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Ces GJ isolés qui en veulent aux homos !

[Gilets Jaunes]
mai 2019.

Il m’est arrivé une histoire fin novembre sur un rond-point de l’entrée d’Auxerre que je pense nécessaire d’envoyer au Monde libertaire pour contrebalancer, hélas, l’élan parfois trop euphorique de certaines personnes sur le mouvement des Gilets Jaunes.

Avant donc de me rendre à Auxerre, ce jour-là, j’avais lu dans la presse que des homos avaient été agressés par des gilets jaunes. Tel par exemple Raphaël Duret, conseiller municipal de Bourg-en-Bresse qui a été victime d’une violente agression le 17 novembre tandis qu’il se rendait à l’hypermarché Leclerc de la ville. Ayant été reconnu par un manifestant, ce dernier avait lancé, « C’est un pédé, je le reconnais » et d’autres gilets jaunes avaient alors tenté de l’arracher ainsi que son ami, de leur siège de voiture (coups de poings, coups de pieds…). Sur les conseils de SOS Homophobie, Raphaël Duret a décidé de porter plainte.

Je me suis dit, à peu près comme tout à un chacun, « Bon, après tout c’est une exception. » Et je continuais à penser que le mouvement des gilets jaunes avait l’avantage de rassembler pour une fois à peu près toutes les composantes sociales, tous ceux qui en ont ras-le-bol de la précarité et surtout d’être pris pour des derniers de cordée… À penser que sur certains rassemblements, les échanges étaient plus que positifs et que les initiatives d’autogestion et d’organisation non pyramidales étaient des plus prometteuses. Mais, la presse indépendante a rapporté d’autres débordements racistes et sexistes. Là, j’étais encore perplexe et je me disais que lorsque ce serait le cas, les personnes témoins de tels agissements feraient comme les gilets jaunes d’Avallon (Bourgogne) et foutraient dehors les éléments racistes, sexistes et plus ou moins ouvertement d’extrême-droite. Et cela s’est très bien passé à Avallon : les infiltrés du GUD et du Bastion social se sont fait sortir.

Quelques jours plus tard, donc, je me rendais justement en Bourgogne, à Auxerre en voiture de location pour aller rendre visite à une personne en EHPAD. Au rond-point à la sortie de l’autoroute, nous sommes arrêtés, mon compagnon, sa sœur et moi par des gilets jaunes. Ils étaient une dizaine. Une seule femme et le reste de gros bras au look particulièrement agressif, mais comme je n’ai jamais jugé personne sur son apparence physique, je m’arrête, quand même un peu dubitatif de par le drapeau bleu-blanc-rouge qu’ils agitaient sous notre nez. Je baisse la vitre et leur dit très gentiment que je me rends à l’EHPAD à la sortie de la ville. Je m’attendais à tout sauf à ce que l’un d’eux m’apostrophe agressivement : « Vous venez de Paris » et jetant un œil sur ma boucle d’oreille et mon compagnon (ils n’avaient pas vu sa sœur à l’arrière) d’enchaîner : « Encore un couple de pédés de parisiens qui vient faire du tourisme. » Je lui réplique « Et vous, encore un hétéro qui veut casser du pédé ? »… Alors que je ne m’y attendais pas du tout, il balance un grand coup de pied dans la portière. Premier réflexe, appuyer sur l’accélérateur. Bonne pioche, sauf que j’ai failli m’emplafonner dans une autre voiture qui arrivait à toute blinde de la gauche sur le rond-point. Klaxons, frayeurs, insultes et… fuite en avant ! Juste le temps de voir dans le rétro que deux gilets jaunes qui m’avaient sans doute entendu lui gueuler dessus avaient foncé sur lui (dont la jeune femme…) et étaient visiblement en train de le calmer et de l’engueuler sévère.

On pourra me dire ce qu’on voudra, et me faire lire toutes les meilleures remontées des ronds-points, je ne pourrais plus oublier pour autant ce type et surtout ses yeux de dingue. Des yeux qui me rappelaient ceux du facho qui m’avait agressé il y a plusieurs années devant le planning familial, place de la Bourse lors d’une manif pro-IVG et voulait me crever un œil (heureusement, un copain de NoPa l’en a empêché, mais pas, cela dit, de m’exploser la tête)… Et ces choses-là ne s’oublient jamais. Toutes les personnes victimes de violences racistes ou sexistes le savent aussi bien que moi.

Je ne veux ici que témoigner de ce que je ne supporte plus qu’on qualifie d’un autre « épiphénomène ». Un « épiphénomène » qui n’a pas eu le temps de dégénérer, mais si on additionne tous ces épiphénomènes les uns aux autres, ça commence à faire un drôle de paquet ! Beaucoup trop pour que je ne me pose pas la question de savoir s’il ne faudrait pas sur les ronds-points, imaginer en amont une espèce d’engagement à respecter des principes de bases (pourquoi pas similaires à ceux de la FA), à minima, antiracistes, antisexistes et anti-homophobes. Un minimum, quoi !…

Patrick Schindler
groupe Botul


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