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éditorial du nº 1198

Le jeudi 23 mars 2000.

On croyait l’antiracisme de gauche totalement passé de mode, mis hors-jeu politiquement par la division du FN, inutile électoralement et donc sans intérêt pour le gouvernement. D’ailleurs on a vu des militants traditionnellement investis sur ce terrain se reconvertir dans la lutte contre « la violence et l’insécurité ». Seulement voilà, loin de drainer les foules comme avaient réussi à le faire les campagnes de « SOS-racisme » à la fin des années 80, les revendications sécuritaires sont loin d’enthousiasmer une jeunesse qui en est surtout la victime.

Les dirigeants de la gauche plurielle en sont bien conscients, qui tentent de rattraper le coup par des mesures contre les discriminations raciales. Ainsi, une pénalisation accrue des actes racistes au quotidien est mise en avant pour redonner consistance à l’idée d’intégration.

La poudre aux yeux va jusqu’à mettre en place un numéro vert pour aider les victimes à porter plainte.

On croit rêver ! Plus que de l’amnésie, il faudrait subir une ablation cérébrale pour croire à une réelle volonté de l’État dans ce domaine. Un État qui depuis des années s’oppose à la régularisation des sans-papiers, dont les lois sont des machines à fabriquer des clandestins. Un État qui refuse l’accès des emplois administratifs aux immigrés. Un État qui surtout généralise la précarité, renforçant ainsi les replis ethniques. Un État enfin qui n’a pas cessé de criminaliser ces populations pour faire oublier sa politique antisociale.

Ce n’est pas pour rien que les Jospin, Aubry, Chevènement et compagnie ont dû rappeler à la rescousse leurs fidèles toutous « investis sur le terrain ». C’est ainsi que SOS racisme est parti faire du « testing » à l’entrée des boîtes de nuit pour montrer du doigt les vilains commerçants qui refusent aux trop basanés le droit de s’abrutir dans leurs établissements. C’est à la fois spectaculaire et anecdotique, juste ce qu’il fallait pour se donner une image antiraciste sans rien changer au bout du compte. Du côté du gouvernement, on espère juste gagner quelques voix.

Pour les véritables antiracistes que nous sommes, les perspectives sont ailleurs. Elles existent aujourd’hui à travers des campagnes solidaires avec les sans-papiers, mais aussi grâce à des grèves, qui comme dans l’Éducation permettent des actions où français et immigrés se retrouvent autour les mêmes revendications. Ainsi pourra-t-on espérer faire tomber les barrières qu’on tente de mettre entre nous et non par un « flicage du racisme » dont il suffit de dire le nom pour se sentir ridicule…