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Antifascisme

Violences fascistes à Lille

Le jeudi 14 septembre 1989.

Pendant trois jours se tient chaque année la braderie de Lille ; plusieurs millions de personnes viennent regarder, acheter, fouiller… Trois jours de fête habituellement ; mais ce dimanche 3 septembre, vers 22 h, les skinheads agressent violemment le stand du SCALP (Section carrément anti-Le Pen) situé Porte-de-Paris, en face du stand du groupe Humeurs-Noires de la Fédération anarchiste et à deux pas de la mairie et du commissariat central.

Action éclair et militaire

Armés de battes de base-ball, de gaz lacrymogènes et paralysants, une quinzaine d’individus de Troisième voie, du GUD [1] et du MNR [2] de la région, renforcés par des skins parisiens, attaquent le stand du SCALP. Alors qu’un premier groupe attire l’attention des militants à gauche du stand, le gros de la troupe en profite pour détruire et frapper par la droite. Cris de guerre, pluie de gaz et coups de battes atteignent militants et badauds, parmi lesquels des enfants. Après quelques minutes d’une violence inouïe, les agresseurs se retirent du champ de bataille tout aussi militairement.

Une militante du MRAP a été violemment projetée contre un mur et deux personnes du SCALP seront quant à elles plus sérieusement touchées et admises aux urgences (nez cassé, traumatisme crânien, contusions diverses). Deux skins blessés se sont également présentés au CHR, mais ils ont préféré fuir quand on leur a demandé de décliner leur identité.

Quinze minutes après l’attaque, un des fascistes, Pascal Everaert (38 ans), revient sur les lieux… pour constater les dégâts ? Maîtrisé par les militants, puis interpelé par la police, il sera relâché le lundi 4 septembre dans l’après-midi.

D’autres violences ont eu lieu au cours de cette braderie : contre un pasteur (responsable d’un lieu d’accueil pour les « sans domicile fixe »), contre des Noirs et un jeune Magrébin. Sept autres skins sont alors interpelés et tous relâchés rapidement.

Cette violence était prévisible sans que nous y croyions vraiment. Troisième voie et le MNR tenaient un stand sur la braderie et présentaient des revues (Choc du mois, Cœur de lion, etc.), des affiches (« Ni trust ni soviet »), etc. Une quinzaine de skins en tenue de combat montaient la garde auprès de leurs stands ; des provocations orales envers le SCALP avaient déjà eu lieu, mais comment prévoir qu’ils opéreraient leur coup de force au milieu de la foule à une heure de grande affluence ? Tous ces signes avant-coureurs étaient monnaie courante lors des diverses manifestations publiques lilloises, mais
l’attaque préméditée, organisée et hyper-violente, est une première et situe d’ores et déjà le débat antifasciste sur un autre plan.

Dos à dos ?

Le dimanche soir, au commissariat, les dépositions et les témoins étaient reçus au compte-gouttes, certains même refusés. Avec une certaine agressivité, et assez contents de voir skins et antifascistes se battre dans la rue, les flics renvoyaient dos à dos les protagonistes. « Les extrêmes qui se rejoignent dans la violence » est une idée qui a la vie dure ! En criminalisant les militants antifascistes, l’ordre républicain aimerait faire disparaître un mouvement gênant. À qui profite la montée du fascisme ?

Maurois, de son côté, a joué la carte de l’humanisme en s’indignant, par journaux locaux interposés, des actions fascistes et promettant de tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise plus… bla-bla-bla. Le maire de Lille semble découvrir les pratiques des skins. Pourtant, l’année dernière, un jeune homme a été tué dans un parc, une étudiante a été défenestrée à la fac, les agressions visant dans la rue les immigrés se sont multipliées.

Ces manifestations de violence, jadis marginales et ponctuelles, deviennent de plus en plus fréquen-tes et ne se limitent malheureusement pas à la métropole lilloise. Ces mêmes skins sont intervenus à Rouen, Eleu (cimetière juif), en Belgique… Au-delà du discours et de la sensibilisation antifascistes, primordiaux et toujours nécessaires, il semble à présent urgent de se poser la question d’une organisation et d’une riposte plus fermes (cf. les zoulous à Paris).

Gr. Humeurs-Noires de Lille


Communiqué

La Fédération anarchiste se joint à l’appel du SCALP pour la tenur d’une manifestation de protestation contre les violences des fascistes commises en toute impunité, un an exactement après la mort de Patrick Le Mauff, assassiné à Lille par les skinheads. Cette manifestation aura lieu à Lille le 30 septembre 1989, à 16 h, à la Grande-Place.

Fédération anarchiste


[1GUD : Groupe union défense

[2MNR : Mouvement nationaliste révolutionnaire