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Pour l’anarchisme

octobre 1999.

Le pouvoir est maudit, c’est pour cela que je suis anarchiste
Louise Michel

Des générations d’hommes et de femmes ont tenté, tant bien que mal, d’émanciper leurs sociétés des jougs de l’oppression et de l’exploitation. L’égalité est vite devenue une idée-force qui a guidé leurs pas et leur action. Au cours de l’histoire s’est constitué, entre autres, le mouvement anarchiste sur des principes et des pratiques visant à la suppression de l’État et des classes économiques et sociales. L’originalité du mouvement anarchiste est d’avoir immédiatement saisi et dénoncé la non neutralité des institutions étatiques dans le combat engagé entre les forces de l’émancipation et celles de l’injustice ; d’avoir compris que l’État était loin d’être un simple outil utilisable à bon ou mauvais escient ; qu’il portait en lui les germes et la cause des divisions et des inégalités ; que le pouvoir n’a d’autre objet que … le pouvoir ; qu’il n’est pas un moyen mais une fin en soi.

Les anarchistes ont posé en parallèle à l’abolition de l’exploitation économique, la suppression de la domination politique : considérant avec justesse qu’on ne s’empare lamais du pouvoir pour y renoncer, et qu’il faut donc renoncer au pouvoir.

L’anarchisme s’est vu rapidement confronté aux autres propositions d’organisation sociale parce qu il a tout de suite affirmé la capacité des hommes à gérer directement leur travail, et celle des sociétés à s’autoadministrer, sans avoir recours aux spécialistes autoproclamés des gouvernements qui assoient leur domination au nom de Dieu, d’Allah, du Roi, du Parti, de la Patrie ou de la Démocratie.

Ce que certains appellent faiblesse chez l’anarchisme est en réalité sa force. Loin d’être une idéologie figée, il s’est toujours adapté à l’évolution des sociétés et des rapports sociaux rappelant toujours, sous tous les régimes, la nécessité d’un changement social en profondeur. Prônant une révolution sociale organique, il fut et reste l’ennemi irréductible de tous les systèmes où persiste l’aliénation politique, économique et religieuse. Ses moyens : la préparation aujourd’hui des bases et pratiques qui devront régir les rapports dans la société de demain. L’entraide au lieu de la charité, la solidarité à la place de l’exclusion, l’autogestion pour en finir avec l’exploitation, le libre fédéralisme contre le totalitarisme des États.

Partisans d’un nouvel ordre libertaire et égalitaire, les anarchistes ne rêvent pas pour autant d’imposer un paradis terrestre. Aucune organisation sociale ne peut être parfaite, aucun système ne peut être achevé. S’opposer à une perpétuelle évolution nécessiterait d’employer les méthodes aveugles et totalitaires des régimes qui, à travers le monde, tiennent les ’peuples en esclavage, au nom de Dieu, du Parti ou de l’économie de marché (parfois même les trois à la fois !).

L’anarchisme n’est pas une fin de l’histoire, mais un mode de résolution du problème social autant qu’une recherche pratique permanente d’harmonie entre responsabilité et liberté, entre individu et société.

C’est pour cela que nous militons à la Fédération Anarchiste.

La Fédération Anarchiste

La Fédération Anarchiste est un regroupement de militants politiques organisé sur le principe du libre fédéralisme (c’est à dire la libre association) qui garantit aux groupes et aux individus qui la composent la plus grande autonomie afin de permettre le pluralisme des idées et. des actions, dans le cadre d’un pacte associatif que nous appelons nos « principes de base » (disponibles sur demande). C est notre outil de lutte qui doit être fonctionnel et rationnel, nous rejetons en effet tout fétichisme d’organisation.

Pas de hiérarchie donc pas de chefs chez nous t C’est à tou-te-s les militant-e-s qu’il appartient de faire progresser leur organisation. Nous ne reconnaissons pas la division dirigeant/exécutant, la participation effective des militant-e-s aux structures collectives de l’organisation est un principe d’éthique et de solidarité. Ces structures fédérales sont : Le Monde Libertaire hebdomadaire, Radio Libertaire, seulement en région parisienne pour le moment, et la librairie Publico à Paris également. En dehors de ces œuvres fédérales les groupes ont aussi des locaux… souvent des librairies, éditent des revues, menant ainsi leur propres activités au niveau local.

Les buts de la F.A.

Nous sommes pour une révolution radicale et globale, à la fois économique et sociale ; pour détruire la société fondée sur la propriété privée ou étatique des moyens de production et de consommation ; pour la suppression de toutes les formes d’exploitation, de hiérarchie, d’autorité. Cette phase de destruction est nécessaire et c’est sans doute pour cela que certains ne voient ou ne veulent voir les anarchistes que comme des partisans fanatiques du désordre. Qu’ils regardent autour d’eux et qu’ils nous expliquent comment faire pire !

Les anarchistes sont, au contraire, partisans d’une société organisée d’une manière beaucoup plus rationnelle et logique que la jungle capitaliste ou les dictatures marxistes-léninistes. Il s’agit, dans le cadre d’une société libertaire, non pas de gouverner les hommes mais d’administrer les choses au profit de la collectivité toute entière.

Nous voulons construire une société libre sans classes ni États, sans patries ni frontières dont les buts sont les suivants :
— L’émancipation des Individus, leur libération en tant qu’êtres autonomes, libres de leurs choix, livides, critiques et responsables ;
— L’égalité sociale, économique et politique de tous les individus (quelque soit l’âge, le sexe, la couleur,…) dont les conséquences sont la fin des classes sociales, des divisions entre les « normaux » et les « déviants » ;
— La liberté de création, seule garantie réelle contre l’uniformisation, telle qu’on peut l’observer dans la Chine maoïste ou dans nos sociétés de consommation de masse infantilisante ;
— La justice, qui découle de l’égalité et de la liberté, ces trois principes étant incompatibles avec l’existence d’institutions répressives tant judiciaires que policières ou militaires ; une organisation sociale plus juste doit supprimer la plus grande partie de la délinquance, les crimes restant devant être traités par la prévention et la conciliation ;
— L’éducation libertaire et permanente, permettant cet épanouissement le plus complet possible de l’individu et non son adaptation soumise au système productiviste d’aujourd’hui ; la condition en est l’égalité, dès la naissance, des moyens de développement, c’est à dire d’éducation et d’instruction, dans tous les domaines de la science, de l’industrie et des ans ;
— L’organisation sociale sur les bases de la libre fédération des producteurs et des consommateurs (autogestion) ; la démocratie directe, non pas électorale et parlementaire mais communale et fédéraliste : pas de mandats en blanc, la coordination des affaires sociales par des délégués élus pour des mandats précis et révocables à tout moment ;
— Une économie tournée vers la satisfaction des besoins et non vers le profit, c’est la consommation qui doit orienter la production et non l’inverse ;
— La possession collective ou individuelle des moyens de production et de distribution en excluant toute possibilité pour certains de vivre en exploitant le travail des autres ;
— L’abolition du salariat, de toutes les institutions étatiques ou autres qui permettent et maintiennent l’exploitation de l’homme par l’homme ; le salariat est le processus par lequel les détenteurs des moyens de production et de consommation indemnisent ceux qui n’ont que leur force de travail à louer, l’abolir c’est casser ce rapport exploiteurs/exploités ;
— Le partage égalitaire des tâches d’intérêt général, l’absence des divisions entre manuels et intellectuels ou entre éboueurs et « jeunes cadres dynamiques » ;
— L’écologie non seulement pour préserver notre environnement mais pour promouvoir un développement de l’humanité basé sur la qualité de la vie ;
— La libre union des individus ou des populations selon leur convenances ou leurs affinités ;
— La liberté d’expression, c’est à dire le droit absolu pour tout individu d’exprimer ses opinions, par oral, par écrit ou a travers tout autre média la liberté des uns s’arrêtant la où commence celle des autres ;
— La libre circulation des individus, l’abolition des frontières, avec l’instauration d’une nouvelle citoyenneté : le fait de s’installer, de vivre dans une commune donnant droit à l’entière participation aux prises de décisions concernant l’ensemble de la vie politique, sociale, économique et culturelle.


Le Monde libertaire, hors série Auch, suppl. au nº 1178 (oct. 1999), recto