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éditorial du nº 1317

Le jeudi 24 avril 2003.

La paix est revenue. Nous voilà donc de nouveau dans l’entre-deux guerres, et il faut reconstruire l’Irak. Passons rapidement sur les pleurnicheries des uns, écartés pour cause de pacifisme de circonstance de leur gouvernement, et la rapacité des autres, les trusts qui voyagent dans les bagages de toutes les armées, et considérons la reconstruction politique du pays. Puisque, contre toute attente et malgré la ferveur journalistique, l’Idée libertaire n’a pas triomphé, c’est l’État qui revient après s’être un instant assoupi. Et pas du tout un nouvel État, mais bien l’ancien. Celui voué aux gémonies du sanglant dictateur Saddam Hussein. L’État dont les dirigeants disparus sont supposés être jugés — par qui, pour quel crime, et selon quelles lois ? —, l’État voyou, la machine infernale à faire tomber les tours…

À Bagdad, l’ancienne police est revenue. L’ordre est assuré dans les quartiers par les miliciens du parti Baas. Dans le sud du pays, l’armée américaine traite avec d’anciens membres des sinistres services secrets de la dictature, responsables en ces lieux-mêmes d’impitoyables répressions contre les Chiites. C’est ce qu’on appelle une libération !

Comme pour la France de 1945, où les fonctionnaires pétainistes, complices ou acteurs des déportations raciales et politiques, échappèrent massivement à toute sanction, l’important semble être la continuité de l’État. Le peuple, ou plutôt la fraction qui avait pris le maquis, rendit les armes à ceux qu’il avait combattus. Un jour démocratique, le lendemain dictatorial, puis libéral à nouveau… Surtout, ne pas laisser la place vide, surtout ne pas livrer le peuple à lui-même. Faut-il servir telle puissance d’argent, faut-il s’aligner sur des religieux fanatiques ? On le fera, pourvu que la place soit chaude. Les circonstances changent, l’État et sa clique de prévaricateurs restent. Ceux qui veulent changer le monde ne le feront qu’en passant sur le corps refroidi de ce monstre.