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Commencer à bosser à 60 ans

Le jeudi 24 avril 2003.

ON NOUS LE RÉPÈTE, on nous le martèle et on nous le rabâche jusqu’à satiété, le problème des retraites, c’est qu’il y a de plus en plus de vieux, qu’ils vivent de plus en plus longtemps et que les jeunes générations qui leur payent leurs retraites (c’est le principe de la répartition) s’épuisent à jeter leurs cotisations dans un puits sans fond.

Face à cette situation (le fait que les gens
vivent de plus en plus vieux) dont tout le
monde devrait se réjouir, les rabougris du cortex qui nous gouvernent, leurs bésicles capitalistiques de droite et de gauche bien vissées
sur le microscope d’une analyse de l’instant,
nous proposent comme solution (la capitalisation, vu que les naufrages boursicoteurs sont
passés de mode) d’augmenter le nombre
d’annuités nécessaire à…, et donc, de reculer
l’âge du départ à la retraite.

À l’heure où l’on rentre dans la « vie
active » de plus en plus tard (because études)
et où l’on en sort de plus en plus tôt (because
qu’à partir de 45 ans on n’est plus rentable
pour les patrons), c’est une réponse au problème dont la pertinence n’aurait pas échappé au père Ubu !

Parlons clair, en effet, avec ce type de raisonnement, on débouche à court ou moyen terme sur la retraite à 80 ans !

Certain(e)s camarades qui se targuent
d’une approche révolutionnaire des choses et
de la vie nous proposent de financer les
retraites par un « partage » plus équitable des
richesses produites (comment et à quel prix)
par les pauvres.

Il est clair qu’il s’agit là d’une version gauchiste de la taxe Tobin qui ne résout rien sur le fond ! Car vivre pourquoi ? Travailler pourquoi ? Produire quoi ? Pour qui ? Comment ? Là sont les véritables questions de la pro-
blématique du travail et, donc, des retraites.

Et la réponse est évidente !

Dès lors, en effet, que l’on estime que la
vie est une chance formidable parce qu’instant
à saisir dans un absurde borné par le néant, et
que pour produire le minimum de choses
nécessaires à la survie, un minimum (cons-
truire des prisons, des sous-marins nucléaires
ou des Mac Do dans les auges desquels les
apprentis sorciers des OGM vont déverser leur
soupe à cochon, n’en n’est pas un) de travail
productif s’avère sinon indispensable, du
moins incontournable, il n’y a pas trente-six
solutions.

Au jour d’aujourd’hui, parce qu’il y a de
moins en moins de jeunes « actifs » et de plus
en plus de vieux, il faut avoir une approche
véritablement révolutionnaire du problème
des retraites.

La solution, la seule, est de mettre les
jeunes à la retraite et les vieux au boulot.
La retraite jusqu’à 55 ans et de 55 ans à la
mort au turbin (utile socialement et écologiquement), ça résout tout.

Comme les vieux sont de plus en plus nombreux et vivent de plus en plus longtemps, il est clair que l’équilibre comptable des caisses de retraites sera rétabli immédiatement et que l’âge du « départ au travail utile socialement » pourra être repoussé au prorata de l’espérance de vie.

De plus, comme c’est quand on est jeune
qu’on a besoin de sous et de sécurité pour
pouvoir effeuiller comme une rose cette
chance qu’est la vie, et comme c’est quand on
est vieux, et qu’on se fait chier la survie
(because la solitude, les deuils et la déchéance)
qu’on est le plus demandeur de reconnaissance sociale, tout le monde serait content.

Équilibre comptable ne cessant de dégager
des bénéfices (de plus en plus de vieux),
humanisme social (on réduit considérablement le suicide des vieux qui se sentent socialement inutiles), progressisme social (le droit
de pipi ne pourra que se renforcer au rythme
des incontinences), retour au sens (la vie
commence avant 55 ans), tout l’pouvoir aux
travailleurs (va expliquer à un travailleur de
95 ans que si jamais il ne s’avise pas de… il
risque de…), c’est tellement évident qu’on a
du mal à comprendre pourquoi personne n’y
a jamais pensé !

Merci, donc, d’attendre un peu pour me
traiter de réformiste poussif au motif qu’il
faudrait se battre pour le départ au travail à
60 ans !

Jean-Marc Raynaud