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Procès en appel du démontage du McDo

L’action directe en procès à Montpellier

Le jeudi 15 février 2001.

Ça ne sert à rien de brûler des MacDo
Charmag


C’est le 16 février que les militants de la Confédération paysanne passeront pour la deuxième fois en procès à Montpellier, suite au démontage du McDo de Millau en 1999. Déjà jugés en première instance, l’été dernier à Millau, la petite dizaine de militants paysans avait été condamnée à des peines de prisons. Ce premier procès avait mobilisé des dizaine de milliers de personnes qui, de toute la France étaient venues apporter leur sou-tien et affirmer leur opposition à la toute puissance des marchés. Les militants de la « Conf » ayant fait appel, le procès de Montpellier sera l’occasion d’une nouvelle mobilisation. Une mobilisation de soutien aux inculpés, mais aussi un nouveau rendez-vous contre la mondialisation du capital.

Toujours la répression

L’utilisation de la répression pour casser la contestation n’est pas à proprement dit une nouveauté. Par contre, depuis quelques années, on voit la justice remplacer ou compléter de façon quasi systématique la répression policière. Ainsi les militants qui sont déférés devant les tribunaux pour leurs actions sont de plus en plus nombreux. Un nombre croissant de grèves finissent devant les juges. De nombreux militants sont poursuivis pour délit de solidarité avec la lutte des sans papiers.

Cette nouvelle forme que prend la répression est très perverse car elle a pour effet de nier le caractère politique de telle ou telle action pour la renvoyer à un phénomène délictueux. Cela présente l’avantage pour ceux qui nous exploitent et nous gouvernent de fixer un cadre pour l’action politique ou syndicale. L’État à travers la justice, définit quelle action est légitime ou pas. Évidemment, la plupart des actions directes des exploités tombent sous le coup de la loi. Une barrière est ainsi placée entre ce qui relève de l’action acceptable et du fait délictueux. Il est clair que cette barrière permet de limiter la possibilité pour l’ensemble du mouvement social de réagir directement contre ses oppresseurs. La norme qui est imposée là aux mouvements sociaux est d’accepter lm règles du jeu fixés par l’État et les patrons.

Pour ne pas voir nos lunes criminalisées, nous devons faire preuve d’une solidarité sans faille avec les victimes de la répression policière ou judiciaire pour réaffirmer systématiquement le caractère politique de nos actions militantes. Dans le cas des procès contre la Confédération paysanne, la forte mobilisation qui entoure les inculpés, permet de ne pas se laisser déposséder du discours politique au profit d’une vision strictement judiciaire de l’action syndicale. C’est une leçon dont il faut s’inspirer pour réagir aux attaques que le mouvement social subit.

Mondialisation

Au-delà du soutien aux militants inculpés, les manifestations qui auront lieu les 15 et 16 février à Montpellier, seront une occasion de plus pour lés anti-mondialisation de faire entendre leur voix. En effet on assiste depuis maintenant deux ans à l’émergence d’une contestation du pouvoir économique mondialisé. Cette contestation qui gagne en popularité est traversée par des conceptions assez divergentes. Ce qui la fédère pour le moment et assure son succès aujourd’hui, c’est la conscience diffuse que l’économie de marché mondialisé nous détruit. Tout un chacun peut ressentir la force qu’a aujourd’hui le capitalisme. Les attaques contre les droits sociaux (retraites, chômage, services publics, précarité) sont là pour ouvrir les yeux à tout un chacun sur les intentions du patronat. Les désastres écologiques dus à de grands groupes industriels comme Total, ou les menaces sur la santé publique dues à la recherche du profit (vaches folles, OGM…) augmentent à juste titre le sentiment d’une urgence à changer de cap.

Face à l’absence de perspectives offertes par les partis gestionnaires du capitalisme et à la méfiance qu’inspire leur affairisme, le mouvement anti-mondialisation se construit à coté d’eux. Pour autant que l’on puisse relever une aspiration à remettre l’individu au centre des décisions et l’éthique au centre du fait politique, ce mouvement n’arrive pas à rompre clairement avec la représentation politique. Au contraire, nombre de forces engagées dans ce mouvement aspirent à donner une place prépondérante aux politiques en réclamant une intervention plus importante de l’État. De la mime façon, ces forces refusent une rupture avec l’économie de marché, souhaitant réformer les aspects dévastateurs de celui-ci en confiant à l’état le soin de réguler le marché. L’archétype de cette démarche est la volonté d’instaurer une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin).

Il n’y a pas de capitalisme à visage humain

Soyons clairs. La taxation des flux de capitaux ne remet en cause rien sur le fond. L’exploitation capitaliste au nord comme au sud ou à l’est n’en sera pas moins féroce. Rogner un peu les marges bénéficiaires du capital (0,05 % des flux financiers), ne changera rien aux catastrophes sociales et écologiques dues à la recherche permanente du profit. Si une volonté s’exprime clairement pour ne plus supporter la destruction de nos vies, c’est à la notion même de profit qu’il faut s’attaquer. Le capitalisme n’est pas réformable, il ne peut pas exister sans inégalités. L’exploitation des hommes et des femmes n’amènera jamais l’égalité et la liberté entre les être humains.

Quant au contrôle citoyen, il apparaît bien comme une gageure. Contrôler le marché grâce à l’État relève de la myopie. Cela revient à croire que l’État qui gérera le capitalisme demain peut être différent de celui qui le gère aujourd’hui. Cela revient à croire qu’une élite politique peut représenter nos intérêts en gérant le capitalisme contre les élites économiques. D’ailleurs, les politiques français ne s’y sont pas trompés en allant en masse à Porto Alegre. Il ont bien compris que ce mouvement pouvait leur redonner une légitimité que leur fonction (gestionnaire du capital) et les dérives qui lui sont inhérentes (affairisme) avaient largement contribué à détruire.

Pour nous, ces mouvements contre le pouvoir des marchés, peuvent être porteurs d’espoir. Notre action doit pouvoir s’alimenter de ce qui émerge de positif dans ces luttes, à savoir un refus de la folie capitaliste et la volonté de reprendre nos vies en main. Pour autant ce mouvement devra s’éloigner des tentations réformistes pour s’engager clairement dans une lutte anticapitaliste et éviter de recréer les élites politiques qui enterreront ses espérances.

Stéphane. — Groupe « Un Autre Futur » (Montpellier)