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Une Vision non marchande de l’informatique

Le jeudi 8 juin 2000.

Que ce soit au travail, pour les loisirs ou dans la vie de tous les jours, l’informatique, sous toutes ses formes, devient de plus en plus présente et le nombre d’ordinateurs personnels ne cesse de croître. Cela a poussé beaucoup de grands éditeurs de logiciels (Microsoft et Cie) à se tourner vers ce nouveau marché, imposant leurs monopoles et interdisant à tous le droit de pouvoir comprendre comment fonctionne le logiciel (au niveau informatique) et donc à posteriori de pouvoir le modifier et le redistribuer. De plus, l’essor de l’Internet et de l’échange de données au travers de réseaux informatiques oblige les utilisateurs à utiliser seulement certains logiciels compatibles. Or les éditeurs produisent sans cesse de nouvelles versions de leurs logiciels.

Utilisant leurs monopoles et donc une dépendance des utilisateurs vis-à-vis des éditeurs, ces derniers forcent les utilisateurs à devoir racheter un logiciel qu’ils ont déjà payé sous peine de perdre toute compatibilité avec d’autres personnes. Il en découle indéniablement une inégalité économique flagrante entre ceux qui peuvent acheter les mises à jours et les autres. Bien sûr, il est toujours possible de pirater ces nouvelles versions. Mais ceci présente un gros désavantage : pirater un logiciel d’une grande société ne contribue qu’à la rendre plus puissante. Effectivement, seule une minorité ose ou peut pirater un logiciel. Cela force donc la majorité à acheter la nouvelle version pour pouvoir continuer à être compatible avec le pirate. Le piratage contribue donc à renforcer le monopole des éditeurs.

Une garantie de liberté

Pour contrer la mainmise du marché sur l’informatique, plusieurs personnes ont proposé dès les années 1980 une nouvelle vision de l’informatique en créant le concept de logiciels libres (dont le plus connu est incontestablement Linux). Même si leur finalité n’est pas la gratuité, la plupart des logiciels libres le sont. Effectivement, le principal intérêt des logiciels libres est leur grande liberté : liberté d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel. La liberté de copier et de distribuer le logiciel permet à tout possesseur du logiciel de donner ce logiciel à qui il veut. Dans le but d’assurer la possibilité d’étudier, de modifier ou d’améliorer le logiciel, tous les logiciels libres doivent être distribués avec leurs sources (qui est au programme ce qu’est la recette à un plat). Pour protéger ces libertés, plusieurs licences ont été créées comme la G.P.L. (general public license) ou le copyleft. Ce dernier est très intéressant car il force toute personne qui veut redistribuer le logiciel, modifié ou non, à le faire avec les mêmes libertés.

Mais les logiciels libres ne se bornent pas seulement à défendre une certaine vision de l’informatique préférant l’égalité et la liberté plutôt que la logique de profit. En effet, les logiciels libres s’attaquent entièrement à la logique de consommation. Les utilisateurs peuvent dépasser le stade de consommateurs pour devenir acteurs, car la liberté d’étudier et de modifier un programme permet à ceux qui ont des compétences en informatique d’améliorer ces logiciels. Bien sûr, ceux qui n’ont pas ces compétences ne sont pas rejetés, bien au contraire, car ils peuvent rédiger ou traduire toute la documentation accompagnant les logiciels libres. La documentation est très importante, car une idée sous-jacente de la philosophie du logiciel libre est l’importance de l’accessibilité à tous de documents permettant la compréhension des logiciels que l’on utilise, et plus généralement de l’informatique, dans le but d’éviter que l’informatique ne devienne un domaine réservé à quelques individus. Cela est également visible dans la solidarité qui s’exerce entre novices et expérimentés par l’intermédiaire des forums de discussion ou de mailing-lists.

Un champ d’investissement pour les libertaires

Un autre point intéressant est le développement des logiciels et leurs évolutions. Le développement ne se fait pas en fonction de ce qui pourrait rapporter, mais selon l’envie, les besoins de chacun. Cela permet donc de trouver des logiciels libres dans presque tous les domaines. De plus, une grande partie des programmes est développée en commun par des programmeurs, souvent de façon bénévole, répartis un peu partout dans le monde. Cela se fait plutôt sur un mode non-hiérarchique, où plusieurs personnes travaillent ensemble, discutant sur des forums et mettant leurs idées et leur travail en commun.

La liberté de modifier un programme permet donc à toute personne détectant un bug de le corriger et de le communiquer aux auteurs du programme. De même, si quelqu’un apporte de son côté des modifications à un logiciel, ce dernier peut le redistribuer et ainsi faire partager ses améliorations. Tout cela permet aux logiciels libres de s’améliorer bien plus rapidement que les logiciels propriétaires (c’est-à-dire des logiciels où il est interdit de modifier le code source). De plus contrairement à ces derniers, même si des programmeurs décident d’arrêter de le maintenir, n’importe qui peut prendre la relève puisque le code source est disponible. Cela assure une plus grande pérennité aux logiciels libres.

Pourtant, malgré tous les idéaux que propage le monde du logiciel libre, souvent proches de ceux des anarchistes, peu de libertaires s’investissent dans ce domaine. Il serait pourtant important que les anarchistes y prennent part, en favorisant le logiciel libre (en commençant peut-être déjà par utiliser eux-mêmes ces logiciels plutôt que des logiciels propriétaires comme Microsoft ou Apple) et en menant des réflexions sur le logiciel libre et plus généralement sur l’informatique, avant que certains gros éditeurs (comme Corel par exemple), qui surfent sur la vague du libre comme d’autres avant eux ont surfé sur la vague d’Internet (Yahoo, Amazon.com ?), risquent de compromettre gravement ces idéaux.

Guillaume, groupe de Strasbourg de la FA


Pour en savoir plus sur les logiciels libres :
 Free Software Foudation
 Association pour la promotion des logiciels libres
 Association française des utilisateurs de
Linux et des logiciels libres