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Code de la nationalité

Nouvel apartheid

Le jeudi 17 juin 1993.

Refonte du code de la nationalité, légitimation des contrôles d’identité au faciès, renforce-ment des contrôles aux frontières, atteinte au droit d’asile, limitation du regroupement familial, objectif « immigration zéro »… Le gouverne-ment Balladur surenchérit dans la politique du bouc émissaire : tout immigré devient un « ennemi intérieur ». Qui plus est, en désignant du doigt les « salauds de pauvres » qui travaillent au Vietnam ou Madagascar pour une bouchée de pain et qui nous « volent nos emplois », tout étranger devient un « ennemi de la patrie ». Bref, c’est le grand retour de « l’anti-France » et de « l’Union sacrée »… Et toutes ces joyeuses mesures parce que l’austérité tant rabâchée et qui devait, ô miracle, sauvegarder l’emploi (augmentation de la CSG, blocage des salaires, attaques contre les retraites, la Sécurité sociale, les Assedic…), n’empêchera pas 300 000 nouveaux chômeurs à la fin de l’année ! Alors, il faut bien faire passer la pilule. Et canaliser de suite le mécontente-ment qui ne manquera pas de se faire jour, pendant que patrons et financiers accumulent primes et exonérations de charge… Pour le gouvernement, il est urgent de désigner d’avance les coupables qui lui conviennent.

Au travers du code de la nationalité, le gouvernement, non content de créer des résidents sans droit et de les criminaliser, ravive dans la population des sentiments patriotiques et chauvins qui se targuent d’une illusoire « spécificité française », dont le seul but, pourtant, est de susciter et d’organiser les plus ubuesques collaborations de classes : l’union des riches et des pauvres, des patrons et des salariés. Or pour nous, appartenir à la « nation française », être français, ne peut avoir ni signification ni valeur à nos yeux. Car le nationalisme ne peut aboutir qu’à l’hystérie et à la guerre. Du supporter de l’OM au plus distingué des « philosophes » louant les vertus d’une « identité française », c’est la même mentalité étriquée du clan, la même volonté d’ériger des murs entre « nous » et « les autres », en arguant de différences réelles ou imaginaires. La nation peut-elle faire bon ménage avec la liberté, l’égalité et l’entraide ? Certainement pas ! Finalement, c’est le même désir sous-jacent « d’épuration ethnique ». Dans ces conditions, peut-il y avoir un bon code de la nationalité ?

Peut-on, aussi, se satisfaire d’un « né en France = Français » du PC, lorsque celui-ci clame dans le même temps « produisons français » et exige dans ses municipalités des seuils de tolérance ? Peut-on donner crédit au PS quand il trouve de « bonnes questions » dans le discours du FN (Fabius), qu’il crée les camps de rétention ou se trouve une fausse bonne conscience en déclarant comme Rocard : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » ? Tous sont aujourd’hui fort mal placés pour s’opposer aux délires racistes et nationalistes qu’eux-mêmes ont cautionnés et cautionnent encore. S’ils peuvent se mettre d’accord pour cartonner Pasqua, ils ne peuvent, et pour cause, s’opposer sur le fond…

Si nous ne voulons plus que nos conditions de vie continuent de se dégrader, si nous voulons faire barrage à la montée du fascisme, nous devons imposer une alternative à l’État et au capitalisme. Il n’y a pas, il n’y aura jamais de bonne gestion du capitalisme ; le capital n’a qu’une seule règle : faire le maximum de profit. Il n’y aura jamais non plus d’appareil d’État « bien utilisé, pour plus de justice sociale », comme ils le disent tous, mais toujours plus de contrôle social, toujours plus de répression.

Bertrand Dekoninck & Sylvie Dupin (d’après tract de la FA de Lyon)