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Lille

Le Planning familial en congrès

Le jeudi 8 juin 1995.

Le Mouvement français pour le Planning familial s’est réuni en congrès les 20 et 21 mai derniers à Villeneuve-d’Ascq, dans la métropole lilloise. C’était la première fois que le mouvement décentralisait son congrès confédéral bisannuel hors de la région parisienne. C’est dire si le lieu choisi était symbolique : le mouvement comptait bien ainsi témoigner de toute la détermination dont il fera preuve pour que le Planning assassiné dans le Nord par le Conseil général puisse revivre. En effet, si l’association départementale (AD) du MFPF a dû fermer ses portes, les militantes et les militants existent toujours, et déjà des initiatives se font jour (à Grande-Synthe, à Dunkerque, à Roubaix, à Maubeuge, à Cambrai…) autour d’associations de promotion de la contraception et de l’avortement. Reste à savoir quelle forme pourra prendre un organisme de fédération départementale de celles-ci.

Ce congrès se plaçait donc sous le signe de la solidarité, de la vigilance et de la détermination. En effet, le Planning du Nord n’a pas été le seul à connaître des difficultés. D’autres associations départementales ont eu leur part de soucis. C’est le cas de la Loire-Atlantique, qui s’en est finalement sorti ; de l’Isère, où des actions engagées contre le Planning ont brutalement cessé suite à l’incarcération d’Alain Carignon. Certains départements ont connu des difficultés à renouveler les conventions les liant avec la DDASS, leur dossier traînant en longueur. Actuellement, le Planning du Var risque une action en justice pour « provocation à l’avortement ». Une de ses infirmières est en effet accusée par un médecin d’avoir poussé une jeune femme enceinte et hors délais légaux à aller procéder à un avortement à l’étranger. Accusation mensongère, bien évidemment, formulée par un médecin connu pour son engage-ment auprès de « Laissez-les vivre ». Depuis octobre 1994, une enquête est ouverte et l’infirmière est convoquée chez le juge le 13 juin.

Les tenants de l’ordre moral au pouvoir

Il est fortement à craindre que d’autres actions de ce genre se multiplient. D’autre part, la brèche ouverte par le Conseil général du Nord risque de donner des idées à d’autres départements et municipalités, voire à l’État. En effet, les ministères dont dépendent l’action du planning sont maintenant aux mains des tenants de l’ordre moral : Colette Codaccioni à la Solidarité entre les générations et Élisabeth Hubert à la Santé. La première, également vice-présidente du Conseil général du Nord, est l’auteur du rapport sur la famille dont est issue la loi sur le salaire parental. La seconde est connue pour ses prises de position anti-IVG… Le MFPF craint donc pour les subventions que lui allouait l’État pour son action de promotion de la contraception, d’accès à l’IVG et d’information sexuelle. L’accès à ces droits risque d’en prendre un sérieux coup. Le mouvement s’inquiète également de l’éclatement probable du service des droits des femmes, qui fut auparavant ministère puis secrétariat d’État. Dans ces conditions, il a décidé, avec certaines réticences malgré tout, d’ouvrir quand ce sera nécessaire la lutte qu’il mène pour les droits des femmes aux autres acteurs de cette lutte, comme la CADAC, que ce soit par des collectifs ou des comités de soutien…

Lors de ce congrès, le mouvement a demandé que les personnes condamnées pour entrave à l’IVG (qui plus est, à des peines avec sursis) ne bénéficient pas de l’amnistie présidentielle. En effet, selon lui, alors que les actions se sont multipliées avant ces élections, ce serait accorder un satisfecit aux commandos anti-IVG.

Le congrès a travaillé également sur des sujets comme l’éducation sexualisée, la prévention des violences sexuelles, en particulier vis-à-vis des adolescents, ainsi que la lutte contre le SIDA et les maladies sexuellement transmissibles (MST).

Le MFPF est également membre d’une « internationale des plannings », l’International Planned Parenthood, Federation (IPPF). Le congrès a donc égale-
ment planché sur les problèmes internationaux : son investissement dans l’ENWRAC (réseau européen pour l’avortement et la contraception), qui poursuit lente-ment mais sûrement son petit bonhomme de chemin ; les formes de soutien aux militantes algériennes. Il s’est également interrogé sur la participation du mouvement au Forum des organisations non gouvernementales lors de la Conférence de Pékin sur les droits des femmes, organisée par l’ONU en septembre prochain. Il semble que ce forum se prépare sous les pires auspices : il est isolé à 60 kilomètres de Pékin, sans infrastructure de communication internationale ; Pékin exige un droit de regard sur les délégations étrangères et choisit qui seront les déléguées chinoises… Quant à cela s’ajoute la politique de la Chine en matière de droits des femmes, on comprend les réticences du mouvement. On aurait même souhaité un désaveu plus net de la part des organisations de femmes quant à cette rencontre internationale. Le MFPF, quant à lui, n’a pas encore tranché sur la question.

Bertrand Dekoninck (groupe. Humeurs Noires - Lille)