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Crise en Argentine

la responsabilité cachée de la France
Le jeudi 21 mars 2002.

La dictature de Videla (1976-1983), qui a fait 30 000 disparus et
15 000 morts parmi les opposants au système, a posé les bases d’une économie néolibérale dans le pays. Ainsi, en sept ans de dictature, la dette extérieure a été multipliée par cinq, alors que la part des salaires dans le produit national brut est passée de 43 à 22 %. En 1982, la dette des entreprises privées est étatisée. À partir de 1983, les gouvernementsdits « démocratiques » des deux partis traditionnels (justicialiste et Union civique radicale) ont continué et même accentué cette politique économique, poussant une partie de plus en plus importante de la population à la misère. « Prisonnière » de sa dette, l’Argentine suit à la lettre les « conseils » du FMI : privatisation et stabilité financière. Ces objectifs sont atteints à force de brader le patrimoine national, d’ajustements permanents sur les salaires et les budgets d’éducation et de santé, à force de laminer les services publics et de casser le système de protection sociale pour imposer les fonds de pensions.

Pour connaître le coupable, il faut d’abord se demander à qui profite le crime ! Il suffit de regarder parallèlement les effets de la politique néolibérale sur les grands groupes économiques et les gouvernements étrangers et ceux sur le peuple argentin pour y voir clair. L’Argentine est un cas d’école. Pays riche, il a suivi comme personne les mandats du FMI et connaît aujourd’hui la plus grande faillite de son histoire. Les multinationales et les sociétés étrangères contrôlent désormais 90 % des banques et 40 % de l’industrie. Le projet de mettre à terre l’appareil productif du pays pour en faire un terrain d’extraction des ressources humaines et naturelles pour les Américains et les Européens a marché. La France, fortement implantée en Argentine, est coresponsable de la crise actuelle et du désespoir de la population ; France Telecom est d’ailleurs un exemple plus que parlant.

France Telecom, appartenant totalement à l’État au moment des privatisations (début des années 90), détient 50 % du consortium Nortel, détenteur de 60 % de Telecom Argentina, société qui a acheté pour des miettes la moitié des télécommunications du pays. Alors que Telecom Argentina pense clore l’année 2002 avec un bilan de 82 millions de dollars, le pays compte 14 millions de pauvres et 30 % de chômeurs. Depuis leur implantation, Telecom et Telefonica de España ont licencié près de 50 % du personnel, baissé les salaires et précarisé le secteur.

France Telecom se comporte comme un véritable prédateur dans les pays en développement. Ses acquisitions en Argentine lui ont rapporté de confortables bénéfices pendant des années. Pour autant, la direction de Telecom Argentina, dont France Telecom est actionnaire, décide une baisse de 10 % des salaires en novembre 2001. Devant le refus des représentants syndicaux de signer cet accord, la direction envoie un télégramme à 413 employés pour leur annoncer leur licenciement immédiat. La lutte des syndicats a freiné ces licenciements. La politique d’acquisition de France Telecom ailleurs dans le monde est toujours suivie des mêmes effets, comme cela a été le cas en Pologne, aux Pays-Bas ou au Danemark. En France aussi, la direction n’a de cesse de réduire les effectifs et les conditions de travail se dégradent toujours un peu plus. Le comportement de France Telecom nous concerne tous : salariés en France ou dans le monde.

Aujourd’hui nous appelons à réagir et à dénoncer France Telecom, un des exemples symboliques d’entreprises « paupérisatrices » implantées en Argentine. C’est pour cela que nous avons « escraché [1] » France Telecom et les autres groupes français (Carrefour-Promodès, EDF, TotalFinaElf, Danone), européens et américains le jeudi 14 mars devant le siège social de France Telecom, 6, place d’Alleray à Paris.

Hijos-Paris


[1Escracher signifie mettre en évidence, dénoncer une personne ou une entité qui, protégée par l’impunité juridique, fuit la responsabilité de ses crimes. L’escrache est une forme de désobéissance civile, une condamnation sociale créée par Hijos, l’organisation qui réunit des enfants de disparus, d’assassinés et d’exilés de la dernière dictature militaire argentine pour dénoncer l’impunité dont bénéficient les tortionnaires.