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éditorial du nº 1682

Le jeudi 27 septembre 2012.

Sautons un instant sur notre chaise comme des cabris en disant « L’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! » L’Europe, donc, et sa fameuse règle d’or budgétaire, qui interdit aux États membres un déficit public « structurel » (hors évolution économique) supérieur à 0,5 % du PIB, et un déficit supérieur à 3 %. Toutes choses qui devraient limiter l’emprise des banques, via les emprunts, sur les politiques publiques.

Le gag, c’est que ce qui devrait réjouir les réformistes, un affermissement de l’État face au grand capital, les consterne. Pourtant, une politique publique saine voudrait qu’on anticipe les dépenses futures et qu’on accompagne, par l’investissement et l’épargne, des besoins que la collectivité aura du mal à assumer, au lieu de tabler sur une improbable (et par ailleurs peu souhaitable) croissance future du PIB pour rembourser de l’argent emprunté et dépensé aujourd’hui. De ce point de vue, l’assainissement des comptes publics est une mesure de simple bon sens.

Et il y a deux moyens de le faire : l’un est réformiste et consiste à nationaliser les banques et à lever l’impôt sur les plus riches ; l’autre est révolutionnaire, qui abolit la propriété privée des moyens de production, bâtit une économie fondée sur la valeur d’usage et plus sur celle d’échange, et accroche quelques possédants aux arbres, lanternes ou tout autre ornement de façade.

Remarquons enfin la complexité byzantine des règles qui président au calcul des déficits publics et qui, semble-t-il, autorisent des variations assez fantaisistes (plus ou moins 200 % pour le déficit structurel, par exemple, selon le mode de présentation retenu). Voyons-y l’influence des lobbies ultralibéraux et financiers à la Goldman Sachs, plus que celle de Mélenchon. Tout continuera comme avant : déficits, dettes, austérité et, enfin, transfert de la propriété de l’État vers la propriété privée. Triomphe de la banque.

Et la règle d’or ne sera que le prétexte pour nous faire avaler ça. Le libéralisme, idéologie du capitalisme financier, a tellement empoisonné les esprits que les politiques de gauche n’arrivent à penser qu’avec les mots des banquiers : dette et déficit là où on devrait voir l’utilisation par la collectivité (représentée souvent, hélas, par l’État) des ressources communes du futur. Le peuple, les classes ouvrières, ne doivent pas abandonner leur destin entre les mains de ces aveugles. Il est urgent de nous réapproprier non seulement les richesses du futur, mais aussi celles du présent.