Accueil > Archives > 2001 (nº 1226 à 1262) > 1239 (5-11 avr. 2001) > [éditorial du nº 1239]

éditorial du nº 1239

Le jeudi 5 avril 2001.

La contraception et l’avortement, que beaucoup assimilent à des droits acquis pleinement, sont pourtant régulièrement remis en cause. C’est en tout cas ce qui transpire des débats que le Sénat a menés sur le projet de réforme de la loi Veil engagé par Élisabeth Guigou. Ce projet contient plusieurs données relatives à l’IVG. Tout d’abord, l’allongement du délai légal de dix à douze semaines. Les arguments avancés par les sénateurs pour justifier leur rejet de cette réforme pourtant bien minimale, manque pour le moins de cohérence. Sont cités pêle-mêle le non-règlement des 2 000 à 3 000 cas par année qui seraient encore hors-délai, l’alourdissement du fonctionnement déjà précaire des hôpitaux (sic), les réticences des médecins, les implications de cette mesure sur la nature de l’acte (on passerait subitement d’un « acte médicalement assez simple » à « une intervention plus lourde » comme si chaque femme allait du coup attendre douze semaines pour avorter).

Bref, il est finalement surtout question de morale et d’un raisonnement où la sexualité se doit d’être procréatrice.

C’est encore ce que les sénateurs avancent lorsqu’ils plaident pour la réintroduction dans le dossier-guide remis par les médecins aux femmes qui vont avorter des démarches pour faire adopter l’enfant, des droits et avantages dont jouissent les familles, etc.
C’est toujours cette même pression de leur ordre moral qui est en jeu avec la consultation obligatoire pré-IVG. Les femmes doivent enfanter et tout est prévu pour le leur rappeler. Peut-on être plus clair ?

Quant au discours tenu sur la contraception, il apparaît moins rigide mais comporte des implicites largement discutables. L’information sur la contraception, qui fait aujourd’hui encore cruellement défaut, est évidemment à développer. Mais nous savons aussi qu’elle ne règlera jamais toutes les situations que la vie nous fait rencontrer et que l’IVG sera toujours une nécessité. L’absence de développement des contraceptifs masculins est également significative des résistances instituées qui persistent dans ce domaine.

Et lorsque les sénateurs réclament que les stérilisations « à visée contraceptive » des femmes handicapées soient soumises à l’accord des parents ou du représentant légal, c’est la preuve qu’il y a encore du pain sur la planche dans la lutte pour le droit de chaque femme, de chaque individu, à disposer de son corps.