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éditorial du nº 1190

Le jeudi 27 janvier 2000.

« C’est un tueur, un ogre, un carnassier doté d’un instinct de chasseur », d’ailleurs « Crocodile Claude » est son surnom. Qui est-ce ? Sûrement encore un de ces « sauvageons » qui sème la terreur dans son établissement scolaire ? Point du tout. Il s’agit d’un patron, Claude Bébéar, adulé parce qu’il a réussit à bâtir un empire, Axa, premier assureur mondial, sur le dos des employés. Lorsque Allègre parle de « plaie de notre société », cela ne concerne pas le capitalisme mais la violence scolaire bien entendu. La stratégie des puissants, appuyée par bon nombre de chercheurs en sciences sociales, consiste à occulter la responsabilité du système économique dans la prolifération des violences qui rythment la vie des écoles. D’où la présentation, jeudi 27 janvier, par le gouvernement d’un énième plan anti-violence censé enrayer les agressions, vols, rackets et autres « incivilités » commises par les adolescents comme si le chômage, la précarité et la misère que nous imposent la racaille de patrons et gouvernants n’y étaient pour rien.

Pour la gauche qui a perdu ses complexes en matière sécuritaire, pas un acte de violence ou d’incivilité ne doit rester impuni. Ainsi, le dernier conseil de sécurité intérieure encourage les procureurs à incarcérer les mineurs de moins de 16 ans. Mais là où le matraquage idéologique nous somme de voir des incivilités, nous apercevons en réalité l’indocilité d’une jeunesse sans travail, sans qualification et sans avenir. À défaut de pouvoir changer la société, il ne reste plus qu’à la détruire et l’école fait partie de ces institutions qui représentent l’ordre et qui est la première à les rejeter en leur inculquant de plus en plus tôt leur inutilité sociale. Quand il n’y a plus rien à perdre ou à attendre, la violence ne peut que se retourner contre la société toute entière.

Personne ne doute que la rage des nouvelles générations s’amplifiera. L’État le sait. D’année en année, il accumule les dispositifs de pacification sociale destinés à accueillir les flots grandissants de population que les patrons jettent à la rue. Il peut compter sur des syndicats obéissants comme le SNES-FSU, principal syndicat des enseignants du second degré, qui considère que les mesures du plan de lutte contre la violence « ne peuvent se concevoir sans être accompagnées d’une meilleure prise en charge, notamment par la politique de la ville » de ces populations. Lorsque les syndicats en viennent à réclamer un renforcement du contrôle social des quartiers, ceux-ci ne devront pas s’étonner, qu’un jour ou l’autre, les jeunes sous prolos s’en prennent à eux.