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Pour des rythmes scolaires réellement au service des enfants

Le jeudi 21 mars 2002.

Conseil d’animation
de l’ICEM-Pédagogie Freinet

Le 24 janvier 2002

« Il faut répondre aux besoins d’une société qui bouge avec les 35 heures. » E. Ferrand, adjoint au maire de Paris chargé des affaires scolaires, le laisse bien entendre : la société adulte impose de plus en plus son tempo à l’école.

« La semaine des élèves et des enseignants parisiens s’étendrait du lundi au vendredi, avec classe le mercredi matin de 8 h 30 à 12 heures. Des activités périscolaires facultatives seraient proposées le samedi matin. »

Cette proposition de rythmes scolaires serait ainsi en accord avec le temps de travail organisé par le système économique : la RTT libère les adultes dès le vendredi après-midi et les semaines de congés se répartissent tout au long de l’année.

De moins en moins de temps morts pour le marché ! Les entreprises du loisir se bousculent pour prendre leurs parts, accaparer le temps libéré et séduire les municipalités.

Le débat sur les rythmes scolaires, vieux serpent de mer, refait régulièrement surface. Au tour des villes de Lyon et Paris de mener le bal. Il y serait question de réformer les rythmes scolaires pour mieux coller aux évolutions sociales tout en respectant les rythmes des enfants. Les décisions prises dans les deux plus grandes villes françaises pourraient même avoir valeur d’exemple pour l’ensemble du territoire. Du coup, un véritable lobbying est exercé par certaines catégories aisées de parents qui font prévaloir leurs intérêts familiaux.

[…]

L’enfant comme « objet » de l’école, des parents, des marchés spécifiques est au centre des attentions ! Mais l’enfant comme être unique en construction n’est pas au cœur des réflexions sur le temps et l’espace qu’on lui accorde. Son temps lui est personnel, il ne se règle pas à coup d’activités, de programmation, de découpage. Il doit pouvoir s’étendre, se détendre au milieu des autres.

Pour nous, la réflexion demeure réductrice car elle limite le débat au cadre temporel de l’année scolaire qui est elle-même un découpage artificiel ne permettant pas à l’enfant cette mise en relations. Respecter le rythme de l’enfant, c’est penser aussi sa progression sur plusieurs années, c’est se poser le bien-fondé du triptyque : un enseignant/un cours/une année.

[…]

En alignant toujours plus le temps scolaire sur le temps de travail des parents, se pose le problème de l’ouverture de l’école aux familles. L’abandon du samedi matin génère un appauvrissement des relations école-parents. Songeons par exemple à la richesse de l’« heure des parents » du samedi matin dans de nombreuses classes Freinet où les enfants présentent leurs œuvres, aboutissement du travail de la semaine. Par ailleurs, la rupture de rythme occasionnée par un week-end de deux jours est préjudiciable à la majorité des enfants, comme en attestent les chronobiologistes mais aussi nos constats sur le terrain.

L’offre péri-éducative envisagée le samedi matin, à destination prioritaire des familles modestes ne serait-elle pas aussi pertinente le mercredi matin ? À l’opposé de l’esprit de consommation qui dicte trop souvent ces activités, c’est à une véritable implication des personnes dans des projets coopératifs, c’est à un appel au partenariat entre animateurs et équipes enseignantes, allant vers une réelle écoute et un accompagnement des projets d’enfants, qu’il nous faut travailler.

L’articulation du scolaire et du périscolaire sur la journée fait écho à d’autres débats. Le découpage du temps proposé par ce genre de réforme, morcelle encore plus l’accès aux savoirs : temps pour les savoirs fondamentaux, temps pour les savoirs artistiques, sportifs…

Attachés à une approche globale de l’enfant, induisant des apprentissages transversaux, nous dénonçons ce risque de division toujours plus fort de l’action éducative. L’enseignant sera-t-il limité à la transmission de « savoirs de base » ?

Qu’adviendra-t-il des enfants qui n’auront pas les moyens d’accéder aux espaces marchands périscolaires, compte tenu d’inévitables disparités entre les communes ?

Consommation d’école et de loisirs, sous l’emprise du libéralisme, ou implication et coopération éducative dans un contexte de temps libéré : on voit que cette question des rythmes scolaires nous ramène subrepticement aux problématiques d’une démocratie plus participative, intégrant les relations dans et autour de l’école.