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Musique dans le Nord

Le groupe « Utopia » lutte pour une chanson de combat

Le jeudi 29 mars 1979.

Toute la jeunesse n’est pas embarquée dans la consommation forcenée du disco. En effet, beaucoup de jeunes découvrent ou redécouvrent la chanson de combat : Léo Ferré, Bernard Lavilliers, Jacques Higelin, Henri Tachan… Non seulement ils écoutent, mais encore ils créent eux-mêmes. De tous les jeunes qui grattent des guitares émergent parfois des groupes musicaux qui se montent peu à peu malgré les obstacles financiers et techniques.

Ainsi le groupe Utopia en plein pays minier du Nord commence à se faire connaître. Ils nous ont contacté et nous sommes allés les voir jouer. Ils sont quatre pour le moment, sans batteur ni claviers. Ils ont déjà monté eux-mêmes une bonne sonorisation. Sur le plan musical, le groupe, qui n’a qu’un an d’existence, peut encore gagner beaucoup.

Mais le choc du spectacle d’Utopia, ce sont les textes. Outre la reprise de chansons connues, principalement de Lavilliers, le groupe écrit ses propre chansons dans une veine nettement libertaire. « La cité radieuse » est une peinture du bonheur concentrationnaire qui nous guette. Le boulot n’échappe pas à leur critique, mais les vacances non plus : « onze mois de galère pour un mois de croisière » disent-ils ! Leurs paroles sont autant de pavés. Ils dénoncent l’armée d’où un engagé s’évade, l’exploitation par la presse quotidienne du fait divers sanglant, le fan qui sait toutes les modes imposées par le fric… Comme pour Lavilliers, la musique n’est pas un simple support, elle secoue véritablement le public.

Nous les avons interviewés. Ils bossent tous en dehors du groupe et pour des amateurs, le travail à fournir pour un groupe est considérable. Ils ont déjà joué en première partie de Tachan à Lens, à Lille pour le Larzac, et beaucoup dans le bassin minier. Ils joueraient bien pour la FA. Se sentent-ils anarchistes « Anarchisant » pour l’un qui écrit une chanson sur le pape en ce moment. Un autre « ne sait pas ce qu’il est » mais il écrit ses chansons d’un trait par réaction à un fait particulier. Ils ne se sentent pas militants et s’ils sont libertaires c’est presque naturellement.

On ne peut que soutenir le droit pour la jeunesse de créer et d’imposer sa musique en dehors des circuits commerciaux. Car Utopia n’est pas un phénomène isolé. De ce combat culturel jailli presque toujours une expression libertaire. Militante ou non, c’est toujours un coup de balai salutaire.

J.M.D. (Lille)