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Vallée d’Aspe

Éric Pétetin libéré, la lutte continue contre le tunnel

Le jeudi 2 septembre 1993.

Éric Pétetin est donc sorti de prison le vendredi 20 août, gracié d’une signature magnanime par François Mitterrand qui, il faut bien le dire, n’avait pas vraiment le choix : laisser croupir quatorze mois en prison le médiatisé opposant au tunnel du Somport pour quelques actes non violents de bris de clôture, voilà qui aurait plutôt nuit à son image.

Malgré cette libération, rien n’est terminé pour autant. Le samedi 21 août, les opposants au tunnel et aux aménagements routiers qui y sont adjoints se sont rassemblés.

Ils étaient environ 300 (bien peu) devant l’ex-gare du village de Bedous, où fut accueilli « l’Indien », à peine sorti de la prison de Neuvic (Dordogne) et, pour l’événement, entouré d’une meute de journalistes.

Parmi ces opposants, on notait la présence des militants du Collectif pour la Sauvegarde Active de la Vallée d’Aspe (CSAVA), du Collectif Alternatives Pyrénéennes à l’Axe européen E7, de l’un des rares maires opposés ouvertement au projet, celui de Mourex, mais aussi ceux tout droit venus du village écologique d’Ecotopia de Durban-sur-Arize (Ariège), parmi lesquels des Allemands, des ressortissants de l’Est ou encore des Néerlandais brandissant la pancarte suivante : « Amsterdam dit non au tunnel ! »… (comme quoi le Somport est devenu un enjeu dépassant le cadre de la seule vallée d’Aspe).

Parmi les opposants, on a encore eu droit aux inévitables dirigeants Verts : Antoine Waechter et Dominique Voynet, venus apporter leur soutien et saluer la libération de Pétetin. On ne les aura pas vus longtemps, juste au moment des discours… Histoire de dire qu’ils allaient « reprendre en main le dossier »… à leur profit, bien sûr. Et nous ne serions pas complets si nous n’évoquions la présence d’une délégation anarcho-syndicaliste de la CNT du Sud-Ouest.

Sur le site

Après le rassemblement de Bedous, cent-cinquante manifestants, à l’appel des seuls militants de la Goutte-d’Eau et de la CSAVA ont ensuite poursuivi la manifestation
sur le site du tunnel, à deux pas de la frontière espagnole, ceci bien que la plupart des orateurs, dont Éric Pétetin, n’aient pas cru bon devoir s’y rendre (ce qui fera les choux gras de quelques journalistes).

Cent-cinquante manifestants se sont donc retrouvés sur le site, face à une petite centaine de gardes mobiles. La confrontation (pacifique) a duré une petite heure. Parmi ces manifestants venus sur le site, on a pu noter la présence d’une (r villageoise » d’Écotopia débarquant tout droit de Sibérie pour témoigner de la réalité des offenses faites à la nature (là-bas, on connaît cela plutôt bien)…

Bien que la seconde enquête d’utilité publique ait finalement encore conclu en faveur du tunnel, rien n’est perdu pour autant. Les opposants contestent cette deuxième enquête, arguant que les aménagements de la future voie rapide et les véhicules lourds y circulant (jusqu’à 1000 ou 3000 camions par jour, suivant les prévisions !) pollueront gravement les réserves et cours d’eau de la vallée, qui alimentent quelque dizaines de milliers de personnes.

Les opposants au tunnel ont projeté durant le mois d’août, dans les villages environnants, un reportage retraçant le saccage, sur vingt ans, d’une autre vallée, située dans les Alpes, celle de la Maurienne. Édifiant !

Gare aux bulldozers

En outre, il faut savoir que suite au retard pris dans la réalisation du tunnel, ceci en raison du harcèle-ment des opposants, le gouvernement espagnol a réaffecté sur d’autres chantiers (autoroutes) le budget qu’il avait prévu pour le percement du tunnel, côté ibérique… D’où des problèmes en vue pour les pro-tunnel… Mais beaucoup reste encore à faire pour leurs adversaires : manifester, comme cela sera le cas le samedi 2 octobre à Oloron-Sainte-Marie ou surtout le vendredi 22 octobre à Saragosse (Espagne), et aussi se coucher devant les bulldozers qui débarqueront d’ici peu sur le chantier (c’est, du moins, ce à quoi Éric Pétetin invita l’assistance de Bedous).

Bertrand Dekoninck et Claude Nepper