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éditorial du nº 1622

Le jeudi 10 février 2011.

Sa Majesté sondage pousse un bien sinistre soupir à l’heure où sont écrites ces lignes. Malgré les passionnants débats sur l’euthanasie, les éoliennes, malgré la petite Laetitia coupée en morceau, malgré les bien pratiques « écrans de fumiers » habituels si aptes à leur dérider les fesses, les Français, moroses, boudent les journaux télévisés. Ils seraient las du Proche-Orient, gavés de tant de violence, d’anarchie, de chaos, de pillages, d’évadés de prison, d’opposants aux opposants. Tout ça si loin de chez eux, chez d’exotiques Levantins considérés, encore il y a peu, comme des indigènes bronzés, idolâtres et paresseux. Même en Haut-Lieu, à force, ça indispose, tous ces mouvements populaires, ces foules sympathiques mais indisciplinées qui, sous prétexte de conspuer leurs bourreaux, poussent l’absence de tact jusqu’à brûler en effigie le président Sarkozy soi-même en personne. Faudrait voir à savoir raison garder : Madame Alliot-Marie est toujours ministre, que l’on sache, droite dans ses bottes comme les Juppé, les Woerth, les Balkany si chers à la patrie des droits de l’homme, et puis comme ils aiment à le bêler : «  La politique ne se fait pas dans la rue !  » Les Tunisiens, les Égyptiens, passe encore, mais ça risque d’être bientôt le tour des Algériens, des Syriens, des Marocains, des Libyens, voire des Yéménites, des Jordaniens. Et pourquoi pas aussi, pendant qu’on y est, des petits lapins chinois qui mordent leurs tigres de papier ? Pas étonnant, dans une telle chienlit, qu’Obama ait sifflé la fin de la récréation pour la diplomatie françafrico-européenne et repris, d’une main finalement assurée, les rênes de l’ingérence internationale, prêchant, tel un moine souverain à une horde de diablotins, une transition sereine et un retour progressif à la « stabilité ». Pas le choix d’après lui : soit ces démocrates en herbe un tantinet excités se calment et se soumettent aux recommandations amicales mais bottées du Sabre, soit ils sont dévorés tout cru par l’abominable Goupillon. Aux courageux manifestants (désireux entre autres d’accéder à une consommation de niveau européen), comme aux sociaux-démocrates-pour-rire de nos contrées (désireux de conserver ce niveau de consommation), il reste du mouron à se faire. Les puissants s’y entendent à calmer de naïves grenouilles avec un nouveau héron un peu plus «  fashion  ». Revolution is bad for business. Il ne faut pas prendre les titatas pour des soleils levants. Là-bas comme ici, faudra sans doute en passer par une révolution des cerveaux et des mœurs. Éradiquer l’ordonnancement capitaliste, couper la main invisible du Marché, mettre au point un mode de vie solidaire et humain, soucieux de son environnement, fait d’échanges contractuels et de libre respect. Tout ça, tout ça. Et ça ne passera pas par des élections clientélistes ou des bourrages d’urnes.