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Les Sans-papiers en mouvement

Le jeudi 26 septembre 1996.

Alors que Le Pen multiplie les provocations, et que le gouvernement continue d’appliquer ses idées, Lille continue, depuis mai, à vivre à l’heure de la lutte et de la solidarité. Ce furent d’abord des manifestations tous les mercredis à l’appel du Réseau contre les lois Pasqua et toutes les lois anti-immigrés. Puis treize parents étrangers d’enfants français se mirent en grève de la faim à la mi-juin pour obtenir la carte de dix ans. Après une vingtaine de jours de grève, ils obtinrent de la préfecture du Nord un protocole d’accord concernant également 269 autres parents d’enfants français. Le 10 juillet, le tribunal prononçait l’octroi d’une carte de dix ans pour ces treize grévistes de la faim, les premiers à avoir pris leurs affaires en main sur Lille. Victoire totale.

Durant l’été, ce furent les démarches, longues et coûteuses, pour faire établir ces cartes, avec le soutien vigilant du réseau. Ce fut aussi le début de l’application du protocole d’accord, à contre-cœur de la part de la préfecture. Ainsi, 59 dossiers ont effectivement obtenu cette carte. 68 autres n’ont obtenu qu’une carte d’un an avec autorisation de travailler et 13 refus ont été prononcés, alors que le protocole d’accord excluait cette procédure.D’autre part, plusieurs personnes dont la régularisation était à l’étude ont reçu des arrêtés d’expulsion, après avoir été prises dans des contrôles d’identité qui se sont singulièrement accrus !

Depuis le 23 août, la lutte a changer de visage : un comité des sans-papiers s’est créé, luttant pour la régularisation de tous les sans-papiers et l’abrogation des lois racistes. Il est en contact avec la coordination nationale des sans-papiers créée fin juillet à l’initiative de ceux de Saint-Bernard et du réseau de Lille. Au départ constitué d’une dizaine de sans-papiers, il regroupe maintenant près de 90 personnes. En attendant plus… Celles-ci se sont regroupées dans une salle municipale gérée par la CIMADE au 68 rue du marché à Lille. On aurait préféré les voir ailleurs que chez les religieux. Hélas ! une tentative d’occupation avait d’abord été faite à la Bourse du travail, le 3 septembre. Mais les syndicats n’ont pas apprécié de se voir mis devant le fait accompli, et surtout de se voir « occupés ». La CGT tentera de rattraper le coup par la suite et publiera un communiqué de soutien aux sans-papiers. Elle est maintenant à l’initiative d’une manifestation départementale à Lille le 27, relais de la manifestation nationale du 28.

Les sans-papiers continuent la lutte et manifestent tous les mercredis devant la préfecture. Ils ont manifesté également jeudi 19 et organisé un spectacle le 21. Ils déposeront le 30 septembre leur dossier de régularisation à la préfecture. Deux camps, lentement, se dessinent : ceux qui utilisent les immigrés comme boucs émissaires pour faire passer leur politique et ceux qui luttent pour l’égalité, non seulement des droits des personnes mais aussi et surtout l’égalité économique et sociale et conte toutes les oppressions. Pour la libre circulation, le droit d’asile, la non discrimination à l’embauche ou en matière de logement. Contre une société profondément inégalitaire. Et nous sommes de ceux-là !

Bertrand Dekoninck, groupe Humeurs noires (Lille)