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Des mois de casse sociale

Le jeudi 1er mai 2003.

Pendant que Sarko le Zorro occupe la scène médiatique béate, pourchasse le crime, fait des apparitions surprises organisées comme un show à l’américaine, Raffarin, son gouvernement, sa majorité et le Medef œuvrent sur le grand chantier du quinquennat : la démolition sociale.

Tout d’abord, avec courage, sur les pauvres. Ils peuvent payer, finis les soins gratuits pour les plus pauvres. Désormais la CMU (couverture médicale universelle) fait l’objet de mesures restrictives ; par exemple, sur le délai de carence, un délai jugé dangereux pour bien des malades.

Ce n’est pas seulement une question de justice mais de santé publique. Pendant ce temps-là, médecins et chirurgiens obtenaient, eux, la prise en charge par la collectivité de la revalorisation de leurs honoraires et de leurs factures d’assurance.

Les « smicards » dont le salaire est bloqué jusqu’en 2005 pour 80 % d’entre eux, le temps que les autres 20 % rattrapent leur niveau, attendent.

Pendant ce temps-là, les ministres n’ont pas attendu cette date pour s’accorder de confortables augmentations.

Faut-il se rappeler que le salaire minimal n’a plus rien de minimal : 3,4 millions de salariés reçoivent un salaire inférieur. Entre 1993 et 1998, la moitié des emplois créés étaient des emplois payés au-dessous du Smic, et cela continue.

Moins d’impôts pour les riches !

Les impôts sur le revenu, la réduction d’impôts pour l’emploi de salariés à domicile (ce qui concerne les ménages les plus favorisés), les réductions fiscales liées aux placements financiers se sont multipliés (exonération d’impôts pour les plus-values mobilières jusqu’à 15 000 euros par exemple). Les plus riches empochent la mise.

Par contre on réduit quelques avantages liés aux plans d’épargne logement.

Là, les petits épargnants sont touchés.

Pendant ce temps là, les chômeurs sont moins indemnisés.

 L’on réduit les prestations reçues

 L’on augmente les cotisations payées par les salariés.

Les économies réalisées seront assumées à 25 % par les employeurs, à 25 % par les salariés et à 50 % par les chômeurs.

Ces derniers voient leur cotisation pour la retraite complémentaire passer de 1,2 % à 3 %. Bref, il faudra cotiser plus pour toucher moins et moins longtemps.

Les chômeurs disposent d’un revenu de remplacement de plus en plus faible et, pour les salariés de plus de 55 ans, la durée d’indemnisation est ramenée de 60 mois à 36.

Pendant ce temps-là, le droit de licencier est élargi ; la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 est suspendue. Les licenciements, qui déjà ne connaissaient pas beaucoup d’entraves, sont encore plus simples.

Les comités d’entreprise ne disposent plus du « droit d’opposition » aux plans de suppression d’emploi ; les prérogatives des inspecteurs du travail en la matière sont purement et simplement annulées.

Pendant ce temps-là, la loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises est abrogée. Les aides pourront donc être détournées de leur objectif, sans que quiconque puisse intervenir.

Pendant ce temps-là, les 35 heures sont attaquées. La loi sur la réduction du temps de travail (symbolique des progrès et des cafouillages) est mise en cause par le gouvernement Raffarin. Officiellement le temps de travail hebdomadaire reste fixé à 35 heures, mais une série de dispositions réglementaires permet de passer outre.

Par exemple, le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisé est porté à 180 heures (contre 130 heures), ce qui correspond à 4 heures de travail en plus par semaine en moyenne, et les majorations salariales qui étaient de 25 % à 50 % selon les cas tombent à 10 %.

De plus, les réductions des cotisations sociales patronales sur les salaires inférieurs à 1,7 fois le Smic sont étendues à toutes les entreprises. Par-là, on autorise, on encourage les bas salaires.

Pendant ce temps-là, le logement social est en panne ; l’article 55 de la loi de la solidarité et de renouvellement urbain (SRU) qui obligeaient les communes de plus de 1 500 habitants en Île-de-France et plus de 3 500 en province a disposer de logements sociaux à hauteur de 20 % sur l’ensemble des habitations est suspendu.

Du logement social, oui, mais pas chez moi, semblent dire les élus de droite des communes les plus riches.

Pendant ce temps-là, l’école est sous pression budgétaire ; de ce fait, nous constatons que la suppression des emplois jeunes a pour conséquence la réduction du personnel de surveillance et d’accompagnement des élèves.

Utiles mais sous-payés, ces emplois jeunes auraient dû être transformés en véritables postes.

Outre ces postes, seront également supprimés des postes de maître d’internat et de surveillant d’internat.

Le gouvernement fait passer les mesures les plus réactionnaires sous forme d’amendements parlementaires afin de ne pas en paraître l’initiateur.

Nous avons une droite sans surprise retrouvant ses vraies valeurs : les budgets de la police, de la justice pénitentiaire et de l’armée sont en forte augmentation tandis que stagnent ou diminuent ceux de l’éducation, de la recherche et de la culture.

Mais elle reste sur sa soif, les libéraux extrémistes et le patronat s’impatientent.

Le pire est à venir

Un première historique, Raffarin, Premier ministre se rend à l’Assemblée générale du Medef, il y reçoit des « conseils » : réduction des dépenses de l’État et des effectifs des fonctionnaires, mise en place d’un service minimal dans le secteur public, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (déjà dérisoire dans les faits), réduction encore plus forte des charges et impôts sur les entreprises, remise en cause de la retraite à 60 ans par l’allongement de la durée des cotisations et par création de fonds de pension, remettre « la France au travail » par la suppression des 35 heures et, bientôt, la privatisation de l’assurance maladie…

Pendant ce temps-là, nous voyons la multiplication des fermetures d’entreprises, licenciements et suppression d’emplois.

Arrogance et suffisance

Le baron Seillère règne et le Medef exerce son droit d’ingérence et le revendique haut et fort. La réforme du régime des retraites va servir de test parce qu’elle remet en cause les bases d’un compromis social acquis il y a plus de cinquante ans par nos aînés : la répartition du produit national entre les parties prenantes et la solidarité entre générations, entre les travailleurs.

Cela nécessite un débat de société et non une solution politique.

Il est à craindre que ce gouvernement ne se dérobe dans ce domaine comme dans les autres, la droite détient pourtant tous les pouvoirs.

Mais il lui manque une légitimité démocratique ; quand une majorité parlementaire repose sur les suffrages d’un tiers des électeurs à l’Assemblée nationale, un quart au Sénat et qu’un président « plébiscité » au second tour a rassemblé moins de 20 % au premier…

Alors, rien ne garantit qu’une majorité de citoyens soit prête à jeter à la casse nos droits durement conquis et que l’on voudrait faire passer pour des revendications subversives.

Pendant ce temps-là, l’espoir demeure.

Guy Hénocque, groupe Bakounine