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Waterloo socialiste

Une présidence verte et féminine à la région

Le jeudi 4 juin 1992.

La région Nord/Pas-de-Calais aura vécu en mars 1992 des scrutins électoraux historiques. Que ce soit lors des élections régionales ou cantonales, les Nordistes ont assisté à un véritable bouleversement politique dans la région et dans le département, ces fiefs historiques d’un pouvoir socialiste omnipotent. Au lendemain de ces élections, le paysage politique du Nord s’en trouve chamboulé.



Le grand perdant de cette élection aura été, sans contestation possible, Michel Delebarre, alors ministre de la Ville. Cette défaite stoppera la carrière fulgurante et continue du maire de Dunkerque qui aura voulu ajouter à ses mandats celui de la présidence du Conseil régional.

Les élections du 22 mars ont vu l’effondrement du parti socialiste et ont donné à l’ensemble de la région une configuration politique sans véritable majorité. Ainsi le PS, avec 27 élus, se retrouve à égalité avec l’UPF. Les Verts recueillent 8 sièges, Génération écologie 6, le PCF et le FN 15, Jean-Louis Borloo 13 et enfin les chasseurs 2.

Les scores sont désastreux, tant pour le PS, bien sûr, que pour l’opposition. Avec 20 % des voix pour le PS, 13% pour la liste Borloo, 20 % pour l’UPF, 15 % pour le FN et autant pour le PCF et 12 % pour les deux tendances écologistes, la région adopte un profil à l’image du comportement électoral national.

Ici comme ailleurs, le scrutin, largement suivi (72% de participation), a profité au vote protestataire et entériné le lent mais sûr effritement des partis classiques. Le score médiocre de Delebarre (-10 points par rapport à 1986) n’a guère profité à l’opposition (-13 points par rapport à 1986).

Ces partis payent cher leur incapacité à répondre aux préoccupations de l’électorat, surtout de la jeunesse, dans une région dévastée par le chômage, illettrisme, la misère et le racisme ordinaire. La véritable surprise de ces élections, c’est le score de Jean-Louis Borloo, le maire sans étiquette de Valenciennes, et la confirmation de l’électorat écologiste dans la politique régionale ; c’est aussi, particularisme local, le PCF qui freine sa chute et entame même une légère remontée pour se situer aux alentours du FN. Le parti de Jean-Marie Le Pen, emmené par Cari Lang, secrétaire général de l’organisation, enregistre des scores impressionnants dans de grandes villes. Il devient ainsi la première force politique à Roubaix (le deuxième ville du Nord), à Tourcoing, à Maubeuge et à Hautmont. La campagne des prochaines municipales n’en sera que plus troublée. Ces résultats ont propulsé la région sous les projecteurs de l’actualité nationale. Dans ce bastion de la gauche, après 30 ans de pouvoir, le PS est contraint de composer avec d’autres formations. Les transactions se sont multipliées entre les 22 et 31 mars. Les médias se sont même hasardés à construire des scénarios d’alliances des plus farfelus pour l’élection à la présidence de la région.

Toutes les hypothèses sont explorées, et les médias voient successivement M.M. Delebarre, Legendre (pour l’UPF) ou même Borloo aux commandes de la région. Aucun journaliste ne se hasarde cependant à pronostiquer une victoire des petites listes, même s’ils leur reconnaissent un rôle d’arbitre. Et pourtant, dans la nuit du 30 au 31 mars, tout bascule. Après des heures de suspense et plusieurs scrutins, les 2,6 millions d’électeurs de la région apprennent que leur nouveau président est… une présidente, Verte de surcroît. Le nom de Marie-Christine Blandin sort de l’anonymat. Celui de Guy Hascoët, le chef de fil des Verts régionaux, l’artisan de cette manœuvre, aussi.

Un désistement de dernière chance

Cet accouchement difficile de l’exécutif régional a été la conclusion de retournements spectaculaires. Michel Delebarre, afin de ne pas laisser la région aux mains de Legendre ou de Borloo, et faute de rassembler une majorité autour de son nom, s’est désisté au profit des Verts, qui, avec seulement 8 élus, se retrouvent à la tête de la région. Sept socialistes et trois Verts seront élus aux vices-présidences quelques jours plus tard, après une nuit où l’opposition, Borloo et Génération écologie s’abstiendront, tout en montrant qu’ils pouvaient renverser la majorité PS-PCF-Verts.

La victoire est donc amère et précaire. Le pouvoir exécutif ne possède aucune réelle majorité. L’élection des présidents de commissions le prouvera. Si l’opposition de fait, UPF, Borloo, FN, une partie de Génération écologie et les chasseurs, n’a pas réussi à mettre en place un véritable contre-pouvoir, le consensus n’en a pas moins volé en éclats, puisqu’au total, les socialistes ne recueillent que 4 postes et les Verts 2 postes, l’UPF et Borloo se partageant à égalité les 6 postes restants. Cela constitue, donc, une opposition quasi-majoritaire, puisque le FN n’avait pas pris part au vote.

Que nous réserve l’avenir ? Une chose est sûre, le PS et Michel Delebarre en particulier se trouvent dépossédés de tout pouvoir réel. Les Verts ne se montrent pas aussi dociles, et ne se laissent pas manipuler aussi facilement que les socialistes l’auraient souhaité. C’est donc une défaite pour Delebarre, qui ne peut que suivre le mouvement tanguant du bateau régional, au gré des alliances de l’opposition. Des alliances ponctuelles vont devoir constituer la règle dans les prochains mois.

L’avenir en sera-t-il plus constructif ?

José Da Costa
(gr. Humeurs Noires - Lille)