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Notre camarade Umberto Marzocchi

Le jeudi 26 juin 1986.

Savona, petite ville méditerranéenne d’Italie proche de la frontière française, a vu passer sous ses fenêtres le cortège qui emmenait notre compagnon Umberto Marzocchi au cimetière. Jamais les « Savonesi » n’avaient vu cela. Quelques centaines de personnes s’étaient réunies pour rendre hommage à cet homme exemplaire.

Le cortège défila en chantant Addio Lugano bella et Figli dell’officina jusqu’à la place Brennero, avant de rejoindre en voiture le cimetière situé à la sortie de la ville. C’était émouvant, tant par la tristesse que par la dignité qui émanait de ce rassemblement. Le cerceuil était recouvert d’un drapeau noir au sigle de la FAI (Fédération anarchiste italienne). Le cortège était hérissé de dra-peaux pour la plupart anarchistes (parmi lesquels il ne pouvait manquer d’y avoir celui du groupe Pietro-Gori dont Umberto a toujours fait partie), mais il y avait également ceux d’organisations antifascistes où nombre d’anarchistes italiens sont présents : l’Association nationale des partisans italiens (ANPI), l’Association nationale dés persécutés politiques italiens antifascistes (ANPPIA).

Combattant antifasciste

Sur la place, Claudia Venza [1] a retracé la vie d’Umberto. Vie militante bien remplie, vie d’un homme honnête et courageux, toujours sur la brèche, ce qui forçait le respect de tous, non seulement des anarchistes, mais aussi des autres composantes du mouvement ouvrier et antifasciste.

La vie d’Umberto est un roman. Né en 1900, à 17 ans il entre comme ouvrier à la Vickers-Terni à La Spezia et s’inscrit à l’Union syndicale italienne (USI, anarcho-syndicaliste) où il devient rapidement un agitateur ouvrier actif. En 1920, durant l’occupation des usines, il prend part à l’occupation de l’arsenal. Il est l’un des fondateurs de l’Union anarchiste italienne (UAI, aujourd’hui FAI).

En 1921, il participe aux combats de Sarzana, ville d’où les fascistes sont repoussés. A cause de son engagement anarchiste et antifasciste, il est poursuivi par les « chemises noires ». Il est obligé de se réfugier d’abord à Savona, puis en France où il dût vivre pendant longtemps clandestinement sous un faux nom.

En 1936, ses convictions le pousse en Espagne. Il occupe un poste de respon-sabilité dans la colonne italienne « Francisco-Ascaso » de la CNT-FAI (Confédération nationale du travail, Fédération anarchiste ibérique) sur le front d’Aragon. La contre-révolution triomphant, il rentre en France et prend rapidement contact avec la résistance française à Toulouse. Son combat contre le nazisme est la suite logique de sa lutte contre les fascistes italiens et espagnols. Il lutte pour la liberté et fait d’abord partie du maquis de la « Cruzette puis forme avec des camarades espagnols de Saint-Girons et des socialistes de Toulouse le maquis « Bidon 5 ».

Militant anarchiste

À l’automne 1945, il retourne en Italie et se lance dans une propagande anarchiste très active. Il faut relancer le mouvement, alors il participe aux meetings et conférences, rédige des articles, etc. Comme organisateur infatiguable, il est chargé de responsabilités à la Fédération anarchiste italienne. Durant plusieurs années, il est responsable d’Umanità Nova, organe de la FAI.

Mais cela ne lui suffit pas, il pense que les fédérations anarchistes nationa-les existantes doivent se fédérer. En 1968, il est l’un des fondateurs de l’Internationale des fédérations anarchistes (IFA) dont il fût le secrétaire pendant plus de dix ans. Jusqu’à sa mort, il a travaillé au renforcement du mouvement anarchiste international organisé. Il ne se ménageait pas pour resserrer les liens déjà existants entre les fédérations française, espagnole, bulgare et bien sûr italienne. il œuvrait en plus à la création d’organisations dans les autres pays. C’était le but de l’IFA, c’était aussi le sien.

Mais Umberto ne se battit pas seulement dans les organisations anarchistes. Les syndicats, mais aussi les asso-ciations antifascistes, le virent toujours prêt pour le combat contre la « bête noire ». Il était d’ailleurs le président de l’ANPI et de I’ANPPIA pour la province de Savona, et le vice-président de l’Association italienne des combattants volontaires antifascistes d’Espagne (AICVAS).

Il n’est pas de lutte pour le bien-être et le respect de l’être humain qui n’ait eu son soutien. Le syndicalisme, l’anti-militarisme, etc. À la fin de 1970, il est un des promoteurs de la Ligue pour le désarmement unilatéral de l’Italie. Sa dernière détention date de 1977 et se situe en Espagne. Il participait à une réunion pour la reconstruction de la Fédération anarchiste ibérique.

Jusqu’en 1983, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 83 ans, Umberto voyagea pour le mouvement. il allait partout où on le demandait. Il a toujours su accorder la réflexion et la parole aux actes. Il montrait l’exemple car il n’avait pas l’âme d’un bureaucrate.

Mais, et Paolo Finzi l’a très bien rappelé lors de son beau discours au cimetière, Umberto été avant tout un homme qui vivait en harmonie avec ses idées. il n’était pas seulement un militant anarchiste, c’était un anarchiste. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans sa famille, la plupart sont anarchistes et que les autres respectent nos idées. Il était aimé et respecté non seulement à cause de ses connaissances, mais surtout parce qu’il était intègre et généreux. Sa maison était ouverte à tous sans distinctions, et il en a vu passer du monde. Des militants de tous les coins du globe venaient s’entretenir avec lui. Chaque fois, il les interrogeait sur la vie dans leurs pays respectifs et où en était le mouvement anarchiste.

Ceux qui l’ont connu se souviendront de l’accueil que l’on recevait chez lui, accueil chaleureux qu’il avait su communiquer à sa famille, accueil sans conditions qu’il rendait enrichissant par ses discussions.

Relations internationales


[1Claudio Venza, historien et militant de la F.A.I., travaille sur une biographie de Marzocchi.