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éditorial du nº 1088

Le jeudi 12 juin 1997.

La gauche a regagné une forte majorité parlementaire mais il ne faut pas se tromper sur la signification des votes en sa faveur. S’il s’est trouvé encore quelques crédules pour succomber à des discours pétris, comme d’habitude, des « meilleures intentions du monde », de valeurs humanistes bon teint et de phrases creuses (du style « nous allons faire de la politique autrement »), les programmes du PS, du PC ou des Verts n’ont pas convaincu grand monde… Pour l’essentiel, l’électorat de gauche n’a pas voté par conviction mais par dépit et pour battre la droite.

Du côté des abstentionnistes, les choses sont apparemment plus complexes. C’est le dégoût qui prime, le repli sur soi, la fuite de tout ce qui est politique… mais il semble y avoir aussi de plus en plus d’espoir, comme nous l’ont présenté les médias à plusieurs reprises. Le phénomène est populaire et c’est bien cela qui inquiète le pouvoir !

Maintenant, si le crédit de confiance de l’ensemble de la classe politique est faible — ce qui permet d’envisager une place nouvelle pour le mouvement anarchiste — il n’en reste pas moins que des millions de personnes, même profondément révoltées, se sentent encore obligées de mettre un bulletin dans l’urne, « parce qu’il faut quand même voter, parce qu’il faut bien que certains dirigent le pays », etc.

Ce mythe de l’incontournable gouvernement, de l’« indispensable chef », on retrouve dans le monde du travail, dans la famille, bref, dans tous les aspects de la vie sociale. Le principe d’autorité et son intériorisation par les dominés est, sans aucun doute, le plus solide atout de la bourgeoisie et de ses politiciens.

Au bout du compte, l’abstentionnisme en particulier et la perte de légitimité de la classe politique en général, ne nous servirons à rien si les exploités ne prennent pas politiquement conscience qu’une autre forme d’organisation sociale est possible, sans hiérarchie de commandement.

C’est en étant présents dans les luttes et surtout en redonnant une nouvelle crédibilité à une conception autogestionnaire globale de la société que nous parviendrons, peut-être, à construire les bases solides d’un mouvement révolutionnaire d’ampleur !