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« Code de la nationalité »

Après les bavures

le droit du sang
Le jeudi 6 mai 1993.

Le 5 mai a débuté à l’Assemblée la discussion d’un projet ressuscité tout droit de la période 1986-1988 : le « Code de la nationalité ». Le projet devrait être voté dès cette semaine.

De quoi s’agit-il ? Il est question de revoir ce code stipulant les conditions sous lesquelles chacun peut être admis au sein du glorieux « peuple de France », afin paraît-il, de préserver son identité, sa culture et, pourquoi pas, sa démocratie. On reconnaît au passage de vieilles idées habillées d’oripeaux culturels et identitaires neufs : celles de la « préservation de la race ». On sent la patte de la Nouvelle droite dans ce discours cynique prétendant d’une part qu’il existe une identité et une nation françaises, d’autre part qu’elles sont menacées.

Le véritable enjeu de ces discussions au Parlement sera non pas la nationalité mais bel et bien la citoyenneté. L’enjeu, c’est le droit que s’arroge l’État, par la violence brutale de la misère et de sa police, de déclarer qui peut bénéficier de droits politiques et sociaux sur le territoire qu’il prétend contrôler et défendre. Décider qui peut bénéficier du minimum de droits politiques qu’il daigne accorder. Décider qui peut les perdre. Décider qui peut bénéficier des services dispensés par l’État. Décider qui peut bénéficier d’un statut dans l’entreprise qui ne soit pas tout à fait celui d’esclave, qui peut bénéficier, pourquoi pas, de droits syndicaux et d’une couverture sociale. Décider qui pourra être parmi l’élite, qui sera citoyen de deuxième ou troisième zone. Décider qui l’État pourra renvoyer sans même s’intéresser aux raisons l’ayant poussé à émigrer. Décider quelle nouvelle forme prendra l’« apartheid » auquel est soumise toute une catégorie d’habitants du territoire français.

S’agira-t-il d’une discrimination au niveau politique ou plus largement social ? Un droit du sang à l’Allemande ?

Quelle différence pour nous, qui prônons la démocratie directe et l’entraide ? Rien n’est plus contraire à nos idéaux de citoyenneté intégrale et de solidarité.

Bertrand Dekoninck (gr. Louise-Michel - Paris)