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« L’Affaire Ferrer » Best Francine, Bianco René, Boscus Alain, Brémand Nathalie, Cazals Rémy, Faury Jean, Lalouette Jacqueline, Rébérioux Madeleine, Sola Pere

Le jeudi 4 mars 1999.

Les actes du Colloque réalisé le 14 octobre 1989, actes qui portaient sur « Les Expériences libertaires en France en matière d’éducation au début du siècle », ont été publiés avec le concours du Conseil régional de Midi-Pyrénées et du Conseil général du Tarn.

Cette remarque ne doit pas gâcher notre plaisir, celui de prendre connaissance des diverses contributions au Colloque, le plus souvent fort remarquables, mais doit nous fournir la distance nécessaire au moment de découvrir Francisco Ferrer, présenté ici comme un militant de l’anticléricalisme, incontestablement libertaire… et certainement précurseur de l’éducation alternative, moderne, novatrice et ancrée dans la libre pensée… Le titre du livre L’affaire Ferrer me semble aller dans le sens de la réserve (bien légère au demeurant) que j’ai signalée.

Pere Sola, Nathalie Brémand et René Bianco fournissent ici les matériaux essentiels à la compréhension de ce que fut la vie, l’engagement et l’action de Francisco Ferrer y Guardia. Les autres contributions, si elles complètent de manière intéressante ce triptyque, nous renseignent plus sur l’appréciation des socialistes, des radicaux et de leur presse respective au moment de l’« affaire Ferrer », que sur son ancrage anarchiste proprement dit.

Ferrer est né il y a 130 ans et a été assassiné il y a 90 ans, au tout début de notre siècle. Précurseur d’une éducation rationaliste, solidaire, égalitariste, de fait libertaire et révolutionnaire, Ferrer fut influencé par les expériences de Paul Robin, Sébastien Faure et par les enseignements des penseurs et hommes d’action modernes, Reclus, Kropotkine, Bakounine, Pi y Margall, Pelloutier etc. Comme l’a écrit P. Sola, « il est impossible de comprendre Ferrer sans se référer à la base sociale qui soutient son action, c’est-à-dire sans analyser la praxis de l’anarcho-syndicalisme et, à certain degré, de la social démocratie, contemporaine et… postérieure »…

L’établissement du communisme libertaire, de manière pacifique, graduelle, assumée se fera, selon Ferrer, par l’entremise de l’École Moderne, rénovée. En cela il a poursuivi l’œuvre de Robin qui fonda une école dans laquelle, nous dit Nathalie Brémand « les rapports entre les individus seront basés sur le principe de liberté, principe fondamental. Plus d’autorité dans cette école ouverte […] La vie sociale des enfants [y] sera organisé sur la base de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie directe [… Une] école [qui] est bien une micro-société libertaire… ».

René Bianco nous rappelle du reste que Ferrer fut aussi un journaliste « anarchiste » tant il contribua aux journaux et périodiques qui se réclamaient de ce courant d’idée.

Francisco Ferrer fut assassiné en 1909, à la suite des événements tragiques de Barcelone, parce qu’il représentait, symboliquement et pratiquement, la négation de la société capitaliste et étatique dans laquelle il vivait. Parce qu’il dénonçait avec vigueur le rôle des Religions et des Églises dans l’entreprise d’aliénation humaine. Parce qu’il rêvait de l’avènement d’un monde débarrassé de tout ce qui était inégalitaire, liberticide et haïssable et, ce faisant, qu’il était totalement solidaire des actions menées par le prolétariat conscient contre toutes les sources de l’exploitation et de l’aliénation : la CGT syndicaliste révolutionnaire en France, la CNT libertaire naissante en Espagne… et toutes les forces libertaires qui luttaient de par le monde.

Pour finir, je signalerai une dimension d’une des interventions du colloque, celle de Jean Faury, intéressante dans le sens où elle nous fait découvrir avec l’« affaire Ferrer » « l’émergence de l’usage moderne de la manifestation » y compris avec l’intégration des caravanes de véhicules…

Un livre à lire pour se faire une idée de ce que fut à l’origine notre siècle aujourd’hui finissant.

Edward Sarboni — groupe Puig Antich (Perpignan)


Édition du Centre National et Musée Jean-Jaurès, 206 pages, 85 FF.