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éditorial du nº 1213

Le jeudi 21 septembre 2000.

Il paraît qu’aujourd’hui, la croissance économique est au beau fixe et que tout le monde en profite. Il paraît qu’aujourd’hui, la gauche, grâce à Martine Aubry, a promulgué assez de « lois sociales » pour que nous ayons tous accès au logement, à la santé et au marché du travail. Il paraît que ceux qui ne trouvent pas de travail sont des paresseux qui préfèrent vivre de l’assistanat.
Pourtant, il y a toujours des pauvres et des riches, des bourgeois et des prolétaires. Il y a ceux qui ont les moyens de s’offrir ce dont ils ont besoin, et ceux qui bataillent. L’égalité des chances n’existe que pour ceux qui partent avec une grosse chance sur leur compte en banque dès le départ. Les fils d’ouvrier-e-s et d’employé-e-s finissent rarement cadre ou médecin, et l’enfant de patron aura beau raté ses études, il ne finira pas en CES ou en emploi-jeune.

Toutes les mesures d’une gauche gouvernementale élevée dans la soie ne peuvent rien y changer. Tant qu’on ne s’attaque qu’aux conséquences d’un système économique producteur de misère, aucun véritable changement n’est envisageable. Vouloir nous faire croire le contraire, c’est se foutre de nous. Et même les rapports officiels le confirment…

Un rapport de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) paru en septembre 2000 montre qu’aujourd’hui encore les cadres et les professions libérales sont mieux soignés que les ouvriers et gens de service : Ils vivent plus longtemps, ont moins de cancers, moins de caries, moins d’accidents de la route… Et ce n’est pas la Couverture médicale universelle qui pourra y changer quelque chose : quand on se tue au travail, c’est le travail qu’il faut remettre en question, pas la visite médicale.
Il en va de même pour le travail des jeunes : ce sont les diplômé-e-s des grandes écoles et les universitaires à bac +5 qui profitent d’emplois en CDI dès la fin de leur cursus. Or, au prix des études, on sait bien qu’ils ne sont pas enfants d’employé-e-s ou d’ouvrier-e-s. Pour ceux qui sont peu ou pas qualifiés, la gauche à mis en place le programme TRACE (Traçabilité d’accès à l’emploi). À la fin 1999, la moitié des inscrits sont encore en recherche d’emploi. Ceux qui ont trouvé (29 %) sont surtout employés en CES ou en emploi-jeune.

Alors, quand aujourd’hui on nous parle de la possibilité de chacun de créer son emploi et de bénéficier de la super croissance, il faut bien voir que ce chacun ne nous concerne pas tous. Il s’adresse aux plus favorisés qui disposent déjà d’un capital économique et relationnel dés le départ. Ceux-là peuvent créer leur propre entreprise pour devenir un patron des temps modernes, exploitant autant que ceux qui les ont précédés. Pour les autres, ils peuvent toujours se réjouir que chacun ne paie plus la vignette auto, et que chacun paie l’essence plus chère. Dommage que chacun n’ait pas la même voiture ni le même budget…