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Hafed Benotman

au revoir, camarade !
Le jeudi 5 mars 2015.

Hafed Benotman est décédé ce 20 février. Il était écrivain. Il avait 54 ans. Il avait passé dix-sept ans en prison en trois fois pour braquages de banques, sans arme.

Écrivain, poète, metteur en scène, acteur, auteur de scénarios (film Sur la planche de Leïla Kilani), etc.

Hafed venait de terminer le tournage d’un film en Belgique dont il était l’acteur principal et y jouait le rôle d’un antiquaire. Le film s’appelle Diamant noir d’Arthur Harari et sera en salles entre août et septembre prochain.

Il était « sans papiers » Hafed (s’il avait été arrêté dans la rue, c’était directement la garde à vue). Mais rien ni personne ne pouvait empêcher cet homme là de faire ce qu’il jugeait bon de faire.

Comme de participer à des festivals, d’intervenir dans les médiathèques, dans des amphithéâtres d’IUT pour parler du racisme, de la prison, de l’enfermement en général.

Dans une pièce, chez moi, j’ai une affiche avec, quand même, le sigle de la préfecture de la Haute-Loire. Il y est écrit : « Tous ensemble contre le racisme », Pas d’histoire, douze regards sur le racisme au quotidien, avec la participation exceptionnelle du parrain de la soirée Hafed Benotman ? Quel détestable cynisme !

Alors oui, moi, Laurence Warot, qui était une des amies d’Hafed Benotman, j’accuse les gouvernements successifs d’avoir laissé cet homme sans papiers, donc sans Sécurité sociale, donc sans aucun moyen de se soigner ni d’avoir la possibilité d’avoir ne serait-ce qu’une chambre pour se loger, sans pouvoir avoir un téléphone, d’avoir par
imbécillité intellectuelle essayée de le clo-chardiser pour le faire taire.

Après l’avoir pratiquement tué une première fois en le laissant agoniser, sans aucun soin, parce que les matons avaient peur qu’il mente et qu’il en profite pour se faire la belle, alors qu’il souffrait mille morts en faisant son premier infarctus.

Hafed Benotman, dont Robin Cook parlait en disant : « Si je devais définir le travail de cet écrivain, je dirais que c’est son cœur qu’il arrache devant nous et pose, encore battant, sur la table, c’est le travail d’un homme qui — non de sa propre volonté, mais parce qu’il n’a pas le choix — entretient un rapport intime et familier avec l’horreur qui le hante. »

Le coeur, l’écriture, le goût des autres, l’amitié qu’il dispensait sans compter… Il riait aussi beaucoup, Hafed, il aimait faire la fête avec celles et ceux qu’il aimait.

Il m’avait dit un jour : « Laurence, tu sais je ne suis pas heureux, non, mais je suis joyeux. »

Et puis, pour presque terminer et je souhaite que la postérité le retienne comme tel, Hafed Benotman fut un génie de l’écriture. Il a inventé un style et c’est si rare !

Voilà, maintenant, je lui laisse la parole en recopiant quelques lignes d’un de ses poèmes, L’Œil à clef paru aux Éditions Domens :

« Voyance
L’avenir a parfois des clins d’œil
À ouvrir ce cercueil
Où ronfle mon destin
La mort est parmi moi
Je le sais
Je le sens
Et tant mieux pour ce tant pis. »

Laurence Warot


Bibliographie

  • Les Forcenés, Éboueur sur échafaud, Les Poteaux de torture, Marche de nuit sans lune, chez l’Éditeur Payot & Rivages, coll. Rivages/Noir.
  • Garde à vie, livre pour les ados chez Syros.
  • L’Œil à clef Éditions Domens.
  • Le Philotoon’s et La Joue du roi aux éditions L’Insomniaque.
  • Coco écrit par Hafed Benotman et illustré par Laurence Biberfed.
Abdel Hafed Benotman (1960-2015)