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Turquie

Le prix d’un hélicoptère français des milliers de vies kurdes

Le jeudi 3 février 1994.

La raison d’État a des raisons que la raison ignore. Il en est ainsi des ventes d’armes, secteur protégé par excellence, qui n’apparaissent dans les « comptes de la nation » — la balance commerciale — que sous un chiffre global dont on se garde bien de donner le détail. Il est pourtant des détails qui choquent, comme cette interview de PDG de la firme Eurocopter, Jean-François Bigay, donnée au quotidien turc Milliyet le 8 décembre dernier au lendemain de l’interdiction en France du PKK. Ainsi peut-on y lire que « M. Jean-François Bigay […] a déclaré qu’il souhaitait vendre au total 75 hélicoptères à la Turquie […] pour un montant de 253 millions de dollars US [soit 1,4 milliard de francs]. Au lendemain de l’interdiction du PKK en France, les firmes françaises […] veulent profiter au maximum de ce climat de confiance entre les deux pays. » En bon commerçant, M. Bigay a également précisé que « les hélicoptères Super Puma-Cougar […] étaient utilisés avec beaucoup d’efficacité par de nombreux pays aussi bien dans les guerres conventionnelles que dans la lutte contre les mouvements de guérilla. […] Si nous parvenons à un accord de coproduction avec la Turquie, cela pourrait nous permettre de gagner également les marchés des républiques turques (d’ex-Urss). » Intéressante précision que celle de ce journal turc : « Tenant à préciser que la vente d’hélicoptères de combat se faisait après autorisation du gouvernement et du parlement français, et qu’il en était de même pour cette vente à la Turquie, M. Bigay a déclaré que l’armée turque utilisait généralement du matériel américain et qu’elle avait décidé cette fois-ci d’acheter des hélicoptères français ».

Quant à savoir à quoi serviront ces hélicoptères, il affirme tout de même : « À partir du moment où ils seront livrés, ces hélicoptères appartiendront à la Turquie. Ce n’est pas à nous de nous occuper de la façon dont ils seront utilisés, ni de restreindre leur champ d’utilisation ». Évidemment non, il s’agit de les vendre prêts à l’emploi !

Cette traduction de Milliyet est actuellement diffusée par un collectif d’associations [1] dans le cadre d’une campagne en faveur des Kurdes. Entre autres revendications, il exige benoîtement du gouverne-ment français que soit imposée à la Turquie une close de non-utilisation de ces hélicoptères contre des
populations civiles. Comme si des armes, c’était fait pour être vendues et rester dans des placards… Non aux ventes d’armes, reconversion de l’industrie de l’armement !

Bertrand Dekoninck, (gr. Louise-Michel - Paris)


[1Terre des Hommes, Peuples solidaires, Maison du Monde, la FIDH, Agir ensemble pour les Droits de l’Homme, Agir ici, la Cimade, Comité national Solidarité aux Kurdes et… France-Liberté, l’association présidée par Danièle Mitterrand. Vous pouvez vous procurer un document de 8 pages avec des cartes postales pour cette campagne auprès d’Agir ici, 14, passage Dubail, 75010 Paris.