedusa ou d’ailleurs, les nouveaux Mayflowers naufragent sous le poids écrasant de trop d’espoir dans l’indifférence morne de nos égocentrismes gâtés pourris, bref, tandis que ça pue la merde un peu partout, voilà que pour ce Hors Série nous n’avons rien trouvé de plus urgent et sérieux à vous parler que d’Art. Bah oui.

Ah ! J’en vois deux qui grognent au fond… Quoi ? Ce serait donc futile ? La vraie vie du bas de la rue serait plus importante ? Plus vraie ? Des manifs à rejoindre ? Des connards inhumains à flinguer illico ? Des incendies plus urgents à éteindre ? Certes, certes… mais avec quelle lance, très cher ? Car voyez-vous, il nous a semblé, un instant, que parler d’Art dans un monde en guerre, c’est aussi déployer le catalogue, les plans et les modes d’emploi d’un arsenal tout aussi redoutable que celui des marchands d’armes. Que l’art subversif peut être plus pernicieux qu’un gaz sarin, par exemple quand il dézingue un BHL sur l’autel de sa suffisance dans un savoureux canular, quand il réveille le quidam de la rue d’un stencil bien senti, quand il rappelle que l’histoire n’est pas toujours glorieuse et que l’héroïsme est tout autre chose qu’une vocation à la célébrité dans un trait d’encre noire signé Tardi, quand, quand, quand…

Oui, nous avons voulu rappeler que l’Art est une arme, en ce sens aussi qu’il nous émancipe et nous rend libre. Et surtout, que l’anarchisme a autant à puiser dans l’Art en matière de science de la vie (si tant est qu’on puisse parler de science en matière d’intuitions lumineuses) que l’art a su puiser dans l’esprit libertaire pour se révolutionner en permanence, échappant chaque fois à sa récupération et sa mercantilisation pour se renouveler différent, trouver de nouveaux moyens de subversions pour réveiller les consciences et détruire la bêtise. Aux arts !

Pola
(groupe Béthune-Arras Fédération Anarchiste)