Accueil > Archives > 1984 (nº 512 à 555) > .554 (20 déc. 1984) > [Libérez les Otages !]

Libérez les Otages !

Le jeudi 20 décembre 1984.

Otages est un journal qui, depuis janvier 1984, s’est fixé pour but d’être un outil pour l’expression des détenus (hommes et femmes), et en particulier de servir de chambre d’échos pour les prisonniers en lutte contre l’enfermement, afin que leur voix ne soient plus étouffées par les médias à la botte du pouvoir. Ainsi, Otages ne tient pas à être un simple journal d’informations sur ce qui se vit derrière les murs des prisons françaises, mais bien un moyen mis à la disposition de ceux qui, de l’intérieur et de l’extérieur, visent à abattre toute forme d’enfermement et donc à détruire le système dont la prison est un des piliers.

Otages étant un espace de lutte non contrôlable, il était évident que tôt ou tard l’État socialiste s’y attaquerait… Le jeudi 15 novembre, vers 17 heures, une opération « coup-de-poing » contre Action directe et les Cellules combattantes communistes s’est déroulée à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille. Six personnes ont été arrêtées et parmi elles deux membres de la rédaction d’Otages, Yves Deschamps et Thierry Destriez. D’autre part, Dominique Lemaire, directrice de publication, a été présentée par les flics comme étant en fuite, ce qui ne l’a pas empêchée d’être pré-sente aux « Quinze jours contre l’enfermement » à Toulouse et de participer à des débats réunissant plusieurs centaines de personnes !

L’intox

Une fois encore, le pouvoir tente de criminaliser toute lutte contre la prison, en assimilant ceux qui se solidarisent activement avec les détenus à des « terroristes ». Une journaliste, Paula Jacques, aime un « militant présumé d’Action directe » ? Elle est donc « complice » ! Un écrivain, Dan Frank connaît des militants recherchés ? Il est « complice » ! Un anarchiste, Orazzio Valastro, refuse de servir de « balance » ? Il est « complice », et ainsi de suite ! Yves et Thierry sont dam le même cas…

Ceux qui, aujourd’hui, traquent les « terroristes » — qui ne terrorisent pas grand monde, à la vérité ! — , sont ceux qui se réclament à grands cris d’une certaine résistance. À présent, ils proposent ni plus ni moins, à ceux qui sont tombés dans leurs filets, de collaborer 1 La délation institutionnalisée… à quand les portraits dans les rues, avec promesse de récompense pour quiconque dénoncera ?

La seule solidarité que l’État tolère envers les taulards, c’est d’envoyer des colis de Noël. Ça, au moins, ce n’est pas subversif !

Mais créer un journal pour que les prisonniers s’expriment, faire une émission de radio libre pour que crève l’isolement, répercuter tout azimut les informations sur la vie carcérale et les pratiques arbitraires de l’administration pénitentiaire, ça, c’est interdit ! Et comme on est socialiste, n’est-ce pas, on a du mal à matraquer sans tenir compte des réactions de l’opinion alors on criminalise, on calomnie, on dénature, bref on désinforme et on intoxique afin de pouvoir réprimer en toute tranquillité. Si Action directe n’existait pas, il faudrait l’inventer !

Lors des dernières révoltes dans les prisons, Otages a joué son rôle : celui de coordonner les luttes, dans un seul but : être le plus efficace possible contre la machine à écraser les individus. La répression actuelle est, à l’évidence, un règlement de compte.

« Nous sommes et resterons les complices de tous ceux qui luttent contre l’enfermement. Cela, la presse, la police et la justice l’ont compris. Et pour terroriser les tenants de cette attitude politique, tous se sont empressés d’en faire un délit : le recel de malfaiteurs. », déclare aujourd’hui l’équipe d’Otages [1]. Et ils n’ont pas du tout l’intention de baisser les bras, il y a trop de pain sur la planche !

Solidarité !

Le principal terroriste, c’est l’État. Les anarchistes ne ces-sent et ne cesseront jamais de le répéter. Ils se refusent, eux aussi, à tomber dans le piège grossier d’une solidarité sélective face à ceux qui se retrouvent enfermés. Même si des désaccords évidents nous opposent à certains mouvements victimes de la répression, nous nous devons de les soutenir malgré tout, non parce que nous sommes sur leurs positions politiques ou en accord avec leur « stratégie », mais bien parce que la lutte contre la prison ou toute autre forme d’enfermement, comme la lutte contre l’armée, la justice, la police, est une lutte indissociable de notre combat anti-capitaliste et anti-étatique. « Théorie est pratique ne doivent faire qu’un si nous voulons réussir. » (Kropotkine, « Théorie et pratique ». in Le Révolté.)

Gil
Gr. Libertad


[1« Otages » B P. 37. 59651 Villeneuve-d’Ascq cedex. Un dossier sur la situation du journal et sur la répression que connaissent certains de ses animateurs est disponible également à cette adresse On peut aussi soutenir Yves et Thierry en leur écrivant Yves Deschamps. écrou 20 760. et Thierry Destriez écrou 20 759, Maison d’arrêt, 2, avenue du Train-de-Loos, 59374, Loos cedex.
Le tribunal s’est prononcé pour la mise en liberté de Thierry et Yves, mais le parquet a fait appel.