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Louis Laugier

mars 1961.

Voici un an. Le train fuyait par la campagne enneigée et je ne détachais mes regards des stations savoyardes que pour reprendre la lecture du dernier recueil de poèmes que Louis Laugier venait de faire paraitre.

À l’étape, entre deux conférences, alors que j’étais encore sous l’impression toute fraiche de ces vers, je lui adressais un mot pour lui dire l’écho qu’ils avaient trouvé en moi.

Et je recevais sa réponse qui débutait ainsi :
« Ta lettre est trop gentille, je ne dirai pas qu’elle m’a étonné, car j’avais déjà senti chez toi des aspirations que beaucoup ne sont pas aptes à comprendre, mais celà m’a fait regretter que nous n’ayons jamais eu, au temps où nous nous rencontrions assez souvent, des conversations autres que politiques. »

C’est à mon tour de ressentir ce regret aujourd’hui que Louis Laugier n’est plus.

J’ai connu de lui le pacifiste sans faille, le dévoué secrétaire de l’IRG, le militant modeste et cependant clairvoyant, le propagandiste avare de ses paroles mais dont les interventions étaient toujours opportunes, désintéressées et marquées par l’idéal qui nous est cher.

Mais l’autre, le poète, l’ami avec lequel on disserte jusqu’à l’heure où l’aube blanchit, celui avec qui on s’exalte du phrasé d’un concerto, du rythme d’un vers ou de l’harmonie d’une statue celui-là l’ai-je connu ?

Pressé par la tâche sociale, par le vouloir d’un monde meilleur, par la lutte quotidienne pour cette autre harmonie qui doit permettre à tous les hommes de vivre en commun, de s’apprécier et de se connaitre, je n’ai fait que pressentir de lui tout ce qu’il avait d’aspirations et de rêves.

Aussi, à cette heure où je consacre ces lignes à celui qui fut notre ami et notre collaborateur, c’est cette autre partie de lui-même que j’offre au regret et au souvenir de ceux qui l’ont approché.

Maurice Laisant