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éditorial du nº 1624

Le jeudi 24 février 2011.

La chute des tyrans tunisiens et égyptiens suscite l’espoir dans l’ensemble du monde arabe. Ça pète au Yémen, ça conteste sérieusement en Iran et ça se soulève en force en Lybie, le fief de l’autoritaire guignol Kadhafi. Depuis mercredi dernier, le peuple libyen manifeste son désir d’un changement radical de régime, pour plus de liberté. Comme l’on pouvait s’y attendre, les forces de l’ordre ne lésinent pas sur la répression et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur les contestataires. À Benghazi, principal foyer de la contestation, à l’est du pays, on compte déjà plus de 80 morts, principalement par des tirs de balles dans la tête, le cou et la poitrine, selon Amnesty International. Malgré tout, les Lybiens tiennent bon et, malgré cette répression sanglante et implacable, continuent à descendre dans la rue pour dénoncer le régime et la brutalité meurtrière des uniformes. Vendredi, ce qui n’était alors que de « simples » manifestations s’est transformé en petite insurrection populaire lorsqu’une partie des manifestants a donné l’assaut à la prison Kouwafiah pour y libérer les détenus politiques. Environ un millier de prisonniers se sont ainsi évadés et, aux dernières informations, seuls 150 auraient été arrêtés et réincarcérés. Pour autant, si tout ça est, au premier abord, encourageant, la situation ne semble pas être la même que celle qui conduisit, les semaines précédentes, à la destitution de Ben Ali et de Moubarak. D’autant que le mouvement libyen n’est absolument pas national, du moins pour le moment. Et une partie de la population semble rester attachée à son oppresseur dans une logique de servitude volontaire qui, une fois encore, donne raison à notre cher La Boétie. D’un autre côté, les informations sur la situation libyenne demeurent rares et plutôt pauvres, et le régime de Kadhafi fait tout pour qu’il n’en soit pas autrement, à l’international comme dans son pays. La chaîne qatarie al-Jazira serait actuellement brouillée et le réseau internet ne fonctionnerait plus depuis vendredi. Affaire à suivre…
Du côté tunisien et égyptien, ça stagne. Quelques signes prometteurs en Égypte cependant où l’on semble assister à l’émergence d’un mouvement social qui pourrait bien transformer la révolution politique des dernières semaines en une révolution sociale, assurément la plus importante. Car se débarrasser de la tyrannie, c’est indéniablement indispensable, mais si les inégalités sociales et l’exploitation économique demeurent, même maintenues par un régime politique plus doux, ce n’est assurément pas suffisant. Bref, on a du pain sur la planche, compagnons !