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éditorial du nº 1216

Le jeudi 12 octobre 2000.

Cela fait deux semaines que l’on nous serine sur les énormes bouleversements en Serbie où la Révolution serait en marche.
Quand les gens décident enfin de prendre leurs affaires en main, on peut parler de processus révolutionnaire. Mais est-ce vraiment ce qui se passe en Serbie ? L’Opposition serbe est un ramassis de nationalistes de tous poils, des plus extrémistes aux plus modérés et l’alliance qui les a réunis aura bien du mal à éviter les conflits internes, voir à ne pas imploser. Seuls les pays qui ont, ou souhaitent avoir, des intérêts financiers dans les Balkans, applaudissent des deux mains. La population bosniaque ne se fait pas d’illusions, les kosovars itou, car les nationalismes locaux restent toujours aussi exacerbés.

Nous ne saurons jamais les probables dessous de table qui ont pu inciter Milosevic à se retirer aussi facilement. Bien sûr, il ne perd pas tout pouvoir car son parti reste majoritaire au parlement. L’État serbe part donc sur une joyeuse cohabitation entre frères soi-disant ennemis. Un interlocuteur privilégié vient remplacer celui qui était devenu trop incontrôlable. Mais il a sans doute fallu négocier serré pour qu’il accepte de se retirer sans effusion de sang. Il est certain que ce n’est pas la seule action de la population serbe qui est responsable de son départ. Ce sont aussi les exigences économiques de l’Europe qui envisage sérieusement son extension à l’Est et qui ont ainsi pu trouver une heureuse combinaison, avant que la situation ne s’enflamme. Les médias bien pensants ont beau nous marteler l’inverse à longueur de journée, atteignant la limite du message subliminal, ce n’est pas une révolution qui s’est opérée, juste une évolution.

Bien que nous comprenions le soulagement de la population, il ne faut pas se leurrer : une révolution ne se fait pas en deux jours, ni en deux ans. Changer les têtes dirigeantes, ce n’est pas changer la société. Pendant que le matraquage médiatique fait son office, dans d’autres pays, des gens se battent pour leurs droits, pour leur vie. Et ce n’est pas une force armée plus que conciliante qu’il trouve en face d’eux, ce sont des tanks et des fusils. La presse ne nous a pas dit un mot de la situation en Bolivie (voir ML nº 1215), alors que ce qui s’y passe est bien plus révolutionnaire. Il n’y a pas qu’en Yougoslavie qu’on trouve des dictatures. Et les militants qui se battent pour arracher un peu de liberté n’ont rien à attendre de l’assentiment des médias officiels.