Les acquis contre l’État ou la société patriarcale n’étant jamais donnés, il a bien fallu se battre. Premier groupe médiatisé issu des luttes féministes : le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR). Premier groupe mixte mais qui ne le restera pas longtemps. Etre homosexuel-le ne dispense pas de comportements patriarcaux. Le sexisme du mouvement homosexuel masculin modifie le sens du mot « gay » valable au départ pour les deux sexes.
Aujourd’hui, les lesbiennes rajoutent le mot « lesbienne » partout afin de briser cette autre chape de silence. Comme il n’est pas question de déserter le terrain militant, revendicatif, d’autres groupes se forment en non mixité. Elles revendiquent la liberté de vivre, revendication commune à toutes les autres femmes et surtout de vivre avec la fierté lesbienne. Non qu’elles soient fières de leurs pratiques sexuelles mais fières plutôt que honteuses, sous le soleil plutôt que dans le placard, aimées-aimantes plutôt que traquées.
Les lesbiennes se sont aussi groupées sous la banière du féminisme en général. Dans les groupes MLF, bon nombre de lesbiennes étaient engagées, notamment dans la lutte contre le viol. Au-delà des deux personnes (au moins) concernées par l’acte de viol, d’autres forces sont en jeu. Les travaux d’analyse des enjeux d’un viol montrent qu’il s’agit d’un acte patriarcal servant une stratégie de soumission. La menace d’un viol crée chez les femmes ou les personnes assimilées un climat de terreur quotidienne, les convainc de leur statut de proie universelle (en tous lieux, en tous temps) et de leur culpabilité. Cette menace, entre autres, permet d’obtenir entre les hommes un lieu de complicité potentielle : « je profite des avantages du patriarcat, toi aussi. Nous sommes liés par cette communauté d’avantages et de privilèges obtenue en se conformant ». Cette analyse poussée très loin a abouti à la campagne « Cet homme est un homme, cet homme est un violeur. » Elle a été ressentie comme extrêmement provocatrice et injuste. Or, plus personne ne nie aujourd’hui, que 90 % des violences sexuelles se déroulent dans le cadre familial et touchent près d’une femme sur deux et peut-être un homme sur trois. Les hommes sur le banc des accusés ont une tête de monsieur « tout le monde »…
La fin des années 70 a vu l’essouflement des groupes MLF dû à l’épuisement des militantes. Ces groupes avaient ouvert des lieux de femmes qui ont été maintenus quelques temps le plus souvent grâce à l’implication des lesbiennes. Dans l’après 1981, les groupes féministes « généralistes » ont été remplacés par des groupes de lesbiennes politiques dites radicales, occupées à faire valoir leur droit à la différence, le libre choix de leur sexualité contre un ordre moral hétérosexuel et patriarcal. Par leurs critiques sans concession du système hétéropatriarcal, elles fournissent des études et des écrits essentiels pour les luttes des femmes et des hommes contre le patraircat. Elles font partie à part entière des groupes féministes reconstitués dans les années 90.
Anne et Elisa (Bruxelles)