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Pour un collectif antisexiste

Le jeudi 6 avril 2000.

Depuis des mois, partout dans le monde est préparée la Marche mondiale des femmes. Des initiatives importantes se préparent : une manifestation à Paris, le 17 juin, et une manifestation européenne à Bruxelles le 14 octobre 2000. Cette marche, dont l’initiative revient à la Fédération des femmes du Québec, entend lutter « contre la pauvreté et contre les violences qui frappent les femmes ». Pour nous, il s’agit d’aller plus loin et de dénoncer à la fois la logique capitaliste en |uvre et l’oppression patriarcale, ainsi que toutes les formes d’oppression dont sont victimes les femmes. Nous estimons que la lutte pour l’émancipation des femmes est indissociable des luttes que nous menons. Nous, inscrit-e-s dans le mouvement des sans (sans papiers, sans logement ou mal logés, chômeurs et précaires, sans droits, voulons une société débarrassée de toute oppression.

Le patriarcat est un système où le pouvoir politique, économique, social et sexuel est organisé par et pour les hommes. Il se caractérise par la mise sous tutelle, la dépendance, la discrimination et l’oppression des femmes (et des hommes qui ne correspondent pas aux schémas du « mâle dominant »). Ce système s’insinue jusque dans l’inconscient collectif féminin et masculin et conditionne jusqu’à nos comportements les plus courants et les plus intimes.

Le patriarcat, c’est l’oppression des femmes

Ainsi les rôles sont définis par le sexe. « Esclaves domestiques », les femmes sont confinées à l’intérieur, tandis que la vie publique est réservée aux hommes. Cette répartition des rôles est conditionnée par l’éducation (jouets ménagers pour les petites filles, jouets guerriers pour les garçons). C’est l’apprentissage de la passivité, de la séduction, de la soumission systématique pour les petites filles ; c’est l’apprentissage de la compétitivité et de l’agressivité, de la force physique obligatoire pour les petits garçons. Les inégalités se perpétuent au long de la scolarité puisque ce sont majoritairement les garçons qui font des études longues et suivent des filières scientifiques (évidemment les filières les plus valorisées).

Un des premiers principes du patriarcat est la notion de chef de famille chère à nos administrations… Cet enfermement des femmes dans le statut de « personne à charge » conduit à la négation systématique de leur personnalité propre, de leurs désirs, de leur projets, confondus dans ceux de leur père, conjoint, frère. La logique patriarcale du « chef » de famille justifie aussi la violence conjugale qu’elle soit psychologique ou physique, le viol conjugal, l’inceste…

Le patriarcat, l’ordre moral dépossèdent les femmes de leur propre corps et de leur individualité. Elles sont dans l’obligation de correspondre à un certain nombre de normes physiques et comportementales (beauté, minceur, douceur, élégance…), elles continuent à subir des grossesses non désirées, à voir leur sexualité codifiée (un partenaire exclusif, mâle obligatoirement). A fortiori, le lesbianisme, en ce qu’il exclut l’allégeance à un homme, représente une transgression aux règles patriarcales souvent chèrement payée. Dans la même logique, l’appropriation du corps des femmes peut aller jusqu’à des mutilations sexuelles telles l’excision ou jusqu’à la mise à mort.

Contraintes d’appartenir à un homme, les femmes n’existent pas en tant que sujet et l’on peut donc disposer d’elles comme d’un objet. Un objet que l’on peut mater, que l’on peut siffler, que l’on peut toucher… Toute femme est donc en situation d’insécurité permanente.

La précarité c’est d’abord pour les femmes

À l’oppression patriarcale s’ajoute l’oppression capitaliste. C’est parce que l’on considère encore les femmes comme des mères et des ménagères avant tout qu’on les estime moins disponibles et moins performantes. Ainsi se perpétuent les discriminations à l’embauche, les différences de salaire à travail égal, les temps partiels imposés, le confinement dans les postes subalternes et dans certains secteurs d’emploi. Si certains métiers leur sont interdits, les emplois qui leur sont réservés sont dévalorisés (ménage, secrétariat, enfance). Ainsi la majorité des smicards sont des smicardes, tout comme la majorité des chômeurs sont des chômeuses, souvent non rémunérées.

La précarité touche plus les femmes que les hommes, ils et elles ne sont pas égaux même devant le revenu minimum. Rappelons que la CAF ne reconnait par couple et par famille qu’un seul allocataire : l’homme dans presque tous les cas. Ce qui est un obstacle évident à l’autonomie économique et sociale des femmes. La politique de l’allocataire unique permet des économies qui peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Financièrement dépendantes, les femmes n’ont guère de moyens de se soustraire à la violence conjugale. Les femmes sans papiers sont encore plus victimes de la précarité. Soumises au travail clandestin (de l’exploitation à l’esclavage sexuel), elles ne peuvent faire valoir aucun droit.Dans l’attaque contre les services de santé publique, les droits et les besoins spécifiques des femmes sont une des premières cibles.

Le patriarcat s’approprie le corps des femmes, le capitalisme le met en vente. La publicité utilise l’image des femmes, souvent de façon dégradante pour faire vendre ou les assimile à un bien de consommation. Dans le cas de la pornographie ou de la prostitution, les femmes deviennent littéralement des marchandises.

Les promesses des politiques, les mesurettes sur l’exclusion et la précarité, ou encore les discussions sur la parité sont loin de satisfaire des revendications que seule la lutte permettra de faire aboutir.

Collectif des sans — Lille


Contre

La précarisation croissante des femmes (temps partiel imposé, bas salaire, philosophie du retour au foyer) ; la double oppression dont sont victimes les femmes sans-papiers ; les mauvais remboursements des soins spécifiques (pilule, dépistage des cancers, fermeture des centres IVG) ; les violences quotidiennes (professionnelles, familiales…) ; la lesbophobie et l’homophobie ; l’exploitation et la marchandisation de l’image et du corps des femmes ; l’invisibilité de la contribution sociale des femmes ; l’enfermement des femmes (carcan moral et familial) ; les discriminations sexistes dans l’orientation scolaire et professionnelle.

Pour

L’égalité économique et sociale (un revenu décent, individuel pour toutes et tous avec ou sans travail) ; la liberté de circulation pour toutes et tous ; le droit d’asile pour les femmes fuyant les violences patriarcales (mariage forcé, mutilations sexuelles…) ; la contraception, l’avortement libre et gratuit quels que soient l’âge et la nationalité ; l’accès libre et gratuit aux soins médicaux (notamment gynécologiques) ; un rapport égalitaire entre les sexes ; une éducation non sexiste ; un développement des équipements collectifs (notamment pour les enfants) ; le droit au logement ; la liberté politique et syndicale.