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éditorial du nº 1099

Le jeudi 6 novembre 1997.

Puisque, versant économie, le gouvernement a apparemment décidé de clore le débat sur l’augmentation des salaires, il ne lui reste donc plus que les valeurs pour tenir lieu de politique sociale… En juin c’était le réalisme qui était en vogue. Ces jours derniers d’autres valeurs montent en bourse étatique. Pour la jeunesse, c’est de morale civique dont elle aurait besoin. Les futurs enseignants seront même soumis à cette épreuve. Quant aux élèves, les leçons précéderont leur inscription obligatoire sur les listes électorales. La machinerie est bien huilée ! Après le ton venimeux de ses propos sur le corps enseignant, Allègre le met maintenant en pratique. Cela ne coûte pas cher et caresse le poil de la réaction dans le bon sens. Il n’y a donc pas que le Pape pour redonner des valeurs « saines », la République peut aussi faire ce boulot. Cependant, la valeur essentielle « consensuelle » qui est en haut du hit-parade, c’est la sécurité. Jospin présidera désormais un conseil de sécurité intérieure : un tel vocabulaire sécurise déjà, non ? Bref, nous pourrions rire de tout cela, mais hélas c’est bien la réalité. Après avoir emprunté le libéralisme comme politique économique, la gauche emprunte maintenant les valeurs idéologiques de la droite la plus extrême.

Tout cet arsenal « moralo-sécuritaire » déballé depuis une semaine pue vraiment la pêche aux voix des électeurs du F.N. (comme pour l’immigration d’ailleurs). Ceux qui, quelques mois en arrière, soutenaient implicitement cette gauche plurielle par un combat anti-F.N., au nom des valeurs républicaines, doivent être légèrement gênés… Il leur en apprendra de faire de la politique avec du flou idéologique ! Jospin a beau dire que la gauche a une autre conception de la sécurité que celle de la droite : un coup de matraque ou une balle en caoutchouc ne se distinguent pas politiquement ! Anarchistes, nous ne pensons pas qu’il y ait des valeurs universelles sorties de « je ne sais où ». N’étant pas des idéalistes, nous savons par contre qu’en fonction de la classe sociale à laquelle appartiennent les individus, des valeurs sont mises en avant pour défendre des intérêts. Celles des exploités, dont nous faisons partie, sont celles qui contredisent l’ordre bourgeois. Ce sont la solidarité de classe, l’entraide, l’internationalisme et le refus des frontières, la désobéissance civile, l’égalité économique… À l’heure où ces valeurs semblent être considérées comme archaïques par nos gouvernants « de gauche », qu’ils sachent notre détermination à les faire vivre.