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Camp de la honte

Le jeudi 10 avril 2003.

Le six mars dernier l’Anafé
(Association nationale d’assistance
aux frontières pour les étrangers) et
Médecins du monde ont, lors d’une
conférence de presse, rendu public
leurs rapports sur les mauvais traitements réservés aux étrangères et
étrangers enfermés dans le camp de
la honte situé dans l’enceinte de
l’aéroport de Roissy. Combien faudra-t-il de morts violentes suite à
des embarquements forcés dans les
« charters » à la sauce Pasqua ?
Dernièrement Ricardo Barientos de
nationalité argentine et Mariam Geta
Hagos de nationalité somalienne
sont décédés brutalement à Roissy
dans la zone de non droit. Les autres
réfugiés politiques, économiques au
nombre de cinq cent pour deux cent
soixante quinze places, parqués
comme des animaux, sont pour le
moment juste victime des violences
quotidiennes et systématiques de la
part des représentants de l’État…

Que le parquet de Bobigny
ouvre une information judiciaire
contre X pour homicide involontaire (pourquoi contre X et pourquoi involontaire ?) ne nous rassure
nullement. Nous ne pouvons nous
leurrer sur les résultats d’une
enquête d’État concernant la « malveillance » de représentants de ce
même État… En février, quinze chinois ont été réexpédiés dans leur
pays particulièrement respectueux
du droit des humains. Début mars,
c’était au tour de cinquante-quatre
africains. Les « charters » refonctionnent et ce n’est que le début. Les
rapports des deux ONG impliquées
sont accablant : « violation systématique des droits fondamentaux, refus
d’enregistrement des demandes
d’asile, obstruction au droit d’accès
des associations habilitées, refoulement quotidien des personnes dont
la demande n’a pas été prise en
compte, pressions psychologiques,
intimidations, injures, brutalités,
violences etc. ».Tout ceci se passe en
France, terre de liberté, « pays des
droits de l’homme ». Les forces de
leur ordre qui « officient » aussi
sont dénoncés par les deux ONG.
Ces deux associations ont saisi le
Comité de Prévention de la torture,
c’est dire… Mais notre humaniste de
ministre de l’Intérieur légitime les
« vols groupés » et va « former » ses
policiers, on est rassuré ! Rendre
humain un tortionnaire ne relèverait-il pas de la gageure ?

Les associations demandent un
droit
d’accès
inconditionnel.
Sarkozy leurs répond vouloir les
autoriser à l’avenir à être présentes
en permanence à condition qu’elles
s’en tiennent à un « soutien humanitaire et social et pas à des conseils
juridiques pour détourner les lois
de la république ». Cela se passe de
commentaire…

Nous anarchistes demandons
la suppression pure et simple de
tous les camps de rétention. Que les
réfugié(e)s soient accueillis dans
des structures sociales type CHRS
(centre d’hébergement et de réinsertion sociale) dans un premier
temps. Nous exigeons que ces
enfants, ces femmes, ces hommes
soient pris en charge médicalement
et psychologiquement car toutes et
tous souffrent d’avoir été contraint
de quitter leur pays. Le fait d’être
enfermé dans un camp et d’y être
maltraité vient se surajouter à la
psychopathologie.

Les États riches ne pourront
jamais endiguer le flot de réfugiés
fuyant la guerre et la misère engendrées par le système capitaliste. Á
Roissy, ce sont donc aussi des
gamines et des gamins qui arrivent
seuls sans parents, sans famille.
Dans le jargon professionnel, on les
appelle des « mineurs isolés ». Elles
et ils arrivent de Sierra-Léone, de
Chine… seul avec leur peau, leur
enfance brisée ou leur adolescence
disloquée. Elles et ils ne sont pas
expulsables jusqu’à leur majorité et
après…

Celles et ceux qui n’ont pas la
« chance » d’être pris en charge par
l’aide sociale à l’enfance risquent
fort de tomber dans les sales pattes
d’ordures qui les exploiteront sans
vergogne. Hé Nicolas, combien de
gamines mineures sur les trottoirs
de « ta nation » ?

À la lecture des rapports de ces
ONG, on peut affirmer que les traitements de l’État réservés aux réfugiés dans la zone de non droit
relèvent de la torture. Humaniste
sur la scène internationale dans les
« beaux » discours, les représentants de l’État le sont nettement
moins lorsqu’il s’agit d’agir sur leur
sacro-sainte terre de France. À
Roissy, Calais et partout ailleurs,
exigeons la liberté de vivre en paix
pour toutes et tous.

Rackam le noir