C’est une évidence, les propos tenus récemment par Robert Badinter au sujet de « l’absence de portée qu’il peut y avoir à maintenir Maurice Papon en prison à cet âge là » ne peuvent pas laisser indifférent.
Car enfin, quoi, si cet enfoiré de Papon avait été jugé plus tôt, le problème de son âge ne se serait pas posé ! Et puis comment éprouver ne fusse que trois onces de commisération pour ce fonctionnaire servile de la déportation des juifs bordelais et du massacre d’Algériens désarmés ?
Et, enfin, de quoi se mêle ce grand bourgeois rose dont l’humanisme militant se fait nettement moins disert quand il s’agit de tonner contre le quotidien de la justice de classe.
Bref, c’est peut dire que les propos de Robert Badinter n’ont pas du susciter beaucoup d’enthousiasme dans nos rangs.
Reste qu’une certaine Louise Michel, après avoir, le 22 janvier 1888, été victime d’une tentative d’assassinat, écrivait à la femme de son agresseur : « Soyez tranquille. Comme on ne peut admettre que votre mari ait agi avec discernement, il est par conséquent impossible qu’il ne vous soit pas rendu ? Ni mes amis ni les médecins ne cesseront de réclamer sa mise en liberté. Et si cela tardait trop, je retournerais au Havre et, cette fois ma conférence n’aurait d’autre but que d’obtenir cette mesure de justice ».
Qu’en 1936, en Espagne, à l’occasion de la plus grande révolution sociale de tous les temps, les anarchistes commencèrent par ouvrir en grand toutes les portes des prisons. Que je me suis éveillé à l’anarchisme en buvant les paroles d’un vieux maçon barcelonnais qui me racontait que son syndicat, la CNT, refusait de construire des prisons et n’hésitait pas à recourir à la grève quand il était demandé aux maçons de construire des lieux antisociaux. Et que les libertaires ont toujours dénoncé les différents lieux d’enfermement au motif qu’on ne résout pas un problème en se contentant d’en gérer les effets sans s’attaquer à ses causes.
Pas simple d’être anar !
Jean-Marc Raynaud