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Pour que personne ne décide à notre place

Gestion directe de nos communes

Le jeudi 18 janvier 2001.

L’alternance politicienne entre la droite et la gauche, avec leurs alliés de tout le spectre de la « démocratie » parlementaire, nous a clairement démontré combien les politicards font preuve d’efficacité, lorsqu’il s’agit de favoriser les profiteurs qui s’engraissent sur notre dos.

Au nom d’une gestion réaliste de notre vie commune, ils nous imposent une économie de plus en plus libérale où la société est cogérée par les « décideurs » : représentants des multinationales, du patronat, leaders d’opinions, responsables des partis dit politiques et de certains syndicats. Ceux-ci tiennent bien serrées dans leurs mains les rênes de l’économie, gèrent le capital, et cherchent à travers la « politique » à contrôler totalement notre existence. On veut nous faire croire que ce mode de gestion est le seul possible et qu’à défaut de pouvoir lutter contre le capitalisme, il faut se contenter de le gérer le mieux possible.

Attention !

La globalisation croissante de l’économie est en train de dissoudre les intérêts des populations locales dans ceux des cartels financiers internationaux. Cette concentration du pouvoir économique mondial s’accompagne d’une centralisation du pouvoir politique qui amène de fait une nouvelle forme de totalitarisme qui, si nous n’y prenons garde, risque de balayer à terme toute forme de démocratie !

Oublier l’histoire, c’est se condamner à la revivre. Devrons-nous attendre en moutons résignés l’avènement d’une dictature souhaitée par certains aujourd’hui, ou choisirons-nous la voie de la responsabilité et de l’égalité ?

La lutte pour la gestion directe

Que personne ne décide à notre place ! Organisons la solidarité et l’entraide entre les habitants de nos communes contre les affairistes.

Préparons-nous à remplacer l’État, institution parasite et étouffante, par une organisation fédéraliste des différents secteurs de la société.

Demain, gérons nous-mêmes, directement, nos cités et notre travail. Supprimons les inégalités sociales et économiques.

Après l’échec à l’Ouest, à l’Est, au Sud et au Nord de toutes les doctrines autoritaires (coloniales, démocratiques, dictatoriales ou théocratiques), luttons pour une société libertaire ; débarrassons-nous des gouvernants et des patrons.

Les principes

Les principes de gestion directe communale telle que les libertaires la conçoivent sont clairs.
Ils supposent :
 Le fédéralisme, agent de coordination en remplacement de l’État, qui est un agent de coercition du système capitaliste.
 Des assemblées générales souveraines.
 Le mandatement impératif des délégués.
 La révocabilité des délégués élus.
 Des Comités de quartier et par thèmes transversaux (culture, éducation, transports…)
 Une socialisation des services avec des décisions prises par un collège comprenant :

  • Les usagers de ce service.
  • Les citoyens de la commune.
  • Les personnes travaillant à faire fonctionner ce service.

Nous nous démarquons de cette démocratie participative mise à la mode - comme par hasard - à la veille des élections. Chrétiens progressistes, marxistes modernistes, et certains écologistes, ne vous proposent que d’améliorer l’information et la consultation des citoyens sur des décisions qu’ils auront déjà prises. L’utilisation du terme « gestion directe » indique clairement qu’il faut inverser complètement le processus d’élaboration des décisions afin que NOUS restions maîtres de notre avenir.

La gestion directe… Pour quoi faire ?

La participation à la gestion d’une commune n’a d’intérêt pour un citoyen que si elle transforme ses conditions d’existence. Gérer en commun une municipalité, alors que celle-ci conserve ses structures étatiques et les inégalités économiques, consisterait pour les citoyens à gérer eux-mêmes leur propre asservissement, leur propre misère. Ce qui caractérise les structures étatiques ce sont :

  • La hiérarchisation des responsabilités et des décisions.
  • L’assujettissement de tous à quelques-uns.
  • Les inégalités sociales et économiques.
  • L’existence d’une classe dirigeante privilégiée.

Demain, si dans la commune gérée directement, il reste des différences économiques ou sociales, il se reconstituera une nouvelle classe dirigeante, qui défendra par tous les moyens ses privilèges. Les anarchistes pensent contrairement aux marxistes avec leur période de transition, qu’il faut supprimer immédiatement tous les privilèges de classe sans exception.

Les citoyens se demandent ce qu’ils peuvent gagner à la gestion directe de leur commune. Ils pèsent les avantages et les inconvénients qui en résulteront pour eux et dont le principal est la responsabilité : c’est celui qui les fait le plus réfléchir car celle qu’ils assureront dans leur commune engagera celle de leurs conditions de vie.

Nous touchons ici au problème humain, celui des hommes et des femmes devant la responsabilité, celui de la quiétude qui résulte d’une certaine servilité, surtout lorsqu’elle s’assortit de conditions d’existence, morales et économiques, acceptables.
Il est possible d’avancer des raisons solides qui peuvent nous convaincre que les citoyens auraient intérêt à gérer eux-mêmes directement leur commune. Il y a la maîtrise de leur cadre de vie, de leur environnement ; une meilleure gestion des services au public, qui plutôt que d’être gérés en fonction de leur rentabilité financière ou électorale, le seraient réellement en fonction de leur utilité sociale déterminée par tous…

Agir au lieu d’élire

Nous ne pouvons pas nous contenter de dénoncer, de critiquer et d’émettre des principes, sans proposer des moyens concrets de mettre ces principes en œuvre.

Au niveau communal, il est possible d’organiser des contre-pouvoirs, en mettant en place des assemblées parallèles de citoyens élaborant des contre-propositions à la gestion municipale. Dès aujourd’hui nous nous battons pour :

  • Les transports gratuits pour tous ;
  • La gratuité de la santé de proximité ;
  • Un accès libre et gratuit à tous les espaces et services culturels (bibliothèque, salles de réunion, de répétition…) ;
  • La réquisition des logements vides et leur gestion directe par des représentants des habitants révocables ;
  • Le contrôle de tous les projets d’urbanisme par des comités transversaux et de quartiers révocables ;
  • Etc.

Nous pouvons aussi investir les réunions publiques des conseils municipaux issus du système électoral par des délégués révocables avec mandats impératifs, faisant valoir la volonté des habitants. Mais nous ne voulons pas reproduire l’erreur qui consisterait à se présenter sur les listes électorales pour se faire élire sans mandats impératifs et sans révocabilité, se serait essayer d’imposer nos principes par le haut.

Anarchistes, nous pensons que le seul pouvoir possible est celui de la base, et l’expérience nous a démontré que même les meilleurs d’entre nous ne peuvent exercer un pouvoir sur les autres sans se faire ronger et anéantir par celui-ci. Le pouvoir est maudit, c’est pourquoi nous sommes anarchistes !

Innover dans la continuité

Déjà les communes révolutionnaires qui nous ont précédées : Paris 1793 et 1871, Goulaï Polie 1917, Kronstadt 1921, Espagne 1936… se basant sur la gestion directe de la commune par ses citoyens, permirent l’éclosion d’idées d’organisation, que se soit sur le ravitaillement, la santé, l’éducation ou l’organisation du travail qui, si elles ont été pour la plupart reprises et accommodées par les dirigeants centralistes, n’ont pu dans le contexte étatiste, atteindre le degré d’efficacité qu’elles avaient dans ces communes. Ne citons entre autres que l’école publique laïque pour tous (Paris 1871), la réquisition et répartition des logements vacants (Kronstadt 1921), les systèmes de santé socialisés accessibles à tous (Espagne 1936)…

Tout cela nous montre que la gestion directe d’une commune, si ce n’est pas une idée nouvelle, c’est le moyen le plus efficace d’une politique dynamique portée vers l’avenir car conçue et appliquée par tous.

groupe Louise Michel