1994 aura été l’année des grandes festivités commémorant les cinquante ans de la libération de la France, entre autres l’occasion de renforcer le nationalisme. « Paris libéré par son peuple », mais un « Paris martyrisé », qui, à son tour, s’est acharné sur les femmes, pour libérer les rancœurs et estomper un passé peu glorieux ; des femmes devenues les nouvelles sorcières d’alors, les « salopes » ayant trompé leur valeureux mari emprisonné, et, par là, la France entière ! Des « salopes », en fait, tout bonnement coupables d’être femmes. On brûlait des femmes émancipées que l’on nommait sorcières au Moyen Âge, sous l’Inquisition. En 1944, dans toute la France, on humilie, on tond, on violente des femmes. Pendant des années, la tendance a été de faire endosser la seule responsabilité à ceux que l’on appelait les « résistants de la dernière heure », mais aujourd’hui, on dit que les femmes ont constitué des cibles toutes choisies, et en particulier les prostituées (mais pas seulement). Des cibles dans le cadre d’une politique voulant éviter que les passions se déchaînent ailleurs, par exemple sur le terrain social, une sorte de charivari contemporain.
Si cinquante ans après, nous n’allions sûrement pas nous joindre aux joyeuses festivités orchestrées, nous aurions peut-être, alors, pu fêter l’anniversaire de l’accès du vote des femmes puisque 1944 a aussi été l’année où les Françaises ont enfin pu choisir de voter ou de ne pas voter. Mais de là à croire que cet accès au vote ait pu changer les choses pour elles… Car c’est seulement trente ans après, le 17 janvier 1975, par leurs luttes avec ceux qui les soutenaient que les femmes ont pu arracher au gouvernement une loi autorisant la pratique de l’avortement, la loi Veil. Mais le droit de disposer librement de notre corps n’est pas encore acquis, car la loi comporte de nombreuses restrictions (évoquées dans un ML précédent), et, petit à petit, le système s’écroule insidieusement : les moyens accordés aux centres IVG se réduisent ; de nombreux moyens de contraception sont peu ou ne sont pas remboursés, comme les pilules mini-dosées que les médecins conseillent aux jeunes filles, et les groupes intégristes, à l’appel indirect du Pape, s’activent sur le modèle américain en attaquant les centres IVG (une centaine recensés en France depuis 1990).
Après avoir boudé l’année 1994, nous commencerons donc l’année 1995 en fêtant la victoire (même partielle) des femmes, que représente la loi Veil. Mais, comme on dit, « la fête oui, mais la lutte aussi ». Pour défendre le droit de choisir, plusieurs manifestations ont eu lieu le 17 janvier à Paris, Lille, Grenoble… Le 21 ou 28 janvier, un rassemblement est prévu à Lorient. Un rassemblement également à Varennes, début février, ainsi qu’à Alençon le 3 mars, à l’initiative du Planning.
Le 28, à l’Auditorium des Halles, à Paris, la Coordination des associations pour le droit à l’avorte-ment et à la contraception (CADAC) vous donne rendez-vous. Si, dans les concerts, les mots sont souvent au service de la musique, la musique, de toute sorte, peut aussi être au service des mots et c’est pour cela que Amina Alaoui, Carla, Francesca Solleville, Kochise, Les Touristes, Les Zamarzones, Marc Robine, Marie-Josée Vilar, Jacqueline Dulac, Sabine Viret, Raymonde et Les Blancs Becs (sous réserve) et Talila Ben Zimet seront présents pour de courtes interventions exprimant leur engagement ou leur soutien au droit de choisir. Au cours de la soirée, alterneront musique et prises de parole avec également la présence de signataires du Manifeste des 343 « salopes », du Manifeste des 331 médecins, entre autres, ainsi que des tables d’information sur la situation actuelle. Prix des places : 50 F (soutien : 100 F).
Géraldine (gr. Ubu - Paris)