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éditorial du nº 1600

Le jeudi 17 juin 2010.

Quel déconcertant paradoxe sur les ondes et dans les pages des journaux : d’un côté, ce ne sont que titatas cocardiers des commentateurs de jeux de baballe – et bientôt de pédale — qu’inquiètes et lancinantes conjectures sur le « mental » ou la couleur des selles de nos joueurs professionnels multimillionnaires, gonflés de muscles ou d’EPO ; d’un autre côté, c’est le silence honteux des mêmes pisse-copie à propos des mouvements de révolte et de grève en Grèce puis en Espagne. Comme s’il ne fallait pas s’attendre, dans notre bel Hexagone, à ce que la récession et la misère suivent de peu la rigueur et le chômage dus aux extravagants jeux boursiers des grands de ce monde. Pas plus que les actionnaires, il ne faut effrayer le populo, pensent-ils : pendant qu’ils picolent devant leurs écrans plats en suivant de droite à gauche puis de gauche à droite les mouvements hypnotiques de balles et ballons, ils ne songent pas à « grogner » comme des cochons ni à se révolter. Comme quoi, effets d’annonces et reculades sont bien la règle en Sarkosie. Ainsi on oublie dare-dare la « zone noire » charentaise ; de braves propriétaires préfèrent rester dans leur douillet chez-eux au risque de se réveiller à nouveau les pieds puis la tête sous l’eau. Ils l’ont fait bruyamment savoir au gouvernement et aux élus. Pourtant, ça semblait logique de vouloir leur éviter que ça recommence ! Mais 2012 approche et c’est pas le moment de chatouiller de futurs électeurs. De même, on tempère le fameux « coup de rabot » aux niches fiscales bruyamment promis en haut lieu. Ça défrisait des députés et sympathisants UMP qui s’étaient bien habitués à n’avoir à payer ni impôts ni charges sur leurs dépenses consacrées à rétribuer chichement, à coups de chèques emploi, boniches, larbins et autre serviteurs à domicile. Les seules promesses que tienne l’Élysée sont celles de ne pas augmenter les impôts directs, de maintenir la TVA à 5 % sur la limonade, de préserver contre tout bon sens le gaulois mais scandaleux bouclier fiscal, de passer à la hussarde ses contre-réformes ultralibérales, bref de faire payer les pauvres puisqu’ils sont nombreux et faits pour ça. Quand on lira ces lignes, d’importantes décisions concernant les retraites auront été rendues publiques ; nul besoin d’être grand clerc pour en prédire la teneur. On taxera les cotisations des fonctionnaires, ces bêtes immondes et inutiles ; on fera travailler tout le monde deux ou trois ans de plus pour commencer ; puis encore plus, en douceur et profondeur, au fil des années à venir. On épargnera ainsi aux salariés les fâcheuses dépressions consécutives à l’oisiveté sénile ainsi que les frais excessifs d’une introuvable maison de vieux. Quant aux SDF, étrangers et autres indigents, ils pourriront en taule ou à la fosse commune. Si avec ça, il n’y a pas de quoi se faire anarchiste !