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Note de lecture

« Chateau-Lyre »

Le jeudi 14 septembre 1989.

La mort d’André Breton a-t-elle entraîné la disparition du surréalisme, comme certains le prétendent ? La question est régulièrement posée, et nulle réponse satisfaisante n’a encore été apportée. Il faut pourtant reconnaître que le surréalisme continue de susciter nombre d’articles, de débats, d’expositions.... Et que si n’existe plus, de façon formelle, un mouvement se réclamant de cette tradition, il subsiste néanmoins, au sein de la littérature, un état d’esprit similaire.

Pour preuve, la parution d’une nouvelle revue : Le Chateau-Lyre, sous-titrée « Imaginaire-critique ». Au sommaire, des signatures rencontrées dans diverses revues littéraires auparavant (entre autres dans La Crécelle noire et dans Camouflage) : Pierre Peuchmaurd, Esther Moisa, Guy Girard, Patrice Uhl, Jimmy Gladiator, etc.

Le numéro est copieux, et se laisse lire sans déplaisir, mais semble par trop inégal. L’article faisant suite à l’éditorial risque de rebuter quelques lecteurs, par son style particulièrement pesant et contraire, d’ailleurs, à ce que préconisaient les surréalistes : à savoir l’emploi d’un vocabulaire riche, foisonnant, mais également fluide, d’une grande clarté. En d’autres termes, pourquoi s’efforcer de ne pas être compris par les lecteurs, lorsque l’on publie un article ? (Relevons cependant, dans cet article, cette définition : « L’utopie, la seule position politique de la poésie, avec l’émeute ! »).

En dépit de cette réserve, ce premier numéro du Chateau-Lyre est plutôt prometteur. La rubrique de Jimmy Gladiator, consacrée à l’actualité (« Qui, encore, élève les corbeaux ») est d’une impertinence salutaire. Au hasard, notons cette singulière comparaison : « Ces vessies (l’incurable saleté de la connerie, l’enculable retard des Belles-Lettres) sont à nos lanternes ce que les colonnes de Buren sont à la colonne Durruti. » L’ensemble de l’article est rédigé sur le même ton, ce qui nous change bien du ronron habituel de la plupart de nos gazettes…

Quant à l’éditorial, véritable manifeste fleurant bon le beau temps des déclarations surréalistes, il ne peut que nous inciter à guetter la parution du second numéro de cette revue : « Balancée entre précarité et puissance, fatalement “critiques”, l’expérience poétique défie tous les intégrismes et l’odieuse mêlée de la foi et de la loi, le dogmatisme comme l’humanisme. »

Thierry Maricourt


Le Chateau-Lyre, BP nº 116, 75262 Paris cedex 06 (le numéro, 65 F ; l’abonnement pour un an : 200 F).