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Hypocrisie politicienne contre les licenciements

Boycott des yaourts, réquisition des profits !

Le jeudi 19 avril 2001.

Alors comme ça, les notables sentent la colère monter ces derniers temps et ils réclament à corps et à cris des mesures pour arrêter l’hémorragie des licenciements. Tout d’abord ils se sont emparés de l’idée du boycott légitime du point de vue des salariés et des consommateurs mais qui, somme toute, évite la critique radicale du fonctionnement de toutes les entreprises basé sur le credo « dégager du profit ». Et là résident toutes les limites d’un boycott aussi populaire soit-il.

Que Danone fasse les frais d’un boycott actuellement, cela laisse les anarchistes peu sensibles aux pleurnichements des actionnaires et de leurs acolytes, « cela fait du tort à la marque et va créer plus de licenciements que prévus », « cela va aider d’autres concurrents ». À noter que ces arguments sont repris dans les salons syndicaux notamment par Notat et Blondel. Si on écoute cette logique, il ne faudrait jamais rien faire car la grève aussi « porte atteinte à la viabilité de l’entreprise » et « favorise les concurrents ».

Pour les salariés de Danone, le boycott est un moyen d’associer la population à leurs revendications et de faire une pression supplémentaire sur le PDG. Et on ne peut que souhaiter sa réussite.

Mais à bien y réfléchir, un boycott laisse un arrière-goût de « capitalisme à visage humain » très cher aux dirigeants quand il s’agit de protéger leurs intérêts de classe. Danone serait le vilain pas beau dans le pays des marchands de yaourts. Cela sous-entend que les autres entreprises sont des exemples et qu’elles ont su faire autrement. Regardez Nestlé ou BSN ! Euh ! pour BSN c’est pas le meilleur exemple : fermeture totale des Verreries (200 ans d’âge) à Givors (69) soit plus de 300 licenciements directs et près de 1 000 en comptant les sous-traitants. Luttes en perspectives !

Gesticulations contre les licenciements

Les politiciens découvrent maintenant que de grosses entreprises exagèrent et qu’il faudrait freiner leurs ardeurs à licencier en prenant des mesures. Tiens donc ! Comme si les licenciements, les délocalisations et toutes les restructurations capitalistes démarraient aujourd’hui avec Danone et Mark & Spencer. Belle hypocrisie !

L’ex-ministre Chevènement est monté au créneau (lui qui n’a pas rechigné lors des licenciements massifs d’Alsthom à Belfort) le premier secrétaire du PS François Hollande est allé dans le même sens tout en précisant qu’il « ne fallait pas penser que nous allions tout cadenasser… il ne faut pas que les entreprises, lorsqu’elles font des profits soient dissuadées ».

Même Madelin s’est prononcé pour le « zéro licenciement » dans des entreprises qui font du profit (encore une hausse du baromètre social et Madelin devient trotskiste !). Certains dans la « gauche socialiste » reparlent de faire réapparaître la fameuse « autorisation administrative de licenciement » (supprimée en 1986) qui n’avait d’ailleurs servi qu’à autoriser des milliers de licenciements notamment dans la sidérurgie.

Jospin promet en guise de conclusion une mesure législative urgente en mai qui visera à « mieux encadrer la procédure des plans sociaux » lorsqu’une entreprise réalise des profits et « de rendre plus coûteuses les décisions de supprimer des emplois ».

Quand on sait le pognon mis de côté par les grandes entreprises pour réaliser des plans « sociaux » ou d’autres manœuvres (fusions, rachats, OPA) et celui demandé à l’Etat pour payer les préretraites par exemple, il est clair que ces mesurettes seront d’une grande efficacité.

Patronat et gouvernement contre les grévistes et pour la liberté de licencier

Pendant ce temps, une offensive bien plus importante se mène sur le terrain de la privatisation des services publics. Les grèves à la SNCF sont là pour le rappeler. Car il s’agit bien là de casser le statut des cheminots donc de pouvoir gérer la SNCF comme une entreprise à yaourts : virer le personnel quand on veut mettre en concurrence plusieurs sociétés de trains (voir ce qui s’est déjà fait dans le transport par avion et les actuels licenciements d’AOM) et généraliser les emplois précaires déjà bien présents.
Et là, toutes les forces ont été employées par le gouvernement, le patronat et ses valets. La presse et les télés ont répandu leurs traditionnels refrains anti-grévistes en montrant des usagers en colère contre les cheminots. Les grandes centrales syndicales ont vite enterré un mouvement qui leur semblait trop dur Dès le début la direction de la CGT était défavorable à la poursuite et à l’extension de la grève à tous les secteurs de la SNCF. Elle sera aidée bien entendu par la direction de la CFDT pour militer contre la grève.

Le patron Gallois a déclaré une pause pour permettre au « Conseil d’administration de la SNCF […] de confirmer le caractère intègre et public de l’entreprise » et il a annoncé 1 000 emplois nets supplémentaires d’ici la fin de l’année. Une pause à la SNCF ? Pas pour longtemps.

Bonne nouvelle : les chauffeurs de bus se mettent de nouveau en grève pour la retraite à 55 ans dans plusieurs villes du pays. Ceux qui se battent ont raison car ils n’acceptent pas la domination des affairistes qui créent la misère et ils montrent le chemin qui reste à franchir pour un jour autogérer tous les moyens de production, d’échanges et de circulation.

Manu. — groupe Déjacque (Lyon)